Pénélope Hollande : retour sur deux ans de tricotage-détricotage permanent <!-- --> | Atlantico.fr
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Détricotage
Détricotage
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Un pas en avant, deux en arrière

Depuis la taxe à 75%, improvisée lors d'un débat télévisée pendant la campagne, jusqu'au pacte de responsabilité annoncé début 2014, un grand nombre des promesses de François Hollande se sont heurtées à des réalités concrètes, du monde économique ou de l'opinion publique.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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  • Le plan de 60 milliards d'euros d'économies annoncé en novembre 2012 s'est traduit par une hausse de la pression fiscale sur les entreprises

  • Les hausses d'impôts décidées en 2012 ont touché surtout les classes moyennes

  • La réforme des retraites ne comblera pas le déficit de l'assurance vieillesse en 2020

  • La réforme des rythmes scolaires est attaquée même par des maires socialistes

  • Le pacte de responsabilité n'est toujours pas financé...

Atlantico : Depuis deux ans, François Hollande a fait beaucoup d'annonces. Mais qu'en est-il sorti réellement, après leur test dans l'opinion ? A quel point cet exercice d'annonces et de reniements peut illustrer un déficit de volonté du monde politique ?

Philippe Crevel : François Hollande a été élu en niant la nature structurelle de la crise française. Il a fait le pari du retour rapide de la croissance dans le cadre d’un cycle keynésien  de croissance. De ce fait, il a récusé, durant sa campagne, toutes les idées de réforme des retraites, toute réduction des dépenses publiques… Une fois élu, les réalités se sont imposées à la nouvelle majorité qui est contrainte d’abandonner ses promesses les unes après les autres. Les Français ont le sentiment d’avoir été bernés et manifestent leur ressentiment bruyamment dans les urnes. Faute d’un minimum de consensus, faute d’avoir de la légitimité, le gouvernement pratique la politique de la godille en essayant d’éviter les récifs. Il en résulte des à-coups et une faiblesse. Toute mesure a vocation à être contestée et à subir un ajustement dans un délai très bref. Le pouvoir est incapable d’avouer qu’il s’est trompé sur le diagnostic et qu’il faut collectivement mettre en œuvre une politique d’assainissement structurel de grande ampleur.

Mathieu Mucherie : Cet "exercice" (il est vrai que le style est assez scolaire et immature) n’est pas tant une politique de Pénélope qui tricotait et détricotait qu’une politique anti-Ulysse. Ulysse se savait faible de volonté (le chant des sirènes sera irrésistible), mais il avait une volonté sur sa volonté : plus que de la ruse, il avait une stratégie, une "technologie de pré-engagement" pour parler comme Jon Elster ou comme Kydland&Prescott : une capacité à s’engager dans le temps, à se lier les mains, à planifier ex ante une parade contre les caprices et les désirs immédiats. C’est pourquoi il demanda à ses braves matelots de resserrer les liens au mât à chaque supplique. Ce faisant, il ne se privait pas d’une certaine jouissance (la cire était dans les oreilles des marins, pas dans les siennes) mais il s’assurait d’une survie du navire et de l’équipage.

Le pouvoir français actuel (fidèle en cela aux pouvoirs qui l’ont précédé, c’est au moins une preuve de cohérence temporelle) n’est pas capable d’une telle stratégie : il raisonne par des coups tactiques, avec l’idée que des coups optimaux à chaque instant formeront le succès à l’arrivée. Puis, face à l’impasse, il passe soudain vers l’autre extrême, il brûle tous ses vaisseaux, et prétend engager des générations futures ou du moins des électeurs post-2017 dans sa nouvelle lubie : la réorganisation territoriale pour les années 2020, les engagements environnementaux pour les années 20xx, etc. Comme sous Mitterrand, où l’on passait soudain des petits coups tactiques du quotidien et des basses manœuvres moyen-termistes de triangulation et de gerrymandering à des plans grandioses engageant la France pour des lustres (l’euro de 1000 ans). Sauf que nos secrétaires florentins des années 1980 avaient la chance de pouvoir encore compter sur des stocks de dettes faibles et sur une bonne croissance du PIB nominal ; de nos jours, les erreurs coûtent plus cher, car ce qui permet de les absorber facilement a bien fondu, et comme ils nous ont lié les mains dans le seul domaine où il fallait absolument éviter d’être trop discipliné (l’indépendance stricte des banquiers centraux) nous n’avons ni le chant des sirènes inflationnistes ni la possibilité d’éviter le naufrage, accrochés que nous sommes à un mât Bundesbank

