Pauvre, pauvre Marine Le Pen, qui ne gouvernera jamais !

Donc, à en croire Yves Jégo, auteur d’un livre dont Atlantico a publié les bonnes feuilles, l’arrivée au pouvoir de la présidente du Front national est inéluctable. Sur la couverture de son livre, cette information péremptoire est atténuée par un "Sauf si…". Mais ces deux mots sont écrits en tout petits caractères. Ce serait en gros que le malheureux Jégo ne vendrait pas un exemplaire de son bouquin. Les Français veulent Marine, lui disent nombre de ses électeurs. Les Français veulent Marine, indiquent des sondages. Les Français votent Marine, écrivent les journaux pour s’en inquiéter ou pour s’en réjouir. Ici on se lamente. Là on crie "Alléluia". Même Marine Le Pen, que l’on imaginait plus avisée, a fini par y croire puisqu’elle vient de déclarer qu’elle était "prête à gouverner".

Et puis, patatras ! arrive un sondage BVA qui met fin aux flonflons de la fête. 68% des Français rejettent Marine Le Pen. Et 78% ne lui font pas confiance pour gouverner. Ricanements du côté des tenants du FN. Sondage bidon, sondage commandité par l’UMPS ! Une rhétorique éprouvée, et d’une très lassante monotonie… Il en va de cette réaction nerveuse comme de la morale du Bantou définie par un polémiste célèbre : "Moi manger femme du voisin, y a bon ! Voisin manger ma femme, y a pas bon !"

78% des Français ne veulent pas de Marine Le Pen au pouvoir, y a pas bon sondage ! Quand le même institut, BVA, dans d’autres sondages, fait du Front national le premier parti de France aux européennes y a bon sondage ! C’est comme ça. Et c’est plutôt pitoyable. Mais bon, les mots "Front national" font vendre des journaux et des livres. Il y a encore quelques années de cela, ce rôle d’appât et d’incitation à l’achat était dévolu aux "qui sont les Juifs de France" ou aux "secrets des francs-maçons". Le progrès est incontestable.

Marine Le Pen dit qu’elle est prête à gouverner. Comme on l’imagine mal devenir Premier ministre de Francois Hollande, il doit s’agir dans son esprit de la présidentielle de 2017. Et il avait fait combien, son papa, en 2002 ? Dans les 20 %. Elle fera combien, elle, en 2017 ? Certainement plus car elle est quand même plus fraîche et plus présentable que son géniteur.

21%, 22%, 23%… À supposer qu’elle soit qualifiée pour le second tour, elle sera battue par 79%, 78%, 77%… Exactement le score du sondage BVA ! Et aussi à peu près la même impopularité que François Hollande. C’est dire.

En démocratie certes, toutes les voix, tous les votes se valent : UMP, PS, FN, Front de gauche, etc. Mais les bulletins de vote frontistes ont une vie éphémère et une fragilité particulière. Dès que nécessité (électorale) fait loi, certains sont solubles dans l’UMP, d’autres dans le Front de gauche (tant il est vrai que Mélenchon est le cousin rouge de Marine Le Pen), d’autres enfin, plutôt nombreux, dans l’abstention.

Eh non, la présidente du Front national n’est pas près d’arriver au pouvoir. Elle est quand même prête, dit-elle, à gouverner. Elle risque de rester prête pendant très, très longtemps. Un peu comme Sisyphe condamné à rouler et rouler son rocher pour l’éternité…