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Les virus seront-ils les prochains traitements contre le cancer ?
©REUTERS/Jim Bourg

Avancée

Des chercheurs américains ont annoncé cette semaine qu'une femme de 49 ans souffrant d'un cancer de la moelle osseuse a pour la première fois bénéficié d'une rémission durable après l'injection d'une dose importante de virus modifiés de la rougeole.

Marc Grégoire

Marc Grégoire

Marc Grégoire est directeur de recherches à l’Inserm. Il dirige une quinzaine de chercheurs à Nantes qui travaillent sur l’intérêt du vaccin contre la rougeole dans le traitement du cancer.

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Atlantico : Une femme de 49 ans a pour la première fois bénéficié d'une rémission durable d'un cancer de la moelle osseuse après l'injection d'une dose massive de virus modifiés de la rougeole, ont annoncé cette semaine des chercheurs américains. Comment ce virus a-t-il tué le cancer ? En quoi est-ce un progrès significatif pour le traitement contre cette maladie ? 

Marc Grégoire :Pour être plus exact, il faut parler de rémission après ce laps de temps court (6 mois) après le traitement. De plus, il ne s’agit pas du virus en réalité, mais du vaccin contre la rougeole. Cette différence est importante, car certaines propriétés du virus sont différentes de celles du vaccin contre la rougeole.

Ainsi, pour se protéger du système immunitaire, les cellules cancéreuses expriment à leur surface ce qu’on appelle des récepteurs qui les protègent de notre système immunitaire. Cependant, ce même récepteur (ici le récepteur CD46) est aussi la voie d’entrée du vaccin contre la rougeole. Aussi, plus une cellule exprime de ce récepteur CD46 à sa surface, plus elle va être infectée par le virus atténué (vaccin). Cette infection va ensuite entrainer la mort de la cellule cancéreuse (effet cytotoxique). Ce que nous savons également c’est que ce type de mort par le virus atténué (vaccin) peut entrainer une forte réponse immunitaire, ce qui va ajouter une action supplémentaire dans le traitement et l’efficacité antitumorale. Cette approche thérapeutique est un progrès pour le traitement contre le cancer dont l’objectif est de cibler les cellules cancéreuses en préservant les cellules saines et de mettre en place une réponse antitumorale à long terme. C’est une nouvelle thérapie qui peut porter espoir. Même si on a pas encore guérit le cancer, loin de là, c’est la première fois qu’on a la preuve chez un patient de l’efficacité du vaccin contre la rougeole pour traiter et a priori guérir un cancer.

Les virus sont-ils une solution dans le traitement de certains cancers ? Quel virus pour quel cancer ?

D’après cette nouvelle étude oui, grâce aux propriétés des virus, ou plus exactement aux virus atténués utilisés comme vaccin mais conservant une partie leur propriété : c’est-à-dire de pouvoir cibler spécifiquement des cellules cancéreuses dans le cas du vaccin contre la rougeole. Mais attention, on parle là de vaccins viraux ; ce sont des virus modifiés et atténués. Ce virus de la rougeole, atténué et modifié, profite de la cellule cancéreuse pour s’amplifier, se multiplier et ensuite infecter et tuer la cellule voisine.

En collaboration le Dr. Frédéric Tangy de l’Institut Pasteur (Paris) nous avons également démontré qu’une réponse immunitaire contre les cellules cancéreuses se mettait en place. C’est un atout supplémentaire dans la stratégie thérapeutique antitumorale et donc une propriété importante de la « virothérapie ». A ce jour on ne parle pas de « tel virus pour tel cancer », mais plutôt des propriétés oncolytiques de certains virus pour cibler certains cancers. La réalisation de ces nouvelles stratégies, « virothérapies antitumorales » et « virus oncolytiques », est en plein développement et, ce, que depuis peu.

Les américains ont montré l’efficacité relative, mais réelle du vaccin contre la rougeole dans le traitement contre le cancer de l’ovaire et sur le glioblastome. En France, nous avons démontré que cela pourrait fonctionner pour le cancer du poumon, le cancer colorectal et le mésothéliome (cancer de la plèvre lié à l’exposition à l’amiante). D’autres types de cancer sont à l’étude, et d’autres variant de ce vaccin rougeole sont en tests précliniques, pour une amélioration thérapeutique potentielle.

Quels sont les risques de l'injection d'un virus ?

A priori aucun en ce qui concerne le vaccin contre la rougeole. Cette vaccination existe depuis les années 60 et des millions d’enfants et de personnes ont été vaccinées sans que cela entraîne des effets autres qu’une immunité contre le virus de la rougeole Donc on peut considérer que ce vaccin est très stable et peut être utilisé, même à des doses plus importantes comme dans le cas de cette étude qui a été reportée.

A ce jour, dans le cas du traitement de cancers, une centaine de patients environ a été inclue dans des essais de vaccinations rougeole, sans aucun effets néfastes liés au vaccin.

La virothérapie anti-cancer, recourant à des agents pathogènes (virus) modifiés pour attaquer les cellules cancéreuses remonte aux années 1950. Comment a-t-elle évolué ? A quels progrès peut-on s'attendre ? 

Grâce aux technologies actuelles, on pratique plus de tests pour la préparation du vaccin, on maîtrise mieux ce qu’on réalise, et le produit vaccinal injecté doit répondre à de nombreux critères de sécurité. Pour son efficacité thérapeutique, de nombreuses études sont réalisées par des tests précliniques faits sur la cellule (in vitro), puis ensuite chez l’animal (efficacité thérapeutique et sécurité). Dans le cas de telles innovations thérapeutiques, de nombreuses précautions sont prises pour le traitement des patients. Tout d’abord des tests de doses croissantes avec un suivi médical du patient très renforcé. Puis des analyses biologiques, et ici immunologiques, pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le traitement, pour mieux comprendre l’efficacité ou les limites du nouveau traitement. Cela engendre de nombreuses données scientifiques qui vont favoriser l’amélioration thérapeutique du vaccin proposé.

Où en sont les recherches en France ?

Les recherches en France, dans ce domaine, ont commencé il y a environ dix ans. Mais il y a encore peu de laboratoires en France, spécialisés dans ce domaine de la virothérapie, et très peu sur le vaccin contre la rougeole. Nous avons entrepris nos travaux de collaboration entre mon équipe de recherche INSERM à Nantes celui de l’Institut Pasteur, en 2005. Le vaccinia, lui est repris par la société Transgene.

Lors du récent  congrès sur les « virus oncolytiques » à Oxford (avril 2014) qui rassemblait environ 250 chercheurs, nous étions très peu de Français… Les Américains sont très en avances, et certains pays européens dont les Allemands et les Anglais commencent à s’y intéresser de très près...

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