Au fond, notre monde politique n’a eu une volonté sur sa volonté que dans le seul domaine où des règles intangibles finissent par s’avérer contre-productives, surtout quand on se lie moins au fond à la règle qu’à l’agent de la règle (le banquier central indépendant). Les matelots d’Ulysse n’étaient pas indépendants, et aussitôt le danger écarté ils libérèrent Ulysse alors que nous sommes toujours vissés au mât 30 années après la fin du danger inflationniste… On ne risque pas de voir Ithaque et nos dettes qui roulent en amassant de la mousse nous conduisent à des destins de petits Sisyphes sociaux. Plus que de volonté, notre monde politique a donc manqué de clairvoyance, ce qui sur une période aussi longue ne peut signifier qu’un manque d’ouverture, de concurrence au fond, de notre système politique. 

Pierre Duriot : Plusieurs constats de terrain sont largement exploitables pour cerner les problématiques actuelles de l'école. Les résultats des enquêtes européennes mettent en avant les déficits des élèves dans les tâches complexes, la résolution de problème, les items de réflexion, témoins d'un enseignement mécanique, abstrait et de surface. La formation des professeurs est à revoir, c'est l'un des points sur lequel s'accordent tous les spécialistes. Les contenus également interrogent : l'école primaire se mêle de nutrition, de code de la route, d'hygiène, de secourisme, de genre, de culture d'origine de ses élèves, disserte sur l'entrée ou non du signe ostensible d'une seule religion... ce qui laisse dubitatif. Comme si on reportait en masse sur l'école des missions parentales, mais il ne faut pas stigmatiser, cela signifie t-il qu'il faille déresponsabiliser certains là où d'autres font ?

En fait, aider l'école peut être réalisé de manière indirecte. Par exemple, le traitement efficace du chômage et le retour à l'emploi permettent à des parents de mieux remplir leurs missions et aux enfants d'avoir confiance dans l'avenir qu'ils construisent à l'école, en quatre jours ou en quatre jour et demi. L'enfant qui vous explique qu'il est le seul de la famille à se lever pour aller « au boulot » n'est hélas pas anecdotique.

Un directeur d'école sur deux agressé dans le primaire : autre constat récent qui n'a rien à voir avec la fatigue d'une journée de classe. Plus globalement, le maintien des cadres de l'apprentissage, d'un bout à l'autre du circuit éducatif, est devenu un travail de chaque instant, lequel réclame désormais plus d'énergie aux enseignants que la transmission des savoirs et savoir-faire pour laquelle, le plus souvent, ils ont choisi ce métier.

La pénurie des vocations : ces concours de professeurs des écoles où un inscrit sur deux planche réellement avec les résultats que l'on connaît, sont un autre indicateur du travail à réaliser en matière de recrutement, de motivation et de formation.

La réticence à l'effort de la part des élèves, un manque de motivation, est devenu un constat généralisé sur lequel il faut se pencher, soit que l'école soit totalement inintéressante et par trop abstraite, mais également que ces enfants jeunes, gavés d'écrans et de biens de consommation, arrivant à l'école, après une première salve de dessins animés, en taxis parentaux avec porteurs de cartables, ne soient devenus naturellement blasés.

En fait la liste est longue, de ces constats éloquents qui montrent que l'école doit travailler à la qualité de ses prestations, mais également qu'elle ne peut être tenue pour responsable de tous les maux de la société avec le devoir de les guérir. La réforme des rythmes scolaires illustre donc parfaitement le manque de volonté politique, le traitement en surface de problématiques profondes. Comme si pratiquer des activités, même intéressantes une à deux après-midis pas semaine allait pouvoir remonter le niveau global de l'école, de ses professeurs et de ses élèves.

Mais l'école est un levier politique spectaculaire et diablement démagogique car elle touche à ce que les électeurs ont de plus cher : leurs enfants. Illustrations récentes, les polémiques sur le système de notation ou sur la valeur du bac témoignent d'une espèce de fantasme dans lequel l'école pourrait donner un niveau d'excellence à tous, sans trop d'effort ni de contrariété, sans stigmatiser ni responsabiliser, sans fatiguer et sans échec... ce n'est justement pas possible. Sans vouloir ni pouvoir restaurer une école d'antan devenue elle aussi fantasmée, formation, tenue, rigueur, respect des règles et des personnes, cadres stricts, efforts, suivi, traitement de la difficulté, collaboration entre les adultes autour de l'enfant, seront toujours nécessaires pour bien apprendre. Même si dans certains milieux, on prête volontiers aujourd'hui à ces paramètres le terme de « réactionnaire », force est de constater que les modèles nordiques ou asiatiques performants qu'on nous montre en exemple sont bien basés sur le travail, la rigueur, des profs comme des élèves, assortis de la formation, de la considération et de la rémunération des professeurs.

