Et l’UMP implosait, explosait… Post opération nettoyage, quelle stratégie et quel modèle de société pour le parti ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Et l’UMP implosait, explosait… Post opération nettoyage, quelle stratégie et quel modèle de société pour le parti ?
©Flickr // T.Bartherote

En quête de sens

A l'issue d'une réunion de crise qui s'est tenue mardi 27 mai au matin consécutivement aux derniers rebondissements de l'affaire Bygmalion, Jean-François Copé a annoncé sa démission de la tête du parti à compter du 15 juin. Les trois anciens Premiers ministres Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon doivent assurer la direction du parti jusqu'en octobre.

Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

Voir la bio »
Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

Voir la bio »

Atlantico : La démission de Jean-François Copé prévue pour le 15 juin prochain semble signer la fin de la "guerre des chefs" qui sévissait à l'UMP depuis l'élection interne de novembre 2012. Bénéficiant d'un répit sur les querelles de personnes, le parti va-t-il enfin pouvoir se consacrer à dessiner une stratégie ?

Vincent Tournier : Rien ne dit que la guerre des chefs soit terminée, bien au contraire. Elle va certainement reprendre de plus belle car le départ de Copé ouvre une nouvelle étape dans la succession inachevée de Nicolas Sarkozy. Or, le drame de l’UMP est qu’aucun leader ne peut s’imposer naturellement à l’UMP, sauf éventuellement Sarkozy lui-même, mais l’affaire Bygmalion rend son retour très problématique.

L’absence de leader naturel rebat donc les cartes. De plus, si le jeu est ouvert, c’est aussi parce que la délicate question de la stratégie n’a pas été tranchée en 2012, ce qui laisse des possibilités pour de nouveaux candidats. La difficulté est en effet que l’UMP est un parti composite. C’est dans sa nature puisqu’il a été conçu à sa création comme un rapprochement entre les deux grandes tendances de la droite gouvernementale : d’un côté la droite héritière du gaullisme version Chirac (le RPR) et de l’autre la droite modérée issue du radicalisme-libéral (une partie de l’UDF). Ces deux tendances expriment des sensibilités particulières, elles tentent donc chacune de déplacer le centre de gravité de l’UMP dans le sens qui les intéresse.

J’ajoute aussi que les tensions vont être d’autant plus grandes que l’UMP sort d’une cuisante défaite. Le PS est certes le grand perdant des européennes puisqu’il est tombé à un score historiquement faible. Mais cet échec du PS ne doit pas masquer le déclin encore plus important de l’UMP puisqu’elle est passée de 28% en 2009 à 21% en 2014, soit une chute de 7 points. Par comparaison, le PS n’a baissé "que" de 2,5 points (il est passé de 16,5% à 14%). Il est d’ailleurs intéressant de voir que les guerres internes sont, pour l’instant, plus vives à droite qu’à gauche.

Jean Petaux : Il est toujours très audacieux de prévoir ainsi un futur, même proche, pour n’importe quelle organisation partisane souvent soumise à la dictature de l’urgence et de la contingence. Si on peut, raisonnablement, vous suivre sur "le répit sur les querelles de personnes" (encore que, me semble-t-il, parmi les trois "sages" désignés à la suite de la démission collective du bureau politique de l’UMP, une concurrence forte existe déjà au moins entre Fillon et Juppé) ; sur la capacité en revanche à "dessiner une stratégie" c’est loin d’être évident. N’importe quel parti, quand il entre en période de congrès aujourd’hui (sauf à revenir au temps radieux du "centralisme démocratique") rencontre une zone de turbulences : querelle sur le dénombrement des militants à même de voter et à jour de leurs cotisations ; débat sur la validation du fichier général des adhérents ; accord ou pas sur les modalités de vote ; constitution des organismes de contrôle et sur le choix des arbitres ; etc.

Tout cela est propice aux coups tordus et si l’ambiance interne est plus ou moins délétère alors les choses peuvent très mal tourner. Alain Juppé, dans sa conférence de presse tenue, volontairement, dans les bureaux de la Communauté urbaine de Bordeaux qu’il représide depuis le 18 avril dernier, en fin de journée, le 27 mai, a indiqué que les trois "présidents par intérim" vont être accompagnés d’un secrétaire général et de secrétaires généraux adjoints "opérationnels" (il a appuyé nettement sur ce mot) en précisant que ce sont eux, avec un nouveau directeur général, qui vont être en charge de l’organisation  pratique du futur congrès. Le choix de ces "officiers de quart" va être très intéressant à décrypter. Il dira beaucoup sur ce qui pourra advenir au moment du congrès d’octobre qui se présente comme le moment de tous les dangers pour l’UMP.

