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Génération cocon : comment il est devenu courant que les jeunes adultes habitent chez leurs parents
©Reuters

Post-Tanguy

Les Européens de 24 à 35 ans sont de plus en plus nombreux à vivre chez leurs parents et les flux financiers entre générations sont désormais descendants : des plus âgés vers les plus jeunes.

Denis Monneuse

Denis Monneuse

Denis Monneuse est sociologue, directeur du cabinet Poil à gratter et chercheur à l’UQAM (l’Université du Québec à Montréal). 

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Atlantico : Baptisée "génération Tanguy" ou encore "boomerang", les Européens de 25 à 34 ans seraient 35% à toujours vivre chez leurs parents pour les hommes et 21% pour les femmes. Ce phénomène touche-t-il toutes les classes sociales de la même manière ? Les parents vivent-ils toujours cette situation difficilement ?

Denis Monneuse : Ce phénomène touche différemment les différentes classes sociales. Le fait de rester plus longtemps chez ses parents n'est pas vécu de la même manière selon les milieux sociaux. Dans les milieux populaires cela est vécu comme un choix par défaut, plus particulièrement par ceux qui sont concernés par la précarité ou le chômage. Cette solution est vécue comme une alternative de court terme pour s'en sortir. Dans les milieux populaires on constate une sorte d'incompréhension de la part des parents, notamment parce que le niveau d'études a augmenté. Ainsi, des parents qui ont fait peu d'études ont du mal à comprendre que leurs enfants qui en ont fait davantage ne soient pas totalement indépendants. Cette incompréhension peut être mal vécue par les jeunes qui ne se sentent accueillis qu'à moitié.

A l'opposé, chez les plus diplômés, on constate plutôt des aller-retour entre des moments de vie seul ou en colocation et chez les parents. Cela est dû à la multiplication des stages et à des périodes à l'étranger. Ces jeunes connaissent des périodes d'entre-deux pendant lesquelles il est confortable de pouvoir retourner chez ses parents. Dans ces cas, la compréhension est plus élevée que chez les classes populaires. 

Passé un certain âge, comment la présence des enfants au foyer familial influence-t-elle la vie des parents ? 

Pour certains parents la présence des enfants peut être vue presque positivement. Car les parents craignent bien souvent le moment où leurs enfants vont quitter le foyer familial et où le couple va se retrouver en face à face. Cela peut rassurer les parents, en faire un passage plus progressif dans la mesure où les enfants partent mais reviennent de temps en temps.

Néanmoins, lorsque les conditions matérielles ne sont pas réunies, cela peut être plus difficile à vivre. Par exemple, lorsqu'il s'agit d'accueillir les enfants en couple. Cela déstabilise davantage les parents qui peuvent le vivre comme un échec. L'échec ne pas avoir réussi à ce que les enfants soient totalement indépendant. Les enfants peuvent se sentir gêner. A l'exception des cas où les enfants reviennent dans le cadre d'un projet comme cela se fait dans les pays du Sud de l'Europe où les enfants restent chez leurs parents le temps de pouvoir acheter un logement.

Dans quelle mesure les parents continuent-ils à s'occuper de leurs enfants ? 

C'est assez variable. La différence très marquée entre les garçons et les filles. Les jeunes hommes ont finalement moins de scrupules à laisser leur linge sale par exemple et ils peuvent y trouver leur compte. Les filles ont tendance à être plus indépendantes. La maturité des jeunes filles est parfois plus précoce que celle des jeunes hommes. Et les parents n'attendent pas forcément les mêmes choses des filles et des garçons. 

Les femmes passent-elles toujours plus de temps à s'occuper de ces jeunes adultes que leurs maris ?  

En termes qualitatifs, les rôles du père et de la mère sont différents. Les mères seront dans une approche de soutien moral et matériel. Elles vont par exemple préparer le repas, laver le linge. Le père intervient quant à lui sur l'aspect de la carrière en donnant des conseils aux jeunes pour réussir à lancer leur vie professionnelle, aidé à remplir leur première déclaration d'impôts. 

Peut-on parler d'une nouvelle forme de solidarité ? 

Effectivement, on parle souvent de guerre des générations mais cette solidarité montre le contraire. On voit que les parents sont une source d'aide importante à la fois matérielle,  morale et mentale. Cela accentue les inégalités d'origine car les familles les plus aisées peuvent plus facilement aider les enfants et ce sont souvent elles qui sont les plus compréhensibles. La solidarité entre générations a toujours existé mais elle peut prendre des formes différentes. Aujourd'hui la solidarité va passer par héberger son enfant plus longtemps. Auparavant, les jeunes qui sortaient sur le marché du travail aidaient davantage leurs parents financièrement : les flux financiers étaient remontants, des jeunes vers les anciens. Aujourd'hui les flux financiers sont à 90% des flux descendants. Autre nouveauté, l'aide des grands parents vers les petits enfants est plus développée. Les grands parents sont plus impliqués dans la solidarité familiale.  

Quelles sont les conséquences d'une "inversion" de cette solidarité ? 

Le risque est celui d'une infantilisation si l'aide est conditionnelle : "Si tu es un enfant modèle, je t'héberge, je te soutiens. Il existe un risque d'une moindre émancipation des enfants par rapport à leurs parents. Les jeunes ont l'impression de conserver une certaine forme de dépendance. Cette dimension économique joue sur la relation et peut entrainer un phénomène où parents et enfants cohabitent sans partager grand-chose. Il y a une sorte de silence qui peut s'installer pour que les relations se passent bien, et des sujets tabous peuvent se créer. 

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