Il est à craindre que nous subissions non seulement un manque réel de volonté et u financement de bouts de chandelles, mais également un traitement idéologique et affectif de la question scolaire.

Un mandat qui commence avec la promesse d'un plan 120 Milliards pour relancer la croissance européenne (juin 2012)

Mathieu Mucherie :Le détricotage était inéluctable dans la mesure où ces promesses de "New Deal européen" étaient essentiellement franco-hexagonales (au passage, ce n’est pas le New Deal qui a fait du bien à l’Amérique de 1933-1937, c’est la dévaluation décidée par Roosevelt).
Le détricotage a été très positif au sujet de la pseudo-taxe Tobin (James Tobin qui se retourne dans sa tombe quand on voit ce que l’on fait en Europe de son idée initial, mais passons), une usine à gaz surréaliste. Merci à ce sujet à la Bundesbank et à la BCE, qui ont toujours été en pointe dans le sabotage de ce projet foireux (comme quoi être dominé par des banquiers centraux allemands peut parfois, exceptionnellement, comporter quelques avantages).  
Le détricotage a surtout été l’œuvre de la BCE : quand bien même ce pseudo plan de relance aurait été concrétisé, il aurait été pulvérisé en vol (économiquement parlant) un nano-centième de seconde après son décollage par la politique de restrictions monétaires de la BCE : car juste après le « whatever it takes » de Mario Draghi à l’été 2012, on a eu droit à une réduction de la base monétaire en zone euro (le début du remboursement des prêts LTRO aux banques) et à une hausse paradoxale de l’euro contre un panier large de monnaies. Si vous relancez budgétairement sans que cela se fasse avec de la monnaie nouvelle, il y a bien peu de chance pour que l’effet net soit très positif. Bien entendu, politiquement parlant, cela aurait été positif ou du moins recyclable, mais l’urgence avait de toute façon été rabaissée puisque les élections présidentielles étaient désormais passées…     

Qu'est-il advenu du plan de 60 milliards d'euros d'économies ? (novembre 2012) 

Mathieu Mucherie : Raisonner sur des « économies » pour le respect douteux d’une norme nominale archi-douteuse de 3% sur un solde budgétaire, c’est déjà une faute, surtout en période de vaches maigres pour la demande agrégée. Quand cela escamote le vrai débat (la réflexion sur les incitations pour des gains de productivité dans les services publics et sur le périmètre des interventions publiques), c’est une faute lourde, surtout si les économies ne se font qu’en fonction inverse des marges de manœuvre syndicales des différents secteurs (cf l’armée). Quand cela s’accompagne d’injonctions contradictoires et de mesures rétroactives vis-à-vis des derniers entrepreneurs du pays, ça devient désespérant.    

Philippe Crevel : Manuel Valls a, à travers son plan d’économies, voulu créer un choc. Il a surtout entrepris une guerre de mouvement médiatique et a saupoudré les demandes d’effort sur les acteurs publics.

Ainsi, 18 milliards d’euros d’économies devront être réalisées par l'état. Le Premier Ministre a sacralisé certaines dépenses comme celles liées aux créations d'emplois prévues dans l'Education nationale, la sécurité et la justice. En revanche, les agences de l'Etat devraient souffrir. Il faut souligner que la France compte près de 1250  agences et qu’elles ont été à l’origine de nombreuses créations d’emplois ces dernières années Manuel Valls a par ailleurs confirmé le gel de la valeur du point de la fonction publique et cela jusqu'en 2017.

10 milliards d’euros d’économies sont prévus pour la sécurité sociale et la santé mais là c’est terre inconnue. Devraient figurer la rationalisation des parcours de soins avec la poursuite du développement de  la chirurgie ambulatoire pour les hôpitaux et du déremboursement des médicaments.

11 milliards d’euros sont prévus pour les collectivités locales avec une réduction de la dotation globale de fonctionnement. La conséquence risque d’être une augmentation des impôts locaux.

11 milliards d’euros prévus pour la protection sociale. Les prestations sociales hors minimas et petites pensions seront gelées jusqu’au 1er octobre 2015. 

