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BCE : le Big Bang n'a pas eu lieu
©Reuters

Faux espoirs

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé la mise en place de nombreuses mesures de soutien à l'économie lors de sa réunion de ce jeudi 5 juin. Mario Draghi a fait ce qu'il pouvait mais il sait qu'il peut peu.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Mario Draghi a parlé. De nombreuses mesures de soutien à l’économie sont posées sur la table, pour faire suite, encore une fois, à la révision par le bas des anticipations de croissance et d’inflation pour la zone euro. En effet, la croissance pour 2014 est désormais attendue à 1% pour 0.7% d’inflation, puis  1.7% de croissance pour 1.1% d’inflation pour 2015, et 1.8% de croissance et 1.4% d’inflation pour 2016. Au total, la croissance nominale (croissance + inflation) est ainsi attendue à 3.2% pour 2016, bien en deca du potentiel de croissance de la zone euro. La crise est prévue pour durer.

>>>>>>>>> A lire également : Jour J pour la BCE ? Les leviers dont dispose Francfort

En réponse à ces prévisions défavorables pour la zone euro, Mario Draghi sort une artillerie de mesures :

  • Baisse des taux directeurs de 0.25% à 0.15%, soit une baisse légère de 0.10%.
  • Baisse du taux de dépôts en territoire négatif afin de contraindre les banques de ne pas déposer leurs fonds (en excès des réserves obligatoires) à la BCE. Malheureusement, les montants en jeu sont ici limités puisque le taux précédent de 0% avait d’ores et déjà incité les banques à sortir leurs fonds.
  • Baisse du taux de prêt marginal de 0.75% à 0.40%, sans effet réel.

D’autres mesures sont venues accompagner cette batterie de décisions :

  • Mise en place d’un plan de refinancement conditionnel de l’économie, qui sera seulement réservé aux établissements prêtant effectivement aux entreprises non financières. En effet, le montant total du crédit de 400 milliards d’euros sera octroyé en deux partie (septembre et décembre 2014) et sera donné dans la limite de 7% des prêts octroyés aux entreprises non financières. Plus une banque prête au secteur non financier, plus sa capacité d’emprunt à bon compte sera élargie. Le programme est nommé TLTRO, pour les fans d’acronymes.
  • Arrêt de la "stérilisation" du SMP (Securities Market Program). Ce programme permettait à la BCE d’intervenir sur le marché obligataire en rachetant des actifs. Ces achats étaient "neutralisés", c’est-à-dire que les montants déployés d’une main étaient repris de l’autre. Cette stérilisation est interrompue. Ce qui représente la somme de 165 milliards d’euros.

Mario Draghi est également intervenu afin d'assurer au marché que si les conditions venaient à l’exiger, le conseil des gouverneurs était prêt : "Nous n’avons pas encore fini", a-t-il dit. Le signal est donné qu’un plan d’assouplissement quantitatif reste envisageable pour la BCE, c’est-à-dire un programme de rachat d’actifs financé directement par de la création monétaire.

Cette dernière annonce a été un piège pour la BCE. L’ensemble des mesures mises en place ce jour deviennent fades comparées à un tel plan d’assouplissement quantitatif. Le fait d’avoir indiqué celui qui restait possible en cas d’aggravation de la situation devrait être justement perçu comme une promesse de détérioration….

Les mois passent, les acronymes incompréhensibles s’accumulent et les résultats sont faibles, voire inexistants. La communication de Mario Draghi a atteint sa limite aujourd’hui, non par sa faute, mais en raison du cadre qui lui est donné. Ses efforts sont louables. Mais il pourra aller aussi loin que son mandat le lui permet, le mandat n’est simplement pas taillé pour la zone euro.

Bien que les mesures mises en place ce jour puissent effectivement compenser la détérioration prévue de l’économie, elles n’ont pas l’ampleur suffisante pour permettre une réelle sortie de crise. En réalité, ces mesures ne sont qu’une réponse apportée à une anticipation d’une aggravation de la situation, c’est la stabilité dans la médiocrité économique qui est alors annoncée.

La fin de la conférence de presse tenue par Mario Draghi aura été troublante. Un journaliste irlandais a pu faire remarquer au banquier central que le résultat des élections européennes marquait une volonté des peuples de ne plus accepter l’austérité. C’en est suivi un long moment de gêne et une réponse alambiquée d’un banquier central qui a tout de même admis que la zone euro devait être "améliorée" et que "l’emploi et la croissance" devaient être mis au cœur du projet européen.

Mario Draghi sera bientôt au bout des capacités que lui offre son mandat. Il revient aux dirigeants européens de lui donner les moyens d’intervenir, en révisant les traités européens. Pour la croissance et pour l’emploi.

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