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L'autonomie libère la créativité
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Stress au travail

Le monde du travail moderne est source de stress et parfois de mal-être. Cela est dut notamment à des méthodes de management qui aliènent le salarié. Le docteur Rodet nous propose des alternatives pour réduire le stress et booster sa productivité. Du travail humain. Premier extrait.

Philippe Rodet

Philippe Rodet

Philippe Rodet a exercé la médecine d’urgence dans le cadre du SAMU et de l’assistance en réalisant des rapatriements sanitaires dans plus de cinquante pays. Homme engagé, il a participé à des missions humanitaires au Burkina-Faso, en Roumanie et à Sarajevo pendant la guerre.

Passionné depuis plus de vingt ans par l’interaction entre le stress et la motivation, il publie en 1998 L’ardeur nouvelle aux Editions Debresse et Le bonheur sans ordonnance aux éditions Eyrolles en janvier 2015. Son dernier ouvrage, Le management bienveillant, co-écrit avec Yves Desjacques, vient de paraître aux éditions Eyrolles. 

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À l’échelle d’une civilisation

L’Homme est conduit par la liberté d’action. L’histoire en offre des exemples inlassablement répétés. Jacqueline de Romilly l’exprime avec éclat dans un texte de 2008 consa­cré à l’engagement : « Les Athéniens lorsqu’ils travaillaient pour un maître ne se donnaient aucune peine et aussitôt libérés, travaillant pour eux-mêmes, ils firent un grand effort et connu­rent de grands succès. Ceci se traduisit d’ailleurs dans les faits puisque d’abord la liberté et l’enthousiasme des combattants rendaient compte de succès des Grecs contre un envahisseur bien plus nombreux, et que bientôt la démocratie à Athènes coïncida avec un effort extraordinaire dans tous les domaines et en par­ticulier dans le domaine culturel où apparaissent alors tous les chefs-d’oeuvre. » Il est indéniable qu’à l’échelle d’une civilisation ou d’une société la liberté d’action et son corollaire, l’autonomie, peuvent être à l’origine d’une ardeur exceptionnelle et de grandes réalisations !

À l’échelle individuelle

À l’échelle individuelle, la médecine en fournit un autre exemple vivant et actuel. C’est un domaine où l’autono­mie est de règle et où il ne peut en être autrement. Dans sa pratique humanitaire, parfois exposée à des conditions extrêmes, il devient parfois vital d’imaginer, dans l’instant, de nouvelles solutions. Un exemple, survenu dans un dis­pensaire de brousse au sud-ouest du Burkina Faso vaut ici mieux que bien des théories.

Un nourrisson de quelques mois, gravement déshydraté et souffrant visiblement de paludisme, est amené par sa mère au dispensaire. Il fallut de très nombreuses tentatives pour réussir à le perfuser à la main, mais il restait à im­mobiliser celle-ci pour faciliter l’écoulement du précieux liquide qui allait réhydrater le jeune enfant et traiter son affection. À bout de solution toute faite et immédiate, un abaisse-langue, savamment bricolé et fixé avec une bande afin d’éviter tout mouvement de la main, s’avéra être le recours ultime et salvateur. Parallèlement, la stagnation de l’urine sous l’enfant entraînant des complications, fut confectionné, encore une fois avec les moyens du bord et un peu d’imagination et de créativité, un petit étui pénien pour faciliter l’évacuation du liquide. Au bout de quelques jours, l’enfant est reparti guéri.

Au-delà du cas d’espèce dont l’exemple se produit en per­manence dans des conditions délicates d’exercice de la médecine, ce que l’on retiendra, c’est la capacité créative induite par l’autonomie. L’autonomie, confrontée à la réa­lité, libère la créativité qui permet de faire ce que l’on était incapable d’imaginer.

Au total, après ces exemples ci-dessus que chacun d’entre nous pourrait parfaitement alimenter de ses réflexions, connaissances ou expériences propres, pourquoi ne pas considérer que ce qui a fait le succès de toute une civilisa­tion, ce qui fonctionne au niveau individuel pourrait égale­ment constituer un facteur de performance dans le domaine de l’entreprise ?

À l’échelle des entreprises

C’est le pas franchi par Daniel H. Pink qui analyse plu­sieurs exemples d’entreprise où des expériences d’autono­mie – de liberté d’action – ont été menées.

Le groupe australien Atlassian qui fournit des outils de développement de logiciels à plus de 20 000 clients dans 134 pays représente une référence. Ce groupe organisait une journée de l’autonomie plusieurs fois dans l’année. À cette occasion, il était demandé aux ingénieurs de s’inves­tir sur le sujet de leur choix dès lors qu’il ne s’agissait pas de leur mission habituelle. Le soir, un grand rassemblement permettait aux ingénieurs de faire part de leurs réflexions. Il a été admis que, grâce à ces journées privilégiant l’auto­nomie, un nombre significatif de corrections de dysfonc­tionnements divers avait pu voir le jour. Devant les succès constatés, Atlassian a étendu cette démarche d’autonomie.  

Chez Google, près de la moitié des nouveaux produits nais­sent pendant les 20 % de temps d’autonomie intense.

Un autre principe, défini par deux consultants, Jody Thompson et Cali Ressler, illustre, lui aussi, l’impact po­sitif de l’autonomie : il s’agit de l’environnement de travail axé uniquement sur les résultats (ROWE : Results Only Work Environnement). Ce principe selon lequel les employés sont payés pour des résultats plutôt que le nombre d’heures travaillées, mis en place dans une douzaine d’entreprises en Amérique du Nord, permet aux employés de travailler quand ils veulent, comme ils veulent, d’où ils veulent. Les réunions sont… optionnelles. Dans la grande majorité des cas, les résultats ont été excellents avec une augmentation de la productivité, de l’engagement, de la satisfaction des salariés et… une diminution du turnover !

Ce cas pourrait paraître extrême à certains et il l’est certai­nement. En revanche, lorsque l’on écoute Jean-François Zobrist, le président de Favi, leader mondial en fonderie sous-pression d’alliages cuivreux, on a une vision proche et là aussi une entreprise très performante. Dans cette grosse PME de plus de 500 salariés, on n’a ni tableau de produc­tion, ni horaires fixes, ni indicateurs de qualité, ni même de direction des ressources humaines et pourtant… elle tourne à merveille. L’autonomie est tellement importante que, même si elle génère des dysfonctionnements minimes, les bénéfices inhérents à la qualité du climat l’emportent très largement !

Lors d’une table ronde organisée par le Salon Créer à Lille en septembre 2010 et consacrée à la place de l’Homme dans l’entreprise, Arnaud Garni, le directeur de la communica­tion interne et institutionnelle de Leroy Merlin expliquait que la force de son entreprise était de ne pas se comporter comme un groupe mais comme une flottille de magasins autonomes.

Ces différents exemples illustrent bien l’effet qu’une part plus ou moins importante d’autonomie peut avoir sur la créativité, sur l’engagement, sur le plaisir à travailler et donc sur la performance.

Et cependant, souvent, on a peur de l’autonomie.

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Extrait de " Se protéger du stress et réussir : 7 leviers de motivation" du docteur Philippe Rodet et de Romain Bourdu, Eyrolle août 2011

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