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Brésil 2014 : trois raisons pour que la coupe du monde se passe très mal
©Flickr / Ludo29

J-1

A la veille du lancement de la coupe du monde de football au Brésil, de nombreuses revendications sociales agitent le pays et pourraient peut-être venir jouer les troubles-fêtes. Sans compter que certains stades ne seront pas encore tout à fait terminés.

Stéphane   Monclaire

Stéphane Monclaire

Stéphane Monclaire est Maître de conférences à Paris-I Sorbonne et chercheur au Centre de recherche et de documentation sur l'Amérique latine.

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Atlantico : A la veille du coup d'envoi de la coupe du monde de football, le Brésil est confronté à de nombreux mouvements sociaux qui perturbent notamment les transports et touche les services de police. Si la grogne ne désenfle pas, quels sont les risques qui pèsent actuellement sur la compétition ? 

Stéphane Monclaire : Il faut relativiser le problème. On l'a oublié mais il y avait également eu des grèves à la SNCF et Air France dans les jours qui avaient précédé la coupe du monde en 1998. Ce fut également le cas en Afrique du Sud. Les organisations syndicales et les travailleurs dont l'activité impacte le déroulement d'un méga-événement se servent de cette visibilité pour essayer d'obtenir des avantages sociaux. L'issu de ce genre de grèves, le fait de les éviter lorsque cela est possible, dépend du savoir faire des autorités locales pour éviter toute contagion et tout enlisement. Et le Brésil pèche relativement aux autres pays. 
Cela s'explique car il s'agit d'un Etat fédéral. Tout ne peut pas venir de Brasilla. Très souvent, il faut que ce soit le gouverneur des Etats fédérés et le maire des grandes villes concernées qui prennent les décisions. Et ces élus locaux ne sont pas forcément du même bord politique que Dilma Rousseff. Ils n'ont donc pas un intérêt à régler ce problème dans l'immédiat. C'est très perceptible le cas de San Paulo. 

Faut-il craindre des dysfonctionnements particuliers étant donné la capacité de perturbation des secteurs touchés par les mobilisations ? 

Certes, d'autant plus qu'il n'y pas que les transports qui sont touchés mais aussi les personnes qui réapprovisionnent les distributeurs de billets. Les machines se font de plus en plus rares. Et les Brésiliens ont besoin de ces distributeurs tout comme les touristes.  
Cette grève est néanmoins beaucoup moins gênante que le serait une nouvelle grève des forces de l'ordre. Ce n'est pas prévu pour le moment mais beaucoup ont fait grève ces derniers temps. Mais évidemment à chaque fois le gouvernement cède. Les grévistes n'ont jamais trop demandé leurs revendications étaient raisonnables. Les conducteurs de rame du métro de San Paulo ont demandé une augmentation de 12% mais étant donné l'inflation annuelle du Brésil (6,5%), ce n'est pas démesuré. 

En quoi l’attitude du gouvernement et de la police sera-t-elle décisive dans le développement et l’issue de ces conflits sociaux ?

Si à l'approche du coup d'envoi, les revendications sociales vont s'atténuer, nous ne sommes pas à l'abri de la répression de certains manifestants qui pourrait dégénérer en bavure. Ce qui susciterait une émotion vive. Cela pourrait dégénérer au sens où il y aurait une espèce de contagion sociale qui serait très difficilement gérable. Nous ne sommes pas à l'abri de ce scénario même si ce n'est pas le plus plausible. Ce qui rendrait ce scénario possible, serait le manque de préparation et de doigté de la police militaire (qui est l'équivalent de nos CRS ou de gendarmes) elle est mal formée. Par exemple, dimanche on a vu ces policiers essayés d'écarter des grévistes du métro avec des balles en caoutchouc. On a là un aspect de la violence de l'Etat. 
Ces travailleurs peuvent estimer que la population est de leur côté car la population est mécontente quant à la façon dont la coupe a été préparée. C'est un facteur qu'on ne retrouvait pas en France en 1998. Au Brésil, il y a une amertume qui tient aux sommes dépensées. Trois milliards d'euros ont été dépensés rien que pour les stades. Et ce n'est pas uniquement la faute de la Fifa. C'est lié à des surfacturations, à des défauts de planification, à un manque de savoir-faire dans la mise en œuvre. On retrouve ce problème dans les chantiers d'infrastructures qui ont coûté 8 milliards d'euros, sur les chantiers de mobilités urbaines et les aéroports.

Les douze stades de foot qui accueillent les matchs sont-ils enfin prêts ?

Ils sont quasiment prêts. L'intérieur des stades, dans un des stades la tribune presse n'est pas tout à fait terminée et dans un autre, il y aura 8000 sièges de moins. Ensuite, la partie externe des stades n'est pas toujours finie non plus. 
A Porto Allègre, la façade n'a pas encore été bétonnée. D'autres petits aménagements qui ne coûtaient pas forcément chers n'ont pas été faits. Par exemple, les connexions wifi ne fonctionnent pas dans les stades. 

Les violences dans les favelas de Rio, comme celles qui ont eu lieu en avril 2014, peuvent-elles reprendre pendant la Coupe du monde ? Plus généralement, la sécurité des touristes étrangers est-elle suffisamment assurée ?

Les violences sont quotidiennes. Evidemment, à l'approche de la coupe du monde, la presse étrangère "découvre" la violence.  Dans l'Etat de Rio de Janeiro, on recense 500 homicides volontaires en moyenne par mois pour 17 millions d'habitants. C'est énorme ! Et la violence est triple : la violence des quartiers populaires, la violence conjugale est également très importante tout comme ce que l'on appelle la violence de l'Etat. Cette dernière fait plus de victimes parmi les innocents que parmi les bandits. 
La violence elle est malheureusement très fréquente mais elle ne s'exercera aux abords des stades car des forces de sécurité très importantes vont être déployées. Il y un déploiement de forces de l'ordre jamais égalé auparavant pour une coupe du monde dont le coût s'élève à  650 millions d'euros. Tout cela pour essayer de canaliser les flux de touristes et de supporter et de sanctuariser les stades. Ces cordons de sécurités feront que les collectifs militants n'arriveront pas à passer. 

Une élimination prématurée du Brésil en Coupe du monde pourrait-elle avoir des conséquences sociales ?

Tout dépend de ce que l'on appelle prématuré. L'équipe brésilienne figure parmi les meilleures au monde, ce qui suscite des attentes très fortes de la population. S'ils ne passent pas la première phase, la désillusion sera considérable et les Brésiliens se rappelleront que cette coupe a coûté cher. Et si un candidat de l'opposition s'en saisit alors Dilma Rousseff peut s'en inquiéter. Si le Brésil passe la première phase et progresse de quart, en demi, en finale. Les Brésiliens seront déjà bien contents.

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