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Hollande dans les choux, Sarkozy non désiré et les autres à la traîne… 3 ans avant une élection présidentielle le jeu politique n’a jamais été aussi ouvert
©Reuters

Un grand vide...

Les récents sondages d'opinion révèlent une situation inédite en France. Que ce soit à l'UMP ou au PS, aucune figure ne semble réussir à fédérer et encore moins à incarner un candidat crédible pour son parti. Une première dans l'histoire de la Vème République à seulement trois ans des élections.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : Alors que le sondage Ifop pour Fiducial de ce lundi 19 mai montre que les attentes des Français vis-à-vis de Sarkozy sont plutôt modérées (alors que 76% des Français estiment qu'il sera candidat en 2017, seuls 37% souhaitent qu'il le soit) et que la légitimité de François Hollande vis-à-vis de sa majorité est de plus en plus contestée, peut-on dire que le jeu politique reste à trois ans de la présidentielle particulièrement ouvert ?

Jean Garrigues : Dans la mesure où notre système est un hyper présidentialisé, une grande place est laissée à l’héritage, à la continuité. Il y a toujours eu, à droite, un candidat qui s’est imposé parmi les autres. On a aussi bien vu ce phénomène avec Valéry Giscard d’Estaing qu’avec Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy. Il est difficile de parler d’émergence naturelle en politique, mais Valéry Giscard d’Estaing s’était imposé dans la courte campagne de 1974 face à Jacques Chaban-Delmas, puis comme favori de la droite en 1981 malgré la dissidence de Jacques Chirac. En 1988, ce dernier apparaissait à son tour comme le candidat naturel de son camp, et cette légitimité est l’une des raisons qui lui ont permis de battre Edouard Balladur, pourtant favori des sondages, en 1995. Sa candidature s’est à nouveau imposée à la droite en 2002 car il était le président sortant, après avoir empêché l’émergence de la nouvelle génération représentée par des espoirs du gaullisme comme Michel Noir ou Philippe Séguin. Quant à Nicolas Sarkozy, il a pris l’UMP en 2004 et il lui a suffi d’écarter Dominique de Villepin pour apparaître comme le candidat incontournable de la droite.

Aujourd’hui au contraire, la droite se retrouve sans leader naturel, car les candidats naturels sont tous discrédités : Sarkozy pour son style, pour son bilan et pour son inflexion à droite ; François Fillon pour son manque de charisme et ses ambiguïtés par rapport à l’extrême-droite ; enfin Jean-François Copé est bien loin de l’image du rassembleur qui porte historiquement une candidature de droite. Alain Juppé pourrait incarner cette posture, mais il ne saurait apparaître comme un candidat du renouveau. L’hypothèse Juppé est le symptôme d’une droite qui se cherche, et qui se tourne vers son passé au lieu de regarder vers l’avenir. 

Quant à la gauche, elle est plus accoutumée à la diversité des courants, donc des candidatures, ce qui s’est traduit depuis 2006 par la pratique des primaires. Mais le passé de la famille socialiste nous ramène là encore aux figures de leaders charismatiques, depuis Jaurès jusqu’à François Mitterrand. En tant que premier secrétaire du Parti Socialiste, Lionel Jospin s’est lui aussi imposé assez naturellement comme le candidat de sa famille politique en 1995. Encore faut-il rappeler que cette candidature avait été rendue possible par le renoncement de Jacques Delors. C’est la même situation qui s’est reproduite en 2011 lorsque l’affaire du Carlton a écarté de la course à la présidence celui qui apparaissait comme le candidat naturel Dominique Strauss-Kahn, laissant le champ libre à François Hollande. Encore a-t-il fallu qu’il triomphe de ses concurrents, et notamment de Martine Aubry, comme Ségolène Royal l’avait emporté en 2006 sur ses rivaux. On peut dire que depuis cette date la notion de candidat naturel s’est largement estompée de l’horizon socialiste.

Voir aussi L’envie de Sarkozy, c’est fini ? Petit mémo à l’usage de ceux qui ne savent pas lire les sondages"

Une telle situation s'est-elle déjà produite dans l'histoire de la Ve République ? Quand et dans quelles circonstances ? Ces circonstances étaient-elles comparables ?