Ce plan ambitieux pour la France et pour le pouvoir en place au regard des pratiques de ces deux dernières années comporte de nombreuses zones d’ombre, en particulier pour les économies au niveau des collectivités locales ou au niveau de la santé. Par ailleurs, face à la grogne des fonctionnaires, le Gouvernement s’est engagé à revenir en partie sur le gel du point de l’indice. Il a également consenti un geste en faveur des retraités qui ont des pensions inférieures à 1200 euros. Il a ainsi écorné son plan. En outre, ce plan doit s’articuler avec les pactes de responsabilité et de solidarité.

Quel est le bilan des hausses d'impôts décidées en 2012 ? 

Philippe Crevel : François Hollande est arrivé au pouvoir en déclarant qu’il n’y aurait pas de hausse de la TVA, que les riches et les banques devaient plus payer plus d’impôts. Résultat des courses, la TVA a été augmentée et toutes les catégories sociales ont été mises à contribution avec une préférence marquée pour les classes moyennes qui ont le tort d’être moyennes et nombreuses. La facture fiscale dépasse les 40 milliards d’euros. François Hollande a augmenté le poids de l’impôt sur le revenu en taxant les familles à travers la diminution du plafond du quotient familial, l’assujettissement des produits de l’épargne au barème de l’impôt, la fiscalisation des heures supplémentaires, la fiscalisation des majorations pour famille nombreuses dont bénéficient les retraités, le plafonnement des niches… Il avait reconduit en 2013 le gel du barème de l’impôt sur le revenu. Il faut ajouter la création d’une tranche à 45 % et le psychodrame de la taxe à 75 % aboutissant à l’instauration d’un prélèvement sur les entreprises versant des rémunérations supérieures à 1 million d’euros. Le Président a également augmenté la TVA, les droits de mutation, l’ISF, l’impôt sur les plus-values… Cette inflations fiscale est de plus en plus rejetée et oblige le pouvoir à louvoyer. La taxe de 75 %, les prélèvements sociaux sur l’épargne en passant par les pigeons ou les bonnets rouges, la liste des dossiers où le gouvernement a dû reculer s’allonge de jour en jour.

Cette flambée fiscale a évidemment touché la croissance et contribue à la stagnation du début de l’année 2014 avec un début de fuite devant l’impôt.

Quid du pacte de compétitivité et de croissance (novembre 2012) ?

Philippe Crevel : François Hollande a instauré le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi avec à la clef 20 milliards d'euros. Ce crédit d'impôt assez complexe commence à produire ses effets. Il faut regretter le fait que le gouvernement ait voulu faire du donnant : donnant en lieu et place de jouer sur l'amélioration du taux de marge. D’’un côté, je fais un geste et de l’autre j’impose aux entreprises certains comportements. Par ailleurs, il y a eu sur le sujet de nombreuses voltefaces avec des propositions d’intégration dans le pacte de responsabilité. De ce fait, les entreprises n’ont guère de visibilité sur ce crédit d’impôt.

L'Accord national interprofessionnel avec à la clef un assouplissement du code du travail, un élargissement de la couverture complémentaire santé et des mesures de sécurisation a été salué même si dans les faits il crée de nouvelles charges sans pour autant générer une réelle dynamique. L’ANI devait être une première pierre dans la modernisation du droit du travail. Depuis, nous attendons les autres pierres.

Le fait d'augmenter la pression fiscale des entreprises n'a par ailleurs pas aidé....

Les entrepreneurs sont soumis à la douche écossaise depuis deux ans. Entre augmentations d’impôts et de cotisations et promesses d’allégement en tout genre, il est difficile de s’y retrouver. Ce qui est certain, c’est que les cotisations retraites ont augmenté à plusieurs reprises, qu’une nouvelle cotisation verra le jour pour financer en 2015 le compte de pénibilité. Il ne faut pas oublier les majorations exceptionnelles à l’impôt sur les sociétés, le forfait social, la taxation des plus-values… La pression fiscale des entreprises est en hausse et leur taux de marge en baisse. De ce fait, il n’est pas surprenant que l’investissement recule.

Qu'en est-il de la taxe à 75% ? (décembre 2013)

Philippe Crevel : Le principe était simple. François Hollande, avait, à l’occasion d’une émission télévisée, le 27 février 2012 afin de couper l’herbe sous le pied à Mélenchon, annoncé que toute rémunération supérieure à un million d’euros serait taxée à 75 %. Cette supertaxe était une improvisation du candidat. Elle sera le fil rouge fiscal de 2012 et de 2013. Le Conseil constitutionnel l’annulera au nom du non-respect du principe d’égalité devant l’impôt. Après de longs débats et des tentatives d’enterrement, la taxe de 75 % s’est muée en une taxe sur les entreprises qui rémunèrent des salariés à plus de un million d’euros. Cette taxe qui rapportera quelques dizaine de millions d’euros a coûté fort cher à la France en termes d’image.