Si tout se déroule "convenablement" (terme volontairement imprécis) alors il sera loisible pour la nouvelle équipe qui prendra les commandes du mouvement de traduire en acte les priorités stratégiques qu’elle aura défendues auprès des militants et en compétition interne avec les autres lignes et tendances présentées dans d’autres motions. Mais cela ne pourra se faire qu’à trois conditions : 1) qu’une majorité claire et légitime sorte du congrès ; 2) que celle-ci respecte les lignes minoritaires ; 3) qu’une procédure de désignation du candidat à la présidentielle de 2017 soit validée, acceptée par toutes les personnalités et composantes de l’UMP (y compris par le clan Sarkozy).

Avec un Nicolas Sarkozy tout à la fois présent et absent, l'inventaire de la ligne Buisson, celle de la campagne de 2012, n'a jamais été fait. Que donnerait cet inventaire tant sur la stratégie privilégiée - aller sur le terrain des valeurs, du régalien - que sur le fond ?

Vincent Tournier : Il faut bien voir que l’UMP est aujourd’hui face à deux orientations possibles : soit la stratégie Chirac, qui consiste à rompre radicalement avec l’électorat du FN afin de privilégier un positionnement centriste, soit la stratégie Sarkozy, qui part au contraire du principe que la principale réserve de voix se trouve du côté de l’électorat frontiste.

Ces deux stratégies ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. La stratégie Chirac a permis de donner une image respectable de la droite, d’avoir un certain soutien auprès des élites médiatiques et d’attirer les électeurs modérés. Mais cette stratégie a trouvé ses limites en 2002 puisque, il faut le rappeler, Chirac est tombé à moins de 20% au premier tour, ce qui a été le plus mauvais score d’un président de la République.

A l’inverse, avec une stratégie radicalement différente, Nicolas Sarkozy a donné le sentiment d’avoir trouvé la formule gagnante pour la droite puisqu’en 2007, il a dépassé 31%, soit l’un des meilleurs scores d’un président sous la Vème République. Mais cette orientation à droite (ce que l’on a appelé la "droitisation") a été vécue douloureusement par les centristes. Elle a aussi été désavouée par les médias et a finalement provoqué la chute de Sarkozy en 2012 au profit de François Hollande, lequel doit plus sa victoire à un rejet de Nicolas Sarkozy qu’à un attrait pour sa personne et son programme. Donc, c’est une stratégie qui ne donne aucune garantie.

Jean Petaux : La question de l’inventaire s’est posée aussi au Parti socialiste et à Lionel Jospin dès 1995, deux ans après la fin du vrai "règne" Mitterrand. Elle n’a jamais vraiment été totalement "liquidée", tant l’exercice est difficile, délicat et douloureux. Nicolas Sarkozy l’a réglée à sa manière (brutale) en comparant Jacques Chirac aux "rois fainéants" et en érigeant la thématique de la rupture au rang de mantra. La vraie difficulté avec le bilan de Nicolas Sarkozy c’est qu’il est pluridisciplinaire. Les juges s’occupent du bilan judiciaire (c’est le pire des cas de figure parce que leur "évaluation" peut déboucher sur de vraies mises en cause qui portent alors le nom de "mises en examen") ; les concurrents politiques au sein de l’UMP s’emploient à dresser l’inventaire des gains et des pertes avec plus ou moins d’audace selon qu’ils risquent, compte tenu de leur proximité au président de 2007 à 2012, d’être touchés par des éclats et autres dommages collatéraux ; les fidèles et grognards tentent d’écrire un roman de la présidence Sarkozy qui fera foi pour la postérité en se transformant en catapulte pour le décollage du "Sarko 2017" en temps et en heure…

