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Allergie : y a-t-il des moyens d’en endiguer la progression préoccupante ?
©Flickr

Atchoum

La dernière étude réalisée par l'OMS révèle que depuis 1968, le nombre de personnes touchées par une allergie est passé de 3,8% à 30%. Elle se trouve d’ailleurs à la quatrième position des maladies dans le monde après le cancer, les pathologies cardio-vasculaires et le sida.

Florence Trébuchon

Florence Trébuchon

Le Dr Florence Trébuchon est médecin allergologue. Elle a fondé l'École de l'asthme au service des maladies respiratoires de l'hôpital Arnaud-de-Villeneuve, à Montpellier. Elle est l'auteur de Vaincre l'asthme et les allergies aux éditions Albin Michel (2011).

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Atlantico : D'un point de vue épidémiologique, quels sont les comportements humains suspectés d'avoir participé à la propagation de l’allergie ?

Florence Trébuchon : Il y a plusieurs hypothèses sur la question. On sait aujourd’hui que notre environnement a joué un rôle dans la propagation des allergies. Tout d’abord, la pollution atmosphérique, qui a fragilisé nos voies respiratoires et les a rendues plus sensibles aux pollens et aux acariens. On sait également que le réchauffement climatique accroit la pollinisation des espèces végétales. Ce sont des problèmes éminemment politiques.
La théorie de l’hygiène, elle, nous dit que l’augmentation des populations allergiques serait liée au fait que nos défenses immunitaires sont moins stimulées qu’avant pour se protéger contre des affections sévères. Une étude a montré par exemple qu’à la chute du mur de Berlin, il y avait beaucoup moins d’allergies chez les berlinois de l’est que chez leurs voisins, plus vaccinés, et qui jouissaient d’une meilleure protection sanitaire générale. Dix ans plus tard, le taux d’allergie y avait augmenté au point qu’il était désormais similaire à ceux de l’ouest. Autre exemple qui conforte la thèse hygiéniste, on s’est aperçu que les enfants qui grandissaient et vivaient à la ferme étaient beaucoup moins allergiques que les autres car leurs systèmes immunitaires étaient plus sollicités.
La pollution intérieure joue aussi un rôle dans la propagation des allergies. Depuis les chocs pétroliers des années 1970, nos maisons sont très extrêmement isolées. On y retrouve des fenêtres en PVC, des matériaux composés volatiles, notamment dans les meubles Ikea. Sauf qu’on a oublié de ventiler nos maisons. Les toxiques s’accumulent donc plus qu’avant car les maisons avaient une ventilation naturelle. 
Une étude de l’Inserm d’il y a deux ans avait analysé la qualité de l’air dans des écoles primaires, et avait montré que dans plus de la moitié de ces écoles, il y avait des quantités de polluants intérieurs supérieurs aux normes de l’OMS. Il aurait pourtant suffit de mieux les ventiler…

Quelles sont les allergies qui se sont le plus développées ? A contrario, certaines allergies ont-elles diminué, voire disparu ?  

Aucune allergie n’a diminuée. Celles qui se sont le plus propagées sont les allergies respiratoires à cause du pollen et de la pollution. Les allergiques alimentaires sont également plus nombreux, et d’une manière générale on estime que les allergies toucheront 50% de la population en 2050.

On a coutume de penser que seuls les enfants et les jeunes adultes sont concernés. Existe-t-il des populations plus fragiles que d'autres ? 

L’allergie est d’abord le résultat d’une prédisposition allergique, mais peut aussi survenir en cas d’exposition intense aux allergènes. Par exemple, dans ma région, le principal allergène est le pollen de cyprès qui est d’une agressivité redoutable, d’autant plus lorsqu’elle est combinée à des particules de diesel, et touche même des populations âgées qui n’ont jamais été allergiques. Toutes les populations sont touchées.

Quels environnements sont les plus propices à nous rendre allergique ?

Le comportement de la mère va influencer le terrain favorable aux allergies dès l’utérus. L’épigénétique nous montre que les gènes s’adaptent, et voient leurs expressions modifiées si par exemple la mère fume. Si cet enfant a lui même un enfant, et même s’il n’a pas fumé, il transmettra malgré lui la prédisposition génétique aux allergies respiratoires à ses enfants. Ce phénomène explique l’essor ahurissant du nombre d’allergiques décrit dans le rapport de l’OMS.

Depuis dix ans qu’on essaye de prévenir l’apparition des allergies, on s’aperçoit que l’assainissement du mode de vie des mères enceintes ne changeait rien, les régimes particuliers aux enfants ne changeaient rien, et on s’est rendu compte qu’à titre individuel on ne pouvait pas diminuer notablement le nombre d’allergiques, du fait du phénomène d’epigénétique. Mais ce dernier pourrait inverser également la tendance, et cela ne se fera qu’en diminuant la pollution de nos environnements

Comment prévenir les générations futures des allergies ?
Les prochaines générations seront sacrifiées. Il faudra que la recherche se porte sur les allergies alimentaires qui sont un accélérateur de l’apparition des autres allergies, et qui n’existaient pas il y a cinquante ans. Elles sont aussi beaucoup plus sévères. Il y a par exemple des cellules du tube digestif qui aident à la tolérance des aliments, et qui sont très actives entre 4 et 6 mois après la naissance. Cette découverte va à l’opposé de ce qu’on pensait avant, et permettra d’améliorer la tolérance alimentaire des générations futures. D’une manière générale, il y a beaucoup de choses qu’on faisait avant contre l’apparition des allergies et qui sont finalement inutiles. On sait aujourd’hui que les parents en attente d’un enfant n’ont pas besoin d’égorger leur chat, il leur suffira juste de bien ventiler leur maison.

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