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Les 4 raisons des milliards exigés de la BNP
©Reuters

Quatuor

Les sanctions drastiques prévues par la justice américaine contre BNP-Paribas n'en finissent plus de faire couler l'encre. L'occasion de rappeler les différentes motivations à l’œuvre dans l'affaire.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Des milliards, mais pas que des milliards. La justice américaine demande à la BNP de payer plusieurs milliards de dollars de pénalité, plus de "plaider-coupable" pour des activités qu’elle juge illégales, plus d’en licencier les "responsables". En plus, elle la menace d’un arrêt temporaire de licence aux Etats-Unis... Le coup porté est ainsi monétaire, financier, commercial et affecte la réputation de l‘établissement, notamment aux Etats-Unis. Sans traiter ici du dossier spécifique, on peut se demander si – par son importance – il n’inaugure pas les relations plus tendues de l’après crise.

Première raison

L’oligopole financier américain est en ordre. La grande crise a frappé d’abord les Etats-Unis. Le Trésor s’est mobilisé et a évité le pire. Toutes les grandes institutions ont été soutenues à court terme, sauf Lehman Brothers qui dépassait la taille des interventions jugées possibles et n’a pu être sauvée. Et toutes les institutions sont encore soutenues à court terme. Quelque temps après, toutes les grandes institutions américaines ont été financées à long terme par les achats de bons du trésor et de papier hypothécaire. Elles le sont encore. Par leur politique monétaire, les Etats-Unis ont soutenu leurs banques jugées viables et procédé à des restructurations, parfois très importantes. La concentration du secteur est aujourd’hui plus forte qu’avant, les banques plus rentables et mieux capitalisées.

Deuxième raison 

L’oligopole financier mondial se reconstruit, les Etats-Unis cherchent à s’y renforcer. Les banques non américaines n’ont pas récupéré comme les banques américaines. Leurs économies sont plus fragiles, les appuis de leurs banques centrales plus faibles, mais les contrôles des risques par les régulateurs plus forts. Il faut, en zone euro, plus de fonds propres et plus de liquidité qu’aux Etats-Unis. Les règles de Bâle s’appliquent plus vite ici. Dans cette recomposition du paysage financier mondial, les banques non-américaines sont davantage sous pression.

Troisième raison

Le dollar mondialise les lois américaines. Ce n’est pas une surprise si le fait que les transactions ont été effectuées en dollars, même hors Etats-Unis, est un argument avancé par les autorités américaines pour contrer la défense par la territorialité des législations. Le dollar porte, en quelque sorte, la loi américaine. Dans ce contexte, pour les grandes transactions et les grands contrats, la monnaie de facturation devient implicitement la monnaie de législation – à tout le moins de surveillance (par les Etats-Unis). En même temps, les Etats-Unis demandent aux entités bancaires travaillant sur leur sol d’y apporter les fonds propres nécessaires et y surveillent plus nettement la liquidité. L’espace bancaire mondial est plus fragmenté donc plus faible, disent théoriciens et européens. L’espace américain est plus solide, répondent les américains.

Quatrième raison

La structure américaine est plus forte que «l’union bancaire» européenne. Les banques européennes s’unissent, acquérant une puissance de taille comparable à celle des Etats-Unis avec un système de surveillance d’égale qualité. En face, le jeu change. Ce ne sont plus deux régulateurs qui se confrontent (Fed/BCE), mais Régulateur + Trésor + Justice américains face au seul régulateur européen. Faute de réponse organisée des trois pouvoirs au niveau européen, le jeu est structurellement déséquilibré.

Sans parler de complot, mais sans être naïf, la concurrence financière mondiale vit une nouvelle étape : la croissance plus faible et plus tendue de l’après crise. Nous sommes en retard : l’euro nous fait entrer dans la concurrence mondiale des financements, l’union bancaire européenne dans celle des régulations, comme les mesures des valeurs comptables ou des résultats fiscaux. On voit ce qu’il en coûte quand on n’est pas préparé à ce qu’on est devenu.

Article précemment publié sur Betbeze Conseil

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