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"La plage n'est plus le reflet de la société"
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Atlantique ou Méditerranée ?

Dans les années 1960, observer une plage permettait de retrouver les différents groupes sociaux, différenciés par leur apparence. Aujourd'hui, les différences sociales se font bien davantage par le lieu de vacances, la période de l'année et l'occupation de l'espace sur la plage.

Robert  Lanquar

Robert Lanquar

Robert Lanquar est sociologue, spécialiste du tourisme.

Il est l'auteur d'une Sociologie du tourisme et des voyages (PUF, Que sais-je ?, 1994).

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Atlantico : La plage reflète-t-elle la société ?

Robert Lanquar : La plage n'est plus le reflet de la société comme elle l'était des années 1960 aux années 1990. Tout d'abord, on en parle beaucoup moins, et on essaie d'y rester moins longtemps à cause de la multiplication des cancers de la peau : on est passé d'une moyenne de cinq ou six heures dans les années 1970, à moins de quatre heures aujourd'hui. D'ailleurs, le bronzage n'a pas l'importance qu'il avait vingt ans en arrière.

Et puis surtout, il n'y a plus les modes vestimentaires de plage qu'il y avait avant : les gens faisaient de la plage un lieu de mode, on venait avec des maillots signés, la serviette de bain griffée. A l'inverse, aujourd'hui, les gens sont de plus en plus dénudés et font beaucoup moins attention à ce qu'ils portent : il est donc très difficile de repérer les différents groupes sociaux.

Il y a bien encore certains groupes sociaux (communautés, associations) qui utilisent la plage pour marquer leur différence par rapport aux autres, comme les groupes musulmans très religieux, dont les femmes restent sur la plage avec leur vêtement, ou les associations qui organisent des événements.

Toutefois, la différence se fait aujourd'hui surtout sur la création d'espace (plages privées, espaces transats payants...) et sur le lieu : la différence entre les populations qui vont à Saint-Tropez, à Deauville ou ailleurs est beaucoup plus marquée qu'avant. La différentiation sociale se fait également avec le départ à l'étranger, puisqu'on parle de plus en plus des plages paradisiaques à l'autre bout du monde. Et même dans les Caraïbes, on peut trouver des différences entre les lieux très chics, et les lieux moins chics. La plage n'est plus un espace public, mais un espace de publics.

Que traduit le choix de la Méditerranée ou de l'Atlantique ?

Les Parisiens ont tendance à ne plus aller comme avant sur la Méditerranée, surtout quand des jeunes font partie du voyage. Dans l'imaginaire collectif, les plages de l'Atlantique sont moins massifiées et moins polluées.

Par ailleurs, le changement climatique fait que certains trouvent aujourd'hui l'eau de la Méditerranée trop chaude, et que la montée des eaux, même modeste, rétrécit des plages déjà étroites. Mais ce problème est également présent en Atlantique, où les falaises s'effondrent sous l'effet du grignotage de la mer.

La période de l'année peut-elle également influer ?

Oui, certainement. De plus en plus de gens tentent d'éviter la cohue du 15 juillet au 15 août, et partent de plus souvent en avril, mai ou septembre, où la baignade est remplacée par d'autres activités de plage. On peut également observer que les gens décident plus volontiers d'aller à la plage à l'improviste, pour quelques jours, quand la météo est bonne.

Que traduit le fait de revenir chaque année sur le même lieu de vacances ?

Depuis une vingtaine d'années, les gens ont tendance à préférer changer d'endroit le plus souvent possible. Les enfants des propriétaires de résidences secondaires ont d'ailleurs souvent tendance à les mettre en vente après la mort de leurs parents. La tendance devrait donc s'accélérer au moment de la disparition de la génération du baby boom, après 2020, même si ce ne sera pas forcément le cas pour les plus modestes qui ont économisé toute leur vie pour avoir leur maison sur la plage.

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