Irene Natividad – Global Summit of Women : "Les hommes qui dirigent les entreprises ne connaissent pas les femmes" <!-- --> | Atlantico.fr
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Selon Irene Natividad, présidente du Global Summit of Women, "sans quota, l’augmentation des femmes dans les conseils d’administration est de 1% par an"
Selon Irene Natividad, présidente du Global Summit of Women, "sans quota, l’augmentation des femmes dans les conseils d’administration est de 1% par an"
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L'interview Atlantico Business

Le Global Summit of Women se tient à Paris les 5, 6, et 7 juin. Il réunit de nombreuses personnalités politiques et économiques du monde entier pour aborder les question de l’égalité femme-homme. Présidente et fondatrice de l’évènement, Irene Natividad regrette que la culture du monde du travail ne soit pas faite pour les femmes, appelant à faire pression par le haut en mettant en place des quotas. Selon elle, le monde des affaires, les gouvernements et les femmes doivent travailler ensemble en faveur de celles qui représentent le vivier de force et de leadership pour le futur de l’économie mondiale.

Irene Natividad

Irene Natividad

Irene Natividad est présidente et fondatrice du Global Summit of Women. Tenu à Paris en 2014, ce forum annuel mondial réunit un grand nombre de personnalités pour débattre des questions de l’égalité homme-femme dans l’action publique et l’entreprise.

Ancienne membre du conseil d’administration de Sallie Mae, leader des prêts étudiants aux États-Unis, elle dirige le cabinet américain d'affaires publiques GlobeWomen.

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Atlantico Business : Un des grands sujets abordés durant ce forum, c’est l’introduction de quotas de femmes au conseil d’administration. Concrètement, quelle est la visée de ces quotas?

Irene Natividad : Vous pouvez augmenter le nombre de femmes dans les conseils d’administration, mais ne toujours pas avoir de femmes PDG d’entreprises du CAC40. Avec les quotas, les femmes pousseront le changement dans le monde de l’entreprise depuis leurs positions élevées. Parce qu’on a bien essayé les politiques de bas vers le haut, en disant "éduquez-les, recrutez-les, et les femmes grimperons les échelons naturellement". Il n’y a rien de naturel là-dedans. Elles représentent déjà la majorité des diplômés des grandes écoles, et cela n’a pas entraîné leur accession aux postes à responsabilités. Aux États-Unis, seules 17% d’entre-elles occupent ces postes, alors qu’elles représentent 50 à 60 % des emplois de direction intermédiaire ! Les quotas interviennent pour briser ce modèle.

Pourtant, les quotas divisent beaucoup …

Les quotas ne sont pas suffisants, mais c’est un bon début. L’évolution des conditions des femmes en entreprise est encore trop lente, malgré de notables progrès. A vrai dire, nos études montrent que sans quota le taux d’augmentation de femmes au sein des conseils d’administration est de 1% ou moins par an ! On sera mort d’ici là si rien n’est fait. Pour Michel Landel, PDG de Sodexo, les “quotas  donnent un coup d’accélérateur".  Et je suis d’accord avec cette idée. Les quotas sont justes un moteur du changement. Il doit y avoir une deadline. Avec la loi Zimmermann, la France se débrouille très bien en la matière, et même mieux que d’autres États européens ou les États-Unis. Et puis, il faut dire que les quotas sont très récents et ne concernent aujourd’hui que 22 pays. Il faut encore leur accorder un peu de temps.

Quels "avantages" à mieux intégrer les femmes au business ?  

Parce que les entreprises qui ne verront pas ça seront les grandes perdantes à l’avenir. Premièrement, de nombreuses études de McKinsey, de la Banque mondiale, de Goldman Sachs, confirment que les pays où il y a plein emploi des femmes s’en sortent beaucoup mieux économiquement parlant. Goldman Sachs a montré que le PIB du Japon pourrait être dopé de 15% si le pays employait totalement les femmes. C’est pourquoi le Premier ministre Abe dit maintenant que cette politique est obligatoire. Et les PDG suivent cette politique ! Ils ont conscience que ce n’est plus une option. L’Europe perd de sa main d’œuvre. L’accroissement de la population européenne est proche de zéro. Où est-ce que les entreprises vont trouver le leadership du futur ? Cela ne peut qu’être les femmes ! Ce n’est pas une question d’équité ou de justice, la viabilité future de nos économies dépend de l’utilisation de ces talents inemployés.

Qui doit faire bouger les choses : les femmes, les gouvernements, ou les entreprises ?

Nous avons besoin de tout le monde. Ce sont bien les gouvernements qui font passer les lois par exemple sur les quotas, comme en France ou en Suède. Mais les chefs d’entreprise doivent se conformer. Ils doivent donner la direction et dire : "Ce n’est pas juste ! J’ai besoin de cerveaux d’un autre secteur qu’on appelle « les femmes » pour développer ma stratégie de marque".  Et les femmes ne peuvent attendre, elles doivent faire pression. N’attendez pas que le gouvernement ou les entreprises préconisent le changement pour vous, concentrez-vous sur vos efforts et provoquez-le.

Pourtant, les entreprises semblent bien peu enclines à tout changement en la matière …

La  culture du monde du travail n’est pas faite pour les femmes. Les femmes sont comme des immigrantes pour la main d’œuvre. Les hommes qui dirigent les entreprises ne connaissent pas les femmes.  Ils ne savent pas où elles se trouvent, ils ne savent pas comment les recruter. Ce monde a été créé pour des hommes qui ont quelqu’un d’autre prenant en charge les autres parties de leur vie. Alors que les femmes veulent à la fois le succès et les à-côtés. Et pendant ce temps, on observe que les jeunes hommes veulent aussi faire partie de l’éducation des enfants. Aujourd’hui, la nouvelle génération, aussi bien les femmes que les hommes, veulent plus de flexibilité salariale, et ce qu’importe l’entreprise dans laquelle ils travaillent.  Si vous ne comprenez pas ça, ils démissionnent ! Et ils sont nombreux à le faire, emportant avec eux de formidables expériences et une connaissance des pratiques de l’organisation. Comment gérer à la fois le départ des baby-boomers et les nouvelles générations qui ne semblent pas si attachées à rester dans l’entreprise ?

Pourquoi semble-t-il y avoir si peu de femmes lançant leur start-up ?

Durant ce Forum, nous organisons un Hackathon, un concours de start-ups innovantes pour lever des fonds. Les banques traditionnelles n’aident pas les femmes à lancer leur activité. Elles demandent des garanties financières que les femmes ne possèdent pas. Même aux Etats-Unis, une femme lance le plus souvent leur entreprise avec leur propre épargne, celle de leur famille, ou avec leur carte de crédit à la consommation. Le problème ne vient pas d’un manque de désir d’entreprendre, cela vient du manque de financements pour se lancer et surtout maintenir et développer son business. Aux États-Unis, 40,4% des entreprises privées sont détenues par des femmes, générant 1,3 milliard de dollars chaque année. En Asie, c’est presque génétique, elles lancent rapidement leur propre activité. L’Europe est plus lente à cause de formidables systèmes de protection sociale qui maintiennent cependant les gens en zone de confort.

Propos recueillis et traduits par Youness Rhounna

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