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Et que fait donc François Hollande pendant que ses collègues européens décident du futur président de la commission ?
©Reuters

Le grand absent

Le Premier ministre suédois accueille jusqu'à ce mardi 10 juin un mini-sommet avec Angela Merkel, David Cameron et Mark Rutte, chef du gouvernement néerlandais. Un événement qui brille par l'absence du président français alors que cette rencontre est pourtant déterminante pour l'avenir de l'Union européenne.

Jean-Luc  Sauron

Jean-Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est professeur associé à l'Université Paris-Dauphine.

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Atlantico : Un mini-sommet regroupant les chefs d'Etat allemand, britannique, néerlandais et suèdois s'est tenu à quelques kilomètres de Stockholm. Cette réunion peut-elle être interprétée comme une coalition anti-Juncker au lendemain des élections en dépit de la position ambigue de Mme Merkel ?

Jean-Luc Sauron : Ce mini sommet est ambigü en tant qu'il regroupe des dirigeants nationaux qui n'ont pas de points communs évidents. Deux Etats ont l'euro comme monnaie (Allemagne et Pays-Bas) et les deux autres ne font pas partie de la zone euro (La Suède et la Grande Bretagne). A l'exception de l'Allemagne, ce ne sont pas des pays fondateurs de la Communauté européenne. Mais ce sont tous des pays libéraux économiquement et attachés au libre-échange. Le seul point commun à trois des Etats de ce sommet (Suède, Grande-Bretagne et Pays-Bas) est leur opposition à la candidature de Jean-Claude Juncker comme président de la Commission européenne. Il est difficile de cerner les motivations de Mme Merkel : elle a pris position en faveur de Jean-Claude Juncker tout en refusant de laisser la Grande-Bretagne partir, le dirigeant de cette dernière ayant menacé d'accélérer son départ de l'Union européenne en cas d'élection de l'ancien Premier ministre luxembourgeois. La démarche de Mme Merkel serait plutôt à chercher du côté d'une tentative d'intermédiation pour éviter que le Conseil européen des 25/26 juin prochains ne fasse apparaître une division en son sein, pire ne se termine par un blocage.

L'absence de la France ne peut-elle pas étonner alors que François Hollande possède clairement des ambitions en la matière ?

La France n'est pas, après les résultats des dernières élections européennes, en position de force pour mener ou participer à une action de conciliation au sein du Conseil européen. Sa position est également difficile à décrypter. François Hollande est le seul dirigeant européen à avoir clairement pris position en faveur du respect du vainqueur des élections européennes comme mode de choix du futur président de la Commission européenne. Mais lors du dîner informel du 27 mai dernier, il semblerait que le Président français se soit rapproché des positions de David Cameron. De plus, un ancien Premier ministre français considéré comme un proche de François Hollande, Michel Rocard a fortement pris position contre l'appartenance de la Grande-Bretagne à l'Union européenne, prise de position qui a fait grand bruit dans le monde politique européen.    

Le quotidien suèdois Svenska Dagbladet rappelle que ces quatre pays sont "les seuls membres de l'UE à se trouver parmi les dix pays les plus compétitifs au monde dans le dernier classement de l'OCDE". Est-on finalement en train de voir se concrétiser un bloc nordique élargi sur la scène européenne ?

La situation de ces quatre Etats est loin d'être aussi bonne que ce que prétend ce journal suédois. L'Allemagne n'a pas de destin commun avec des Etats du nord de l'Europe. Un groupe plus homogène pourrait se constituer autour de l'Allemagne composé de la Finlande, de l'Autriche et de la Pologne. La vraie direction d'influence allemande est son "Hinterland" traditionnel, l'Europe centrale et orientale. La situation actuelle est plutôt celle de la capacité allemande à organiser des mini-sommets autour d'elle pour pré-harmoniser les positions avant les Conseils européens. Ce mini-sommet en Suède devrait être suivi d'autres contacts diplomatiques ayant l'Allemagne pour pivot. Cette situation souligne l'affaiblissement accélérée d'une des institutions mises en place par le traité de Lisbonne: le Président permanent du Conseil européen, Hermann von Rompuy est incapable de mener ce travail de convergence des positions parmi les capitales européennes. La diplomatie étatique traditionnelle se substitue à l'affaiblissement des institutions européennes: une Commission européenne en fin de mandat, un Président permanent du Conseil européen sans poids politique, un Parlement européen dont le Président ne peut prétendre au poste de Président de la Commission européenne et ce même Parlement dont la composition fait craindre un recul du poids politique dans le processus décisionnel européen.

Ces manoeuvres politiques pour la nomination de la Commission ne sont-elles pas contradictoires aux promesses d'une plus grande fédéralisation de l'Union qui passerait notamment par une désignation directe des partis ?

Qui a lancé ces promesses ? Il n'a jamais été question d'une désignation directe par les partis politiques européens ! Le Parlement européen a lu l'article 17 du traité sur l'Union européenne (Le Conseil européen, en tenant compte des résultats des élections européennes, désigne le Président de la Commission européenne) dans un sens univoque : le Conseil européen n'a pas de choix et est lié par le candidat présenté par le Parlement européen. Cette lecture inverse le système institutionnel européen et méconnaît la logique européenne qui repose sur deux piliers : le pilier des Etats (le Conseil européen) et celui des peuples (le Parlement européen). Cette logique est conforme à une situation où aucune des deux institutions n'a prise sur l'autre: en cas de désaccord, le Conseil européen ne peut dissoudre le Parlement européen qui ne peut renverser le Conseil européen. Objectivement le candidat du Parti Populaire Européen (Jean-Claude Juncker) ne représente que 221 voix sur 751 au Parlement européen. Qui pourrait gouverner l'Europe en ne représentant qu'une minorité ? Comment sortir d'une telle situation ? Plutôt qu'une personnalité, le Parlement européen devrait présenter au Conseil européen un programme de coalition comprenant un programme législatif complet grâce auquel Jean-Claude Juncker pourrait affirmer pouvoir représenter une véritable majorité au Parlement européen (376 voix). Là serait la véritable politisation , voire parlementarisation du processus de nomination du Président de la Commission européenne. Comment le Conseil européen pourrait alors s'opposer à un programme de législature assis sur des textes nécessaires à la relance de la croissance en Europe.  Très loin de ce combat d'égo auquel se limite pour l'instant la procédure de la désignation du successeur de José Manuel Barroso!

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