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Jeu d'influences : ce qui permit à Christian Estrosi de rester ministre en 2010 malgré une affaire d’appartement(s) de fonction
©Reuters

Bonnes feuilles

Des coulisses de la présidentielle de 2007 à la chute de DSK, de l'affaire Bettencourt à l'affaire Cahuzac... pour la première fois, des conseillers de tout premier plan s’expriment sur certains épisodes emblématiques de l'actualité politique ou économique, restés jusque-là secrets. Extrait de "Jeu d'influences", de Luc Hermann et Jules Giraudat, publié aux éditions La Martinière (2/2), suivi d'une interview de Luc Hermann.

Luc  Hermann

Luc Hermann

Journaliste emblématique, avec Paul Moreira, du magazine "90 minutes", sur Canal + pendant plus de 10 ans, Luc Hermann dirige aujourd'hui la société Premières Lignes, qui produit notamment l'émission Cash Investigation sur France 2. Il a déjà réalisé cinq documentaires pour décrypter les techniques des maîtres de l’influence (pendant les guerres du Kosovo en 1999 et en Irak en 2003, pendant la campagne présidentielle de 2007, sur les grands laboratoires pharmaceutiques et sur la communication de la grande distribution…).

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Jules  Giraudat

Jules Giraudat

Responsable d'enquête, Jules Giraudat travaille pour Premières lignes.
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Estrosi dans la tourmente Printemps 2010, même scénario de crise. Un membre du gouvernement Fillon se retrouve empêtré dans une nouvelle affaire de logement de fonction. Un spindoctor va le convaincre d’adopter une stratégie risquée.

« Ça a été une communication blitz, on a dû réagir très rapidement », se remémore Jean- Luc Mano. Le Canard enchaîné, encore lui, s’apprête à publier un article qui met en cause Christian Estrosi. Le ministre, alors en charge de l’Industrie, occupe deux appartements de fonction, l’un à Bercy, l’autre où il loge sa fille, dans un hôtel particulier parisien qui appartient à la République.

Tous les membres de l’équipe du ministre, de la direction du cabinet aux responsables de presse ont en tête l’affaire Gaymard. Jean- Luc Mano a longtemps été journaliste. Il débute à L’Humanité, puis rejoint TF1 comme reporter, avant d’en diriger le service politique. Il prend ensuite les rênes de la rédaction de France 2, un poste très exposé, avant de rallier France Soir, puis la radio BFM. Il est aujourd’hui conseiller en communication multicartes. Il supervise l’image de chefs d’entreprises et de politiques, notamment celle de Nathalie Kosciusko- Morizet pendant sa campagne des municipales à Paris.

« Évidemment, quand on a été patron de presse, l’expérience de la gestion de l’adrénaline et du stress est importante dans la gestion de crise, raconte- t-il. J’en ai tiré une expérience assez singulière dont je me sers. Dans une crise, quand vous êtes patron d’un média, si vous commencez à être en retard le premier jour, en règle générale vous n’allez pas être performant sur l’ensemble de la crise. C’est assez frappant, le début est décisif. Il faut prendre les crises à temps, ne pas être dans le déni, ne pas considérer que ça va passer et que ça va s’arranger tout seul. Quand il y a des situations de crise, il faut y faire face dans l’urgence. »

Extrait de "Jeu d'influences", de Luc Hermann, Jules Giraudat, publié aux éditions La Martinière, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

Atlantico : Vous traitez de beaucoup d’affaires dans votre livre – Cahuzac, DSK, Kerviel - y-a-t-il un événement en particulier qui vous a poussé à enquêter sur le sujet ?

Luc Hermann : Non, ce qui m’a poussé à écrire ce livre n’est pas une affaire en particulier mais plutôt la pratique quotidienne de mon métier.

Je suis journaliste d’investigation depuis des dizaines d’années et j’ai constaté au cours de mes enquêtes que les communicants mettaient de plus en plus de battons dans les roues aux équipes pour les empêcher d’atteindre les sources de l’information et de la vérifier. Il est devenu très difficile aujourd’hui d’accéder à un ministre ou à un patron d’une grosse entreprise quand un spin doctor se dresse sur votre route, car ils sont durs en négociation et très au fait des failles du système médiatique français qu’ils exploitent sans état d’âme (manque de temps, "copié collé" exempt de toute vérification, prolifération d’informations sans intérêt etc… ).

Ce phénomène est dommageable pour la démocratie, surtout quand on sait que les rédactions sabrent dans leur budget enquête alors que les arcanes du pouvoir surinvestissent dans leurs budgets de communication. Aujourd’hui, le rapport est de 1 journaliste pour 4,6 communicants.

Avez-vous rencontré des difficultés au cours de votre enquête ?

Paradoxalement, aucun des spin doctors que nous avons rencontrés au cours des six mois d’enquête n’a demandé à relire son interview ou n'a cherché à exercer une censure lors de la publication, même si certains ont souhaité livrer leur témoignage "en off".

En revanche, ils se connaissent presque tous entre eux et ils s’appelaient la veille des interviews.

Le métier de spin doctor peut apparaître à la lecture du livre comme un métier assez ingrat, avec beaucoup de stress et finalement très peu de reconnaissance publique. Pourquoi pensez-vous qu’on choisisse d’exercer cette activité ?

Les spin doctors que j’ai rencontrés étaient épanouis et heureux de leur métier.

Je pense que ce qui plait le plus à ces personnes, outre le salaire qui est comparable à ceux des grands avocats d’affaire, c’est d’être au plus proche du pouvoir et de la prise de décision. Ces professionnels de la communication sont fascinés par le pouvoir.

Certains d’entre eux, pour la plupart d’anciens publicitaires, finissent d’ailleurs par se lancer eux-mêmes dans la politique. C’est notamment le cas d’un certain Manuel Valls, qui a été le spin doctor de Lionel Jospin alors qu’il était Premier ministre en cohabitation avec Jacques Chirac.

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