Ce qui est vraiment nouveau, c’est que le président sortant puisse aujourd’hui remettre lui-même en cause l’hypothèse d’une nouvelle candidature. Cela s’était imposé pour François Mitterrand, comme pour tous les présidents de droite qui l’ont précédé ou suivi. De même peut-on considérer que la compétition entre les deux têtes de l’exécutif, François Hollande et Manuel Valls, est d’une nature inédite dans l’histoire de la gauche. François Mitterrand n’avait porté Michel Rocard à la tête du gouvernement qu’à la suite de sa réélection, et en le neutralisant de main de maître. Le binôme concurrentiel n’a jamais existé avant une échéance présidentielle, sauf dans les périodes de cohabitation, entre Mitterrand et Chirac avant 1986, Mitterrand et Balladur en 1995, Chirac et Jospin en 2002.

La popularité de Manuel Valls le place dans une situation nouvelle par rapport au président-candidat potentiel, largement distancé dans les sondages. Paradoxalement, c’est le Premier ministre qui peut apparaître comme le candidat naturel de l’actuelle majorité, non seulement parce qu’il est populaire, mais aussi parce qu’il correspond assez bien aux critères de l’autorité présidentielle sous la Vème République. En revanche, il souffre de deux handicaps majeurs : d’une part, il est minoritaire dans son propre parti et critiqué par les autres partenaires de la gauche ; d’autre part, il devra affronter la légitimité historique d’un président-candidat.

Comment expliquer qu'au sein des partis de gouvernement aucune personnalité ne parvient à se démarquer réellement et/ou ne semble suffisamment légitime pour incarner un candidat sérieux ?

C’est le résultat de la sur-présidentialisation. A partir du moment où un chef politique a remporté l’élection présidentielle sous les couleurs de son camp, il en devient mécaniquement le candidat pour l’élection suivante. Mais l’on peut se demander si cette mécanique ne peut pas se gripper aujourd’hui, dans la mesure où l’impopularité-record de François Hollande affaiblit considérablement ce statut de candidat naturel que l’élection de 2012 lui aurait normalement conféré.

Qu'en est-il au sein des autres partis ?

La tradition dynastique et autocratique du Front national a permis de faire émerger Marine Le Pen, qui se montre à la hauteur de cette tradition, en lui apportant même un style nouveau et des idées nouvelles. Elle incarne sa famille politique, au même titre que Jean-Luc Mélenchon incarne le Front de gauche, par ses qualités de tribun et de provocateur médiatique.

A qui cette situation profite-t-elle ?

L’absence de candidature consensuelle à l’UMP peut a priori entraîner une partie des électeurs vers le Front national, qui peut se prévaloir d’une figure d’incarnation, ou vers l’UDI, qui incarne les valeurs du centre droit républicain. En revanche, le désarroi socialiste ne profite guère à Jean-Luc Mélenchon, parce que la tradition des courants maintient les dissidents dans l’orbite du parti.

Sur quelles configurations cette situation pourrait-elle aboutir en 2017 ? A quelles conditions ?

Toutes les configurations sont possibles. A l’heure actuelle, un affrontement sanglant se profile au sein de la droite républicaine. L’hypothèse probable d’un retour de Nicolas Sarkozy ne manquera pas de faire émerger un concurrent  hostile, qui pourrait être Alain Juppé ou François Fillon. Ce serait un cas de figure similaire au duel Chirac-Balladur de 1995, ce qui pourrait bien sûr faire le jeu de Marine Le Pen… et surtout de François Hollande, qui sortirait vainqueur d’une confrontation au deuxième tour avec la candidate de l’extrême droite, comme ce fut le cas pour Jacques Chirac en 2002.

Mais on peut aussi imaginer qu’un candidat du centre pourrait rallier à lui une partie de la droite républicaine afin de se retrouver au second tour, comme l’avait fait Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Un François Bayrou appuyé par les centres enfin réunis et par la tendance Juppé de l’UMP aurait même toutes ses chances au second tour face à un candidat de gauche. Mais ce ne sont que des hypothèses, que l’avenir ne manquera certainement pas de démentir.

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