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 Alstom, libre-échange, budget : pendant les travaux de démolition politique, les affaires continuent
©Reuters

La vie continue, les affaires aussi

Pour François Hollande, les élections européennes n’ont pas clôturé la série des difficultés. Dans les jours qui viennent, il va falloir traiter trois dossiers qui, compte tenu de la conjoncture, sont désormais des dossiers à très hauts risques : la négociation du traité de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis, la présentation de la loi de finances rectificative et la vente d’Alstom à l’américain General Electric. Sur ces trois dossiers, ça passe ou ça casse.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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François Hollande n’en a pas fini avec les "emme…" Et plus ça va, plus les difficultés vont devenir insurmontables et ingérables. La situation économique est épouvantable, les indicateurs montrent clairement que la France a sans doute raté le rebond dont bénéficient les autres pays européens. L’assise politique est réduite à zéro ou presque (3% de taux de popularité.) Ajoutons à cela que l’autorité vis à vis de l’étranger a été démolie par un tas de maladresses.

Les dossiers qu’il va falloir traiter dans les jours qui viennent vont mettre la présidence française dans une situation intenable.

D’abord, la question du traité de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis va obliger François Hollande à formuler très clairement une position française. La question est de savoir si Paris négocie ou pas, et si oui à quelle condition. Le président américain va passer cette semaine à l’Elysée en marge de son voyage en Normandie, pour essayer de comprendre ce qui se passe en France.

Cette affaire de traité de libre échange a déjà donné lieu à de violents débats au sein de l’opinion publique en général et de la gauche en particulier. Grosso modo, la majorité des Français est plutôt contre ce traité parce que la majorité y voit la source d’un nouvel affaiblissement de l’industrie française. Donc, le Front de gauche, les écologistes, une partie du PS, et l’extrême-droite demandent explicitement l’abandon de cette négociation. C’est une position politique qui s’inscrit dans un mouvement protectionniste et anti-européen.

Or dans cette affaire, les libéraux de gauche et de droite sont plutôt favorables à la négociation de ce traité, les milieux d’affaires aussi. Pour trois raisons :

  • Ce traité serait l’occasion de dénoncer les pratiques très protectionnistes de l’Amérique. Le contrôle des banques et les menaces à peine voilées portées sur les établissements français comme la BNP Paribas sont à terme insupportables.
  • Il existe beaucoup d’entreprises françaises qui ont besoin aujourd’hui que le marché américain ouvre ses portes. Tous les secteurs des industries agroalimentaires, les nouvelles technologies, l’industrie automobile, les biens culturels. Au total, les économies européennes ont presque plus intérêt au libre-échange que l’économie américaine mais l’opinion publique et les politiques ne le savent pas.
  • L'ouverture à la concurrence oblige les entreprises à faire un effort de compétitivité hors coût.

​​Sur ce dossier, le président français est piégé. Piégé entre l’obligation qu’il aurait de négocier un compromis utile et la nécessité d’écouter sa majorité politique. Il est piègé entre la position française qui sera stérile et la position des Européens qui sont eux proactifs et favorables à une dérégulation de la concurrence entre l’Europe et les USA.

Le deuxième dossier à régler porte sur le pacte de compétitivité. Il a annoncé ce virage en janvier mais il n’a toujours rien fait. Il doit présenter à l’Assemblée nationale le projet de loi de finances rectificative qui doit prendre en compte un plan d’économie de dépenses. Les économies budgétaires prévues ne sont pas finalisées et de toute façon insuffisantes. La fiscalité correspondante n’a pasété calée. Bref tout cela est flou et incertain.

C’est Manuel Valls qui va gérer ce dossier, mais il se retrouve piégé comme le président de la République. La majorité pour faire adopter cette loi de finances n’existe pas. Il va falloir trouver des alliés. Par ailleurs, François Hollande a épuisé toutes les voies de recours possible, les délais imaginables, etc. etc.

Donc cette loi de finances, ça passe ou ça casse. Ça risque fort de casser.

Le troisième dossier à traiter en urgence est celui d’Alstom. On connait le problème, Alstom pour sécuriser son avenir avait besoin de l’adosser à un groupe mondial. Les dirigeants ont semble-t-il passer un deal avec General Electric, très présent en France et très complémentaire d’Alstom. Seulement voilà, le ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg s’est mis dans l’idée qu’un rapprochement européen serait mieux pour la France. Et d’en appeler à Siemens, qui n’a jamais été ami avec Alstom. Les dirigeants, les actionnaires et les syndicats de salariés ne sont pas chauds pour aller se rapprocher d’Alstom.

Siemens a donc promis de faire une offre de rachat mais Siemens ne semble pas très pressé, ni très intéressé. Par conséquent il est fort probable que Siemens fasse une offre qui ne sera pas recevable par Alstom et ses actionnaires. En attendant Siemens a accès à la data room d'Alstom et photocopie toutes les caractéristique d’Alstom, ce qui pourra toujours lui servir pour se présenter aux appels d’offres internationaux.

En attendant, Joe Kaiser le patron de Siemens vient d’annoncer un plan de restructuration de 11 600 postes et son intention de déménager toute l'activite énergie à Houston.

Comme allié pour protéger l’emploi et protéger le caractère européen du groupe on fait mieux. Pour les Français c’est une provocation. 

Le gouvernement et Arnaud Montebourg en particulier sont donc piégé. L’idée défendue au départ de constituer un groupe européen n’est pas réalisable et surtout n’apporterait aucune synergie. Une fois de plus, le président de la République accepte qu’un des membres de son gouvernement et non des moindres mette une entreprise en difficulté, ainsi que l’image de la France industrielle. Dans la situation actuelle et depuis deux mois Alstom ne peut plus se présenter à un seul appel d’offre. Tout le monde attend.

Arnaud Montebourg s’est mis dans un corner et du même coup, il a placé François Hollande arbitre dans un problème qui, s’il avait été géré en fonction des intérêts de l’entreprise Alstom, n’aurait pas dû exister.

La seule chose qui pourrait sauver François Hollande d’un zéro pointé au prochain sondage serait que Manuel Valls se mette à produire des résultats. L’impact politique ne pourrait pas être plus destructeur qu’aujourd hui.

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