Ce qui semble à peu près établi désormais c’est que Patrick Buisson risque d’avoir un peu de mal à faire passer, pour 2017, ses principales idées et autres thématiques plus ou moins obsessionnelles à Nicolas Sarkozy. Est-ce que, pour autant, cela signifie que Nicolas Sarkozy va totalement rompre avec ses propres arguments politiques développés pendant la campagne de 2012 ? Ce serait vraiment sous-estimer ce grand fauve de la politique qui "sent" l’opinion avec une sorte d’instinct primaire et qui privilégie systématiquement la "guerre de mouvement" à la "guerre de position". S’il est en état de pouvoir se jeter dans la bataille de 2017 il surprendra encore par la rapidité et l’imprévisibilité de ses coups. Donc, dans ce registre-là, il n’est pas impossible que faisant l’analyse selon laquelle il est impératif de combattre Marine Le Pen sur son propre terrain, motivé par son sens du pragmatisme (qui parfois se confond avec l’opportunisme), le finaliste battu de 2012 retrouve les accents de la campagne menée au second tour et tente, cette fois-ci sans Buisson, une campagne à nouveau très droitière pour satisfaire l’électorat UMP passé au FN et, désormais, l’électorat socialiste qui a voté FN dimanche dernier…

Cette ligne est-elle aujourd'hui dépassée ? Est-elle d'ailleurs encore portée par le parti ? Pour autant, a-t-elle été remplacée ?

Vincent Tournier : Tout le problème est justement que cette question de la stratégie n’a pas été tranchée. C’est pourtant une question majeure. Après la défaite de Nicolas Sarkozy, l’UMP s’est trouvée face à un choix crucial : revient-on à la stratégie Chirac ou continue-t-on la stratégie Sarkozy ? Le problème est que les deux principaux prétendants, François Fillon et Jean-François Copé, ont eu un positionnement assez proche. On a dit que Copé se plaçait plus à droite que Fillon, mais ce n’est pas exact : c’est au contraire Fillon qui a revendiqué l’héritage de Sarkozy, et c’est lui qui a reçu le soutien des tendances dures de l’UMP comme la "droite populaire", alors que Copé a reçu le soutien des centristes, notamment Jean-Pierre Raffarin. Cela dit, la différence entre les deux n’était pas très nette à cause de la nature même de l’UMP : pour gagner, les deux candidats ont dû se recentrer, donnant des gages tantôt à la droite dure, tantôt à la droite modérée. Pour les médias et les adhérents, cette élection est devenue incompréhensible : elle a été perçue comme une simple rivalité entre des personnes. Au final, compte tenu de leur positionnement équilibré, les deux candidats ont réussi à faire le plein des voix. Copé a fini par l’emporter d’un cheveu. Donc, sa légitimité est fragile : il ne peut se revendiquer ni d’un triomphe auprès des militants, ni de l’adoubement de Sarkozy, contrairement à Fillon, ce qui le laisse à la merci d’une affaire comme celle de Bygmalion. Mais surtout, la question décisive de la stratégie a été abandonnée en cours de route.

Jean Petaux : Ce n’est pas parce qu’elle est moralement condamnable qu’elle est politiquement dépassée. Tout simplement parce que la morale (laquelle d’ailleurs ?) n’a rien à voir avec la stratégie politique. Elle n’est pas dépassée tout simplement aussi parce qu’il n’y a pas eu de "ligne B", de "ligne alternative" qui aurait cherché à ignorer totalement les questions inscrites à l’agenda politique par le FN. C’est sans doute ce que s’efforce de faire maintenant Alain Juppé quand il plaide pour un retour à l’UMP "modèle 2002, non modifié  2007 et 2012", en prônant les retrouvailles avec les centristes… et ainsi, plus encore qu’en 2002, faire face à la poussée frontiste. Mais, en attendant que cette "ligne B" l’emporte (ce qui n’est pas du tout acquis même si le soutien dont dispose Juppé au sein de l’UMP est très fort) il n’y a pas eu de remplacement de la "ligne Buisson" de 2012 en effet. Sans doute parce Copé était dans l’incapacité de concevoir une ligne originale et différente de celle de 2012 aussi.

Alain Juppé prône un retour à un projet plus "républicain", et n'hésite pas à montrer sa nostalgie pour les alliances avec le centre. Laurent Wauquiez, Henri Guaino proposent au contraire une approche plus souverainiste et restrictive de l'UE. Au vu des messages adressés par les Français lors des deux dernières échéances électorales, quels terrains l'UMP aurait-elle le plus intérêt à investir ?