La réforme des retraites (décembre 2013)

Philippe Crevel : En 2012, François Hollande a fait un geste en faveur des tenants de la retraite à 60 ans en élargissant le dispositif de carrière longue à tous ceux qui avaient commencé à travailler avant 60 ans. Pour financer cette mesure, il avait décidé d’augmenter les cotisations retraites. Cette mesure généreuse était évidemment absurde tant sur le plan économique que sur le plan politique. Compte tenu de la dégradation des comptes publics, François Hollande savait qu’il serait obligé d’engager un plan de diminution des dépenses de l’assurance-vieillesse. Il s’est mis sur ce dossier tout le monde à dos, entre ceux qui voulaient le retour de la retraite à 60 ans et ceux qui jugeaient qu’il fallait plus d’équité dans le système de retraite.

En 2013, le Président de la République a opté pour une réforme qui n’en est pas une. Il a tergiversé en recourant au stratagème de la commission soit disant indépendante et du rapport lui permettant de justifier l’abandon de la réforme systémique ou l’alignement de la fonction publique sur le privé. Pour ne pas heurter sa majorité, il a choisi d’allonger la durée de cotisation mais à partir de 2020. En revanche, il a, une nouvelle fois, augmenté les cotisations retraite. Il a gelé les pensions des retraités jusqu’au 1er octobre 2015 et décidé d’augmenter leurs impôts.

La loi 2014 sur les retraites si la croissance reste aux abonnés absentes sera insuffisante pour endiguer la dérive des comptes de l’assurance vieillesse. Le déficit devrait se situer toujours autour de 10 milliards d’euros autour de 2020.

Le Pacte de responsabilité (janvier 2014)

Mathieu Mucherie :Ce "Pacte" ne peut éviter le détricotage permanent qu’à la condition d’être soutenable politiquement, or la base politique du Président est faible, et les deux élections qui ont suivis ont clairement montré qu’une présence au 2e tour en 2017 nécessitait la fortification d’un "noyau dur" assez incompatible avec la logique initiale du Pacte. Ce dernier n’est pas mort-né mais détricoté-né. Au passage, réduire le nombre de gens concernés par l’IR (nombre qui rapporté à l’ensemble des contribuables est déjà l’un des plus bas du monde développé) n’est pas une riche idée : des assiettes larges avec des taux bas, c’est bien mieux pour éviter les pertes sèches et les effets désincitatifs de la fiscalité que des assiettes réduites avec des taux élevés. Ce n’est pas non plus le meilleur moyen de responsabiliser les gens, ce qui confère encore une dimension orwelienne ou "RDA" à l’appellation de ce pacte.    

Philippe Crevel : Le pacte de responsabilité a un objectif simple, diminuer le coût du travail. Il a été présenté en coordination avec le pacte de solidarité qui doit redonner du pouvoir d’achat aux salariés. Le problème, c’est nul ne sait comment seront financés ces pactes. En outre, compte tenu des mesures étalées dans le temps, 3 ans a priori, il est difficile d’en apprécier la portée et d’en mesurer l’efficacité.

La suppression de charges sur les SMIC et la baisse des cotisations patronales jusqu’à 3,5 fois le SMIC devrait coûter plus de 9 milliards d'euros quand la baisse des cotisations d'allocations familiales des indépendants s’élève à 1 milliard. La suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (6 milliards), la suppression de la contribution exceptionnelle et la baisse progressive du taux d'impôt sur les sociétés  devraient porter sur 5 milliards euros).

Le "pacte de solidarité" en faveur des ménages modestes comprend une baisse des cotisations salariales sur les bas salaires et des mesures fiscales pour le bas du barème de l'impôt sur le revenu d'un montant de plus de 5 milliards d'euros de recettes.

Les économies sur les rémunérations des fonctionnaires (mai 2014)

Philippe Crevel : Depuis 2010, le point de l’indice servant de base au calcul du traitement des fonctionnaires est gelé. Manuel Valls a décidé que ce gel serait poursuivi jusqu’en 2017. Il concerne 5,2 millions de fonctionnaires. Pour atténuer cette mesure, le Gouvernement devrait revoir le plan d’augmentation des cotisations retraite des fonctionnaires. Ce plan prévoyait d’aligner progressivement les cotisations sur celles du secteur privé.

