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Intervention de la BCE : la France n’a jamais emprunté à des taux aussi bas… Pourquoi il n’y a pas vraiment de quoi se réjouir
©Reuters

Mauvaise nouvelle

Nouveau record pour le taux d’emprunt à 10 ans de l’état français. Dans le courant de la journée du 6 juin, le rendement a pu atteindre un niveau de 1.656%, en baisse de près de 0.20% par rapport à la veille. Si ce niveau peut apparaître comme une bonne nouvelle, notamment au regard des intérêts qui seront payés par le budget du pays au titre de la dette d’état, le phénomène qui en est à l’origine semble bien plus inquiétant.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Des taux d’intérêts bas sont-ils un signe que l’économie du pays en question se porte bien ? Dans le cas de la France, la réponse est évidemment négative. Un taux d’intérêt à long terme dépend principalement de trois facteurs : le risque de défaut, les anticipations de croissance et les anticipations d’inflation.

Le risque de défaut

Lors de la crise de dettes souveraines, les taux d’emprunt de l’Espagne, de l’Italie ou d’autres pays du « club Med » s’étaient envolés. La raison en était simple, les pays concernés représentaient un risque de faire « défaut » sur leur dette, en raison de leur probable incapacité de rembourser leurs prochaines échéances. Afin de se prémunir d’un tel risque, les opérateurs de marché peuvent recourir à un outil financier aujourd’hui célèbre ; le CDS. (Credit default Swap). Si le risque augmente, la prime payée par l’opérateur augmente, et ce prix est directement intégré au taux de l’emprunt d’état. Ainsi, si un état devient simplement susceptible de présenter un risque de remboursement, la prime s’envole et le taux de l’emprunt avec lui. La récente baisse des taux d’emprunt des pays du sud de l’Europe sont en partie la conséquence de la fameuse phrase prononcée par Mario Draghi en 2012 : « nous ferons tout ce qu’il faut pour sauver la zone euro ». Le risque de défaut disparait, et les taux baissent. Par contre, pour des pays comme l’Allemagne, la France, ou les Etats Unis, la prime de risque est ici quasiment nulle, le risque de voir un tel évènement se produire est trop faible.

Les anticipations de croissance et d’inflation

Croissance et inflation sont liées. Lorsque la croissance est forte, la demande pousse les prix à la hausse et lorsqu’elle est faible, les prix ralentissent. Afin de se prémunir du risque inflationniste, les investisseurs ayant choisi de placer leurs fonds dans un emprunt d’état vont faire peser leurs anticipations d’inflation dans le taux de rendement demandé à l’emprunteur, en l’occurrence, l’état français. Ainsi, plus le risque d’inflation est élevé à long terme, plus les investisseurs réclameront un taux élevé. Inversement, des anticipations d’inflation faibles vont provoquer une baisse du taux de rendement d’une obligation d’Etat. C’est ainsi que la déflation intervenue au Japon dans le courant des années 90 et 2000 avait pu provoquer un effondrement des taux de l’emprunt de l’état japonais. Taux qui évoluent depuis plus de 15 ans sous le seuil de 2%.

Cette portion d’assurance contre le risque inflationniste qui est intégrée au taux d’un emprunt d’état est appelé le « Breakeven rate » ou point mort d’inflation. Ce taux traduit donc les anticipations d’inflation à long terme de la part des investisseurs. Pour la France, ce taux est actuellement de 1.46%.

Ainsi, en prenant le taux actuel de la France, à 1.656%, et en soustrayant la prime de CDS, qui est marginale, et en soustrayant les anticipations d’inflation, il ne reste que 0.20%. A quoi correspondent ces 0.20% ? Il s’agit du taux d’intérêt réel.  Un investisseur qui prête aujourd’hui à l’état français sur une période de 10 ans accepte un rendement « réel » de 0.20%. Pourquoi ? Mais quelle raison pourrait pousser un investisseur sérieux à accepter un tel rendement ? La sécurité. La réalité est que les investisseurs sont si terrifiés de prêter à l’économie réelle, faute de croissance, qu’ils sont prêts à accepter n’importe quel rendement pour obtenir un certain niveau de sécurité. Si le taux de croissance de l’économie française était anticipé à un niveau vraiment supérieur à ce taux de 0.20%, les investisseurs se précipiteraient. Mais le risque est trop grand.

Bien loin d’être une bonne nouvelle, le plus bas historique du taux de l’emprunt français n’est rien d’autre que le symptôme d’une perte totale de confiance des investisseurs dans l’économie « réelle ». Plutôt ne rien gagner que de prendre le risque d’investir dans le marasme. Lorsque certains responsables politiques se félicitent de voir le taux d’emprunt de la France battre record sur record à la baisse, ils feraient bien de se rendre compte qu’il s’agit bien d’un symptôme évident de leur propre défaillance.

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