Vincent Tournier : Ce qui va arriver maintenant n’est que la continuation de la période précédente car les problèmes de fond n’ont pas été réglés, ils ont juste été gelés. La stratégie n’a pas été tranchée, elle est donc toujours en attente. Le choix va donc être difficile. Le succès électoral du Front national conforte ceux qui veulent renouer avec la stratégie de Sarkozy de 2007. Ils ont un bon argument à faire valoir : il y a manifestement dans l’électorat une demande forte concernant la sécurité, l’immigration, la nation. Mais d’un autre côté, cette stratégie peut s’avérer risquée. C’est probablement ce que pense quelqu’un comme Alain Juppé, dont il faut rappeler qu’il a été formé à l’école chiraquienne du radicalisme-corrézien. Il peut défendre le principe d’une stratégie modérée en s’appuyant sur un argument important : l’Alternative, qui regroupe l’UDI et le Modem, a atteint 10%, ce qui un très beau résultat. Cela montre qu’il existe un électorat centriste et pro-européen. En plus, il s’agit d’un électorat moins populaire, donc plus proche de l’électorat traditionnel de la droite, et qui bénéficie de relais importants dans les médias et les groupes de pression. Opter pour cette stratégie centriste, c’est prendre moins de risque compte tenu des sensibilités dominantes dans l’espace politico-médiatique actuel.

Compte tenu de ces différents paramètres, il est fort probable que les candidats à la succession de Copé se gardent pour l’instant de trancher. Pour éviter de soumettre l’UMP à des tensions trop fortes, qui pourraient éventuellement la faire éclater, ils préféreront certainement reporter à 2016 la question de la stratégie. Il n’est donc pas exclu que l’on assiste de nouveau à une bataille plutôt terne entre des candidats relativement proches, bataille qui pourrait se terminer par une victoire étroite de l’un deux sur une ligne relativement modérée.

Jean Petaux : Je pense qu’il faut être très concret et direct dans ce genre de "casting"… Et paraphraser une formule célèbre prêtée à Staline à propos du Vatican : "Le pape ? combien de divisions ?". Il ne s’agit pas de reprendre l’interjection désagréable et blessante (qui lui est d’ailleurs revenue comme un boomerang) de Ségolène Royal : "Qui connait Monsieur Besson ?", mais franchement : "qui soutient Monsieur Guaino à l’UMP ?" ou bien : "Monseigneur Wauquiez combien de divisions d’adhérents ?". L’adhésion des militants à une ligne politique ce n’est pas seulement une question d’audimat télévisuel où les "coureurs de plateaux" l’emportent en montrant leur tête dans le "fenestron" (pour employer un vocabulaire gaullien par excellence). J’aurais tendance à considérer qu’il est un peu cocasse (pour ne pas dire plus) de mettre Alain Juppé, Henri Guaino et Laurent Wauquiez sur le même plan. Même si, en Ligue 1, le "Paris-Saint-Germain" joue dans la même division que le "Evian-Thonon-Gaillard FC"…

Donc, de fait, la ligne que vous qualifiez de "républicaine" (celle des deux autres l’est tout autant au passage…) me  semble devoir l’emporter uniquement parce qu’Alain Juppé est, actuellement, dans une position bien plus forte que celle de Guaino ou de Wauquiez. Mais aussi parce qu’il n’est pas certain qu’en cherchant à répondre à très court terme aux messages adressés par les Français lors des deux dernières échéances électorales, l’UMP y trouve son compte à moyen et long terme. Ne serait-ce que parce que ces fameux "messages" sont pluriels, polyphoniques, contradictoires et paradoxaux… Et qu’il convient sans doute de bien réfléchir avant de tenter, politiquement, d’y répondre.

Quels sujets le parti devrait-il en conséquences choisir de porter ?

Vincent Tournier : L’électorat de droite, comme d’ailleurs celui de gauche, est très éclaté. Il n’y a pas un électorat de droite uni, homogène. C’est là toute la difficulté pour les leaders politiques actuels. De fait, il est difficile de proposer un programme simple. A gauche comme à droite, les programmes politiques doivent aujourd’hui proposer de subtils équilibres, ils doivent essayer de satisfaire des demandes très différentes, parfois contradictoires. Il faut proposer à la fois plus d’Europe et moins d’Europe, plus d’Etat et moins d’Etat, etc. La difficulté est d’autant plus grande que la dispersion des attentes s’accroît en raison de l’individualisation des mœurs.

