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Un geste (vain?) pour les fonctionnaires : comment acheter sa clientèle électorale ne peut même plus tirer la gauche du trou noir dans lequel François Hollande l’a précipitée
©Reuters

Cadeau politique

Marylise Lebranchu a proposé un allègement dégressif des cotisations salariales des agents entre 1 et 1,5 du Smic afin de leur redonner du pouvoir d'achat. Un peu plus tôt, fin avril, Manuel Valls avait annoncé juste avant les élections européennes une série de mesures destinées à son électorat, dont les revalorisations des rémunérations pour certains fonctionnaires, la revalorisation des pensions pour les petites retraites et une hausse du RSA de 10 % en dix ans. Une vaine tentative de récupérer l'électorat socialiste, dont une partie vote désormais pour le FN.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : Le gouvernement a annoncé fin avril une série de mesures pour les plus modestes. Lesquelles s'adressaient en priorité à l'électorat socialiste ? Dans l'histoire récente les mesures visant à reconquérir un électorat perdu peuvent-elles fonctionner ? A quelles conditions et dans quelles circonstances ?


Yves-Marie Cann : Plusieurs mesures en direction de l'électorat ont été prises : la fiscalité avec la promesse de la baisse de l'imposition et même la sortie de l'impôt sur le revenu pour les plus modestes. Autre point, l'annonce juste avant les européennes de Jean-Christophe Cambadélis de la relance du débat sur le droit de vote des étrangers aux élections locales. Ce sont certes des mesures adressées aux plus modestes mais je ne suis pas sûr qu'elles aient atteint leur objectif et l'électorat concerné. En matière de fiscalité les Français attendent de voir pour d'y croire. La feuille d'impôt n'arrivera qu'en septembre. C'est un coup d'épée dans l'eau, ce n'est pas le type de mesure qui allait faire voter l'électorat concerné. C'est contre- productif pour la majorité car le premier enjeu d'une élection c'est la mobilisation. Les catégories les plus faciles à mobiliser ces électeurs se classent plutôt parmi la classe moyenne voire la classe moyenne supérieure. Il y a eu une erreur d'appréciation de la part du gouvernement. La stratégie consistant à faire des mesures ciblées ne fait qu'entretenir voire renforcer le ras le bol fiscal.Toutes les promesses faites ne peuvent que fonctionner s'il y a quelque chose de concret, de visible et de palpable pour les personnes concernées. On promet une baisse du chômage mois après mois mais on ne voit pas les signaux et il est donc assez illusoire de voir un retournement de tendance dans l'opinion publique même auprès des sympathisants de gauche et du PS gagnés par le mécontentement et l'exaspération. Au mieux ces mesures prises récemment n'ont eu aucun effet sur le vote et au pire ça a pu renforcer le mécontentent auprès de la population.

Comment ont voté les Français les plus modestes et les fonctionnaires aux deux derniers scrutins ? Quelles ont été leurs motivations ?

Ce sont les catégories populaires qui se mobilisent le moins. Cela s'est vérifié dimanche comme à Marseille par exemple où le taux d'abstention le plus important se retrouve dans les quartiers populaires. L'enquête réalisée dimanche par le CSA montre que 66 % des catégories populaires ne sont pas allées voter dimanche. Chez les fonctionnaires et les salariés du secteur public le taux d'abstention est supérieur à la moyenne et on voit que la démobilisation est plus importante qu'à l'échelle nationale. Chez les catégories populaires 45 % des gens ont déclaré avoir voté pour le FN, 47 % chez les ouvriers contre 12 % chez les cadres. Sur les seuls fonctionnaires le FN récolte 19 %. C'est moins important que la moyenne nationale mais il y a dix ans on ne retrouvait pas ce niveau. On constate aussi que chez les salariés des entreprises publiques la bascule s'est faite et le FN est désormais premier parti avec 33 %, contre 14 % pour le PS. Le FN grignote du terrain petit à petit.


A combien peut-on évaluer la perte électorale subie par François Hollande ?

Au niveau de la cote de confiance de François Hollande il n'y a plus qu'un électeur sur deux qui déclare lui faire confiance pour gérer efficacement les problèmes du pays. C'est quelque chose de dramatique pour lui. Le président de la République ne peut que désormais se prévaloir du soutien d'un électeur sur deux de la présidentielle. Autre phénomène inédit : 1 électeur sur 10 de François Hollande en 2012 déclare avoir voté FN dimanche ce qui prouve que le mécontentent est fort.

Les transfuges du vote socialiste peuvent-ils faire demi-tour ou une partie de son électorat naturel s'est-il trop éloigné de lui ?

Certains d'entre eux peuvent  revenir à gauche voire revoter socialiste. Dimanche c'était les élections européennes, des élections défouloir considérées comme sans enjeu. Tout dépend de la capacité du gouvernement et de François Hollande d'engranger les résultats et de redorer son image mais plus le temps passe plus il sera difficile de modifier le jugement des Français et des électeurs sur sa personne. Au-delà de l'absence de résultats qui pèse très lourd il y a un autre problème : c'est sa personnalité qui pose souci et pas seulement sa politique. Les dégâts sont si importants sur sa personnalité que ce sera très dur pour lui de rattraper le coup. Le président dispose d'un capital de sympathie qui a tendance à s'amenuiser avec l'usure du pouvoir et il faut donc gérer au mieux ce capital. L'image de la personnalité se construit très lentement et peut s'effondrer très vite. Selon moi il ne récupèrera pas et ne rattrapera dans les prochaines années ce qui est perdu depuis deux ans mais là où il peut renverser la tendance c'est dans l'hypothèse d'un retournement économique avec des résultats.

Propos receuillis par Julien Chabrout

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