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Welcome To New York : oublier l’affaire DSK pour oser dire qu’on trouve le film... réussi
©Reuters

Alerte polémique

Mettons de côté pendant environ 2h la vraie affaire DSK pour réellement regarder le film d'Abel Ferrara. Et oui, il faut le dire, il est très réussi.

Rodolphe Bosselut

Rodolphe Bosselut

Rodolphe Bosselut est avocat à la cour. Il intervient régulièrement dans les médias.

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Il faut s'attendre à affronter un déchaînement de procès d'intention en donnant son avis sur le film de Ferrara inspiré tout à la fois librement et parfois très directement de l'affaire DSK. 

Surtout si on le trouve réussi voire, pire, très réussi. Il y a d'abord un angle, un point de vue qui est vraisemblable : Déveraux/DSK est un jouisseur, qui se la joue fine à Washington, lieu de son travail qui lui permet, loin de la France qui l'attend, de s'adonner sans contrainte à ses pulsions. Ferrara à front renversé dessine une Amérique qui en raison de relatif anonymat du héros, lui offre un havre de paix pour donner libre cours à ses désirs pleins de putes, de chantilly, de viagra, de cognac, de claques sur les fesses et de désirs grommelés. 

Alors que la lointaine France (personnifiée par son épouse Simone/Anne Sinclair) s'avère plus pudibonde en somme, puisque l'intérêt public qu'elle lui porte le bride et le frustre. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que la France "so libertine" se fasse voler la vedette pour apparaître comme pisse vinaigre en matière de mœurs. Mais il s'agit de cul, de cul addictif qui n'arrive pas à combler le désir de Dévereaux/Depardieu, à calmer ses grognements d'éternel insatisfait, d'un cul glauque filmé dans une magnifique lumière saturée et quasiment toujours artificielle (plans de nuit et en intérieurs). Quand bien même on n'aurait pas suivi l'affaire DSK (genre AVC intervenu le 14 mai 2011) on sent confusément que cette dépendance va mal se terminer. À trop désirer l'autre il arrive qu'on pense que l'autre vous désire. La femme de chambre qui passera par là est réifiée en un réceptacle à sperme, sans lui demander son avis.

Viol, agression sexuelle, geste inapproprié ? En somme peu importe mais voilà les bornes dépassées et la société jusqu'alors bonne fille se fâche. Depardieu le sait. Ses regards n'interrogent pas, ils constatent simplement ce qui s'est passé. Se dessine la chute, le fameux petit pas qui sépare le Capitole de la roche tarpéenne. Bruits de verrous, de menottes, de flashs qui crépitent, passage par le commissariat, le tribunal, la prison et enfin la résidence où le mis en examen est assigné. 

Depardieu n'est pas étonné car il voit là l'aboutissement de sa liberté, qu'il éprouve enfin en touchant ses limites. En somme il est le personnage le plus libre du film qui assume sa part d'ombre. Et s'ouvre alors le tête-à-tête avec son épouse Simone/Jacqueline Bisset. Car il faut rendre des comptes de tous ordres. La femme trompée qui paye tout, qui sauve ce qui peut l'être, accablée par l'immaturité, l'égoïsme de son époux, de son cerveau d'économiste greffé d'une bite. Et qui n'est pas et ne sera plus jamais payée de retour. Le sentiment de gâchis face au désastre. Le talent du film est de déconnecter cet évènement planétaire relayé dans des proportions sans doute jamais atteintes jusqu'alors, de toute la mousse médiatique pour en faire un drame intime. Une femme qui projette une ambition politique démesurée sur un homme dont elle ne veut voir que les aptitudes évidentes à les incarner tout en célant ses faiblesses. Et sans doute la première d'entre elles: il ne veut pas du costume qu'elle rêve pour lui. Lui, il veut baiser et baiser encore pensant que c'est sa liberté, tout en se doutant qu'il s'agit peut-être d'une aliénation.

Le film fait résonner ces deux dénis qui une fois le miroir brisé ne se répondent plus. C'est la fin d'un couple filmée à Tribeka, dans un penthouse à 50.000$ par mois. Mais l'argent n'y change rien et dans une certaine mesure, en amortissant la réalité, il aggrave tout. Le plan de Depardieu, la nuit, sur les toits de New-York, dont le regard interroge les immeubles illuminés comme autant de promesses vaines dit tout de la solitude et de l'immense humanité du personnage.

Je serais l'avocat de DSK je réfléchirais à deux fois avant de poursuivre le film pour diffamation. En revanche je rêverais bien d'être celui de Ferrara.

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