Les rythmes scolaires (en cours de négociations)

Pierre Duriot : A ce stade de l'affaire des rythmes scolaires, il faut prendre de la hauteur, ne plus disserter indéfiniment sur les bienfaits ou les méfaits de cet épisode de la vie scolaire.
Pourquoi les nouveaux rythmes scolaires ? Pour alléger la journée de travail des enfants et mieux répartir les heures d'enseignement sur l'année. Le premier constat est une escroquerie : les journées de travail n'ont pas besoin d'être allégées, elles ont toujours été telles qu'elles sont, de six heures et personne au cours des décennies passées ne se sentait fatigué par une journée d'école. Un autre constat, sociétal et une réalité de terrain, sont sans appel : le temps de sommeil des enfants à beaucoup diminué et nombre d'enfants, même petits, se couchent tard, trop tard. Ce n'est donc pas l'école qui les fatigue, si même, ils n'éprouvent pas le besoin de se coucher tôt, c'est justement qu'ils ne sont pas fatigués par leur journée !
Mieux répartir les heures sur l'année est une vraie question et on sentait bien une tendance vers le système allemand comprenant des heures de cours le matin et en début d'après-midi, suivies d'activités culturelles et sportives avec des vacances d'été raccourcies, l'idée pouvait être bonne. Mais historiquement, le salaire des enseignants du premier degré est celui de dix mois, répartis sur douze. A l'origine, les grandes vacances n'étaient pas payées. Et les salaires des enseignants français ne sont déjà pas les salaires allemands. On n'a donc pas vraiment touché aux vacances d'été. D'autant que sur le terrain des vacances, il faut aussi composer avec l'économie du tourisme. L'idée d'une réforme, pourquoi pas mais encore fallait-il s'interroger sainement et surtout objectivement sur ce qui cloche dans le système éducatif, les causes de la descente régulière des élèves français dans les enquêtes européennes et les remèdes à apporter.
Les maires, dès l'origine, même les socialistes, ne se sont pas montrés très chauds pour adopter cette réforme, non seulement parce qu'elle s'annonçait coûteuse mais qu'ils sentaient bien eux-aussi que les problèmes sont ailleurs et qu'un tripatouillage de plus sur une demi-journée n'allait pas changer grand chose, ce en quoi ils ont parfaitement raison. Un quart des élèves à peine est aux nouveaux rythmes : on est loin de l'adhésion. Et les édiles sont échaudés par les systèmes de compensation de l'Etat, toujours dégressifs au fil des ans. Cet Etat qui transfert des compétences aux collectivités locales, qui finit par ne plus les compenser, mais réclame toujours autant de contributions.
Ces semaines de quatre jours avaient surtout le grand tort d'être une mesure de la droite et en cas d'alternance politique, il est à craindre que les questions idéologiques l'emportent sur la volonté réelle, les moyens mis en œuvre et l'intérêt des enfants.
Alors il a fallu composer, tout en sachant qu'il n'est pas de tradition de désavouer un ministre, quand bien même il se serait trompé. Ne noircissons pas le tableau, il y a des endroits où ça marche. Un collègue de campagne me racontait récemment que ces activités générées par les nouveaux rythmes avaient permis de créer une forme d'émulation dans son petit regroupement pédagogique où il n'y avait rien avant. Fallait-il pour autant en passer par l'école ? Ce qui surprend souvent est le décalage des discours, entre des élus promoteurs qui expliquent que c'est un succès, des enseignants qui ne voient pas trop la différence, des personnels municipaux qui peinent à gérer, des parents qui s'émeuvent de ce qui ressemble parfois à de la garderie et au final les enfants eux-mêmes qui décident de leur emploi du temps, au prix éventuellement, de comédies pendables.
Le nouveau ministre, Benoît Hamon, détricote sans vraiment détricoter et répète invariablement en interview que toute la France va passer aux quatre jours et demi vaille que vaille. En fait, il gère, avec des promesses en espèces sonnantes et trébuchantes, un prolongement des subventions. Comme souvent en politique, il éteint le feu, calme les opposants et finalement, le départ de son prédécesseur, arrivé dans une impasse avec une popularité au plus bas, évite le pire. Et les claques électorales récentes sont des composantes à prendre en compte, même dans le dossier scolaire. Tout cela finit par tenir plus de la gesticulation politique que de l'amélioration du système.

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