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Faiseur de roi : ce "spin doctor" qui se cache derrière l'ascension de Manuel Valls
©Reuters

Bonnes feuilles

Des coulisses de la présidentielle de 2007 à la chute de DSK, de l'affaire Bettencourt à l'affaire Cahuzac... pour la première fois, des conseillers de tout premier plan s’expriment sur certains épisodes emblématiques de l'actualité politique ou économique, restés jusque-là secrets. Extrait de "Jeu d'influences", de Luc Hermann et Jules Giraudat, publié aux éditions La Martinière (1/2), suivi d'une interview de Luc Hermann.

Luc  Hermann

Luc Hermann

Journaliste emblématique, avec Paul Moreira, du magazine "90 minutes", sur Canal + pendant plus de 10 ans, Luc Hermann dirige aujourd'hui la société Premières Lignes, qui produit notamment l'émission Cash Investigation sur France 2. Il a déjà réalisé cinq documentaires pour décrypter les techniques des maîtres de l’influence (pendant les guerres du Kosovo en 1999 et en Irak en 2003, pendant la campagne présidentielle de 2007, sur les grands laboratoires pharmaceutiques et sur la communication de la grande distribution…).

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Jules  Giraudat

Jules Giraudat

Responsable d'enquête, Jules Giraudat travaille pour Premières lignes.
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Pendant la campagne de François Hollande, Manuel Valls a géré l’image du candidat socialiste et l’a mené vers la victoire. Il a lui- même de grandes ambitions et ne s’en cache pas.

Contrairement au président, il ne rejette pas la communication. Il a été spin doctor lui- même, chargé de la communication et de la presse au cabinet de Lionel Jospin lorsqu’il était Premier ministre de 1997 à 2002. Pour constituer l’équipe de la campagne de François Hollande, Manuel Valls a auditionné le publicitaire Nicolas Bordas.

« J’ai rencontré Manuel Valls, on n’avait jamais travaillé ensemble. On a eu un entretien un peu réciproque, confie- t-il, maintenant je peux le dire avec le recul, on peut parler d’entretien d’embauche. Il fallait que Manuel ait confiance en nous, autant que les autres, sinon ça n’aurait jamais pu marcher. J’ai découvert qu’il était un formidable communicant. Je le recommanderais à n’importe quelle entreprise comme directeur de communication, ou voire plus, voire président, mais on va commencer par directeur de la communication (rires). »

Manuel Valls est souvent comparé à Nicolas Sarkozy, il séduit même une partie de l’électorat de droite. Comme Sarkozy, il est ministre de l’Intérieur. Comme lui, il est omniprésent dans les médias.

« Valls, un peu comme Sarkozy avant lui, ou comme d’autres ministres de l’Intérieur, est dans la posture du gars qui peut monter en haut du mât pour dire voilà ce qui se passe, relève Laurent Valdiguié. C’est pour cela que ce rôle lui va bien. Quand d’autres sont soit inaudibles, soit absents de la scène, comme lors de manifestations, Valls accepte une interview ou un passage à la télé, il prend un risque. D’autres choisiraient surtout d’attendre le lendemain. »

Extrait de "Jeu d'influences", de Luc Hermann, Jules Giraudat, publié aux éditions La Martinière, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

Atlantico : Vous traitez de beaucoup d’affaires dans votre livre – Cahuzac, DSK, Kerviel - y-a-t-il un événement en particulier qui vous a poussé à enquêter sur le sujet ?

Luc Hermann : Non, ce qui m’a poussé à écrire ce livre n’est pas une affaire en particulier mais plutôt la pratique quotidienne de mon métier.

Je suis journaliste d’investigation depuis des dizaines d’années et j’ai constaté au cours de mes enquêtes que les communicants mettaient de plus en plus de battons dans les roues aux équipes pour les empêcher d’atteindre les sources de l’information et de la vérifier. Il est devenu très difficile aujourd’hui d’accéder à un ministre ou à un patron d’une grosse entreprise quand un spin doctor se dresse sur votre route, car ils sont durs en négociation et très au fait des failles du système médiatique français qu’ils exploitent sans état d’âme (manque de temps, "copié collé" exempt de toute vérification, prolifération d’informations sans intérêt etc… ).

Ce phénomène est dommageable pour la démocratie, surtout quand on sait que les rédactions sabrent dans leur budget enquête alors que les arcanes du pouvoir surinvestissent dans leurs budgets de communication. Aujourd’hui, le rapport est de 1 journaliste pour 4,6 communicants.

Avez-vous rencontré des difficultés au cours de votre enquête ?

Paradoxalement, aucun des spin doctors que nous avons rencontrés au cours des six mois d’enquête n’a demandé à relire son interview ou n'a cherché à exercer une censure lors de la publication, même si certains ont souhaité livrer leur témoignage "en off".

En revanche, ils se connaissent presque tous entre eux et ils s’appelaient la veille des interviews.

Le métier de spin doctor peut apparaître à la lecture du livre comme un métier assez ingrat, avec beaucoup de stress et finalement très peu de reconnaissance publique. Pourquoi pensez-vous qu’on choisisse d’exercer cette activité ?

Les spin doctors que j’ai rencontrés étaient épanouis et heureux de leur métier.

Je pense que ce qui plait le plus à ces personnes, outre le salaire qui est comparable à ceux des grands avocats d’affaire, c’est d’être au plus proche du pouvoir et de la prise de décision. Ces professionnels de la communication sont fascinés par le pouvoir.

Certains d’entre eux, pour la plupart d’anciens publicitaires, finissent d’ailleurs par se lancer eux-mêmes dans la politique. C’est notamment le cas d’un certain Manuel Valls, qui a été le spin doctor de Lionel Jospin alors qu’il était Premier ministre en cohabitation avec Jacques Chirac.

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