Les électeurs expriment par exemple à la fois des demandes de nature sécuritaire et des demandes accrue de liberté dans le domaine des mœurs. On l’a bien vu avec le mariage pour tous : seule une partie de l’électorat de droite s’est retrouvée dans la rue. Une autre partie est globalement acquise à certaines évolutions de société comme l’égalité entre les hommes et les femmes ou les droits des homosexuels. Les électorats sont donc composites. Les partis doivent chercher à attirer simultanément un électorat traditionnel, voire radical, y compris celui qui soutient le Printemps français, et un électorat modéré qui n’est pas loin de se reconnaître dans le PS actuel. C’est donc un grand écart assez difficile à tenir.

Jean Petaux : Que l’UMP travaille, réfléchisse, fasse travailler ses "think tanks", qu’elle produise de la matière grise et s’efforce de proposer des axes forts, comme tout parti politique dans l’opposition se doit de le faire (c’est à cela que sert la démocratie concurrentielle) et elle aura déjà fait le plus dur de son chemin… Qu’elle tente aussi d’agréger les demandes qui émanent de l’environnement interne et externe du système politique français en améliorant ses capteurs politiques, associatifs, sociaux, économiques, culturels. Cela me semble vraiment de l’ordre d’un préalable indispensable à toute mise en place d’une démarche programmatique thématisée qu’il conviendra de "mettre en musique" par la communication partisane… Sans compter qu’il sera peut-être difficile (et sans doute peu souhaitable ou faiblement opportun….) de "vendre" tout cela à coups de grands messes et de meetings géants… organisés par Bygmalion ou par d’autres !

Comment transformer ces sujets en vision, y mettre une intention ? Sur le fond, quelle pourrait être la position de l'UMP sur l'Europe, la politique économique, la réforme de l'Etat, l'immigration... ?

Vincent Tournier : Compte des tensions qui existent dans les électorats, il est difficile d’élaborer un programme capable de satisfaire tout le monde. C’est l’une des raisons qui explique la tendance  à l’appauvrissement des programmes (il faut saupoudrer une série de mesurettes pour séduire des catégories différentes). Cela explique aussi l’effacement progressif des programmes par des stratégies de communication de plus en plus sophistiquée, lesquelles visent justement à masquer ces tendances contradictoires, à donner un enrobage, en quelque sorte. La communication vient donner une cohérence au projet, ce qui évidemment présente des limites ca la communication ne peut pas tout faire. On l’a bien vu avec les élections européennes, où l’UMP a proposé à la fois des mesures susceptibles de plaire à un électorat radical (opposition à l’adhésion de la Turquie, révision de Schengen) et des mesures plus libérales sur l’ouverture des frontières.

A quel type de "pédagogie politique" les sympathisants de droite seraient-ils le plus sensibles ? Que faut-il changer dans la méthode ? Comment "vendre" cette nouvelle ligne ?

Vincent Tournier : Il me semble que le débat n’est pas là. Dans l’immédiat, le problème est plutôt de savoir comment limiter les dégâts de l’affaire Bygmalion. N’oublions pas que, pour une partie importante de l’électorat, Nicolas Sarkozy continue d’être perçu comme le recours possible pour 2017, le sauveur d’une droite qui peine à s’imposer en dépit des difficultés énormes de la gauche. Or, si les révélations concernant les financements de sa campagne continuent sur cette lancée, on peut penser que l’hypothèse d’un retour va devenir de moins en moins probable. Or, le dossier n’en est qu’à ses débuts, et personne ne maîtrise le calendrier judiciaire une fois que les procédures sont engagées.

Si, par exemple, la piste du Qatar se confirme, quels seront les effets sur les militants et les électeurs ? Déjà que Nicolas Sarkozy a favorisé les avantages fiscaux du Qatar en France, si l’on apprend que sa campagne électorale a été financé par ce pays pour le moins curieux, cela fera mauvais effet, surtout sur les électeurs qui sont inquiets devant la montée de l’intégrisme musulman. Donc, pour rattraper un impact potentiellement traumatique, il faudra à mon avis beaucoup plus qu’une simple réflexion sur la pédagogie politique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !