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"Bunga bunga" : les dessous des soirées de Berlusconi
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Bungologie

Les frasques du Premier ministre italien font la Une des journaux du monde entier. La plus connue, l'affaire dite du "Rubygate" est celle qui a le plus profondément choqué l'opinion publique internationale. Coup de projecteur, avec Patrick Girard, auteur de "Sexe, mensonges et politiques", sur les soirées très privées du Cavaliere. Extraits.

Patrick Girard

Patrick Girard

Patrick Girard est docteur en Histoire.

Il est rédacteur-adjoint de Jeune Afrique et a longtemps collaboré à l'hebdomadaire Marianne.

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Homme de télévision, Silvio Berlusconi a un faible pour les feuilletons. C'est donc dans un médiocre remake d' Urgences qu'il aime à se produire. Le malade imaginaire, entouré d'infirmières et de doctoresses à la blouse échancrée, très échancrée subit d'interminables examens, certains très ciblés. Il est à l'âge où le cancer de la prostate menace et nécessite des soins attentionnés. Le personnel médical est aussi prié de s'intéresser à d'autres parties de son anatomie. Arrive enfin le moment où le Cavaliere émoustillé par ces soins, se retire avec l'une des infirmières ou lance son célèbre cri de guerre : " Et maintenant Bunga-Bunga ! ", prélude à une séance de sexe anal de groupe.

"Bungologues" : à vos théories !

Autant le dire, le concept de Bunga Bunga a fait l’objet de furieuses et contradictoires exégèses. Pour certains, le Bunga Bunga serait la conséquence du rapprochement opéré par Silvio Berlusconi avec le colonel libyen Mouammar Kadhafi. Les deux hommes, on le sait, ont mis un terme au vieux litige entre l’ex-puissance coloniale et ses anciennes colonies de Cyrénaïque et Tripolitaine. L’occupation italienne n’avait pas laissé que de très bons souvenirs le long du rivage des Syrtes et les Libyens réclamaient – et obtinrent – des sommes colossales au titre de dommages et intérêts pour les crimes de la période coloniale. Ce serait lors des tractations entre Silvio Berlusconi et Kadhafi que le second aurait expliqué au premier le rite auquel il sacrifiait dans l’intimité de la section « africaine » de son harem. Cette pratique désignerait la punition symbolique infligée par des femmes à un homme coupable d’avoir pénétré illégalement sur le territoire inviolable d’une tribu africaine, version exotique et adoucie de la peine capitale infligée par Romulus à Remus après que ce dernier eut sauté par-dessus le sillon marquant le site primitif de Rome.

D’autres éminents bungologues considèrent que Silvio Berlusconi est lui-même l’inventeur du Bunga-Bunga. Il aurait forgé ce terme pour brocarder son vieux rival, Romano Prodi, dans une plaisanterie de mauvais goût qu’il aimait à asséner à ses interlocuteurs : "Deux ministres du gouvernement Prodi vont en Afrique. Ils sont capturés par une tribu d’indigènes. Le chef de la tribu prend le premier otage et lui demande : « Tu veux mourir ou bien bunga-bunga ? » Le ministre choisit bunga-bunga et il est violé. Le deuxième prisonnier choisit lui de mourir sans hésitation. Et le chef de la tribu répond : « D’abord bunga-bunga, ensuite tu meurs! »".

Le très sérieux quotidien La Repubblica, tribune de l’intelligentsia italienne, donne une autre version, plus élevée. Bunga-Bunga serait une phrase inventée par des amis de Virginia Woolf qui s’étaient déguisés en notables éthiopiens au début du XXe siècle pour jouer un mauvais tour à des officiers de la Royal Navy aux questions desquels ils répondaient invariablement « Bunga-Bunga ». L’un de ces officiers était à ce point persuadé qu’il s’agissait d’une formule en amharique que, des années plus tard, mis en présence de Hailé Sélassié, il aurait salué le Négus, descendant de la reine de Saba et de Salomon, d’un sonore « Bunga-Bunga ». L’anecdote aurait été rapportée à Kadhafi qui l’aurait transmise à Silvio Berlusconi, hypothèse contestée par Brian Palmer de Slate pour lequel le dirigeant libyen, connu pour détester l’anglais et ne jamais le parler, n’a pu avoir connaissance de cette anecdote.

Et arriva Ruby...

On le voit, le Bunga-Bunga peut égarer les meilleurs esprits. L’une des partenaires de ce jeu rituel a ainsi fait perdre la tête à Silvio Berlusconi. Il s’agit de Karima El Mahroug, alias Ruby Rubacuori (voleuse de cœurs), une jeune danseuse d’origine marocaine qui, alors qu’elle était mineure, avait été payée sept mille euros pour assister à une soirée à la villa San Martino. Arrêtée ultérieurement pour un vol de trois mille euros et détenue dans un commissariat de Milan, elle aurait été libérée à la suite de l’intervention en sa faveur du président du Conseil. Celui-ci aurait affirmé au chef de la police locale, soit qu’il en ait été convaincu, soit qu’il ait sciemment forgé un mensonge destiné à légitimer ses exigences, qu’elle était la nièce de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak. La « délinquante » fut élargie sur-le-champ et confiée à Nicole Minetti, une amie de Silvio Berlusconi récompensée de son dévouement pour la cause de l’amitié italo-égyptienne par un siège sur l’une des listes du PDL. César n’eût pas agi autrement si une des suivantes de Cléopâtre avait été arrêtée en flagrant délit de vol sur le Forum. La révélation de l’affaire par la presse italienne a valu à Silvio Berlusconi de sérieux ennuis judiciaires. Une procédure a été ouverte contre lui par une magistrate milanaise en janvier 2011 pour relations sexuelles avec une prostituée mineure et entrave à la justice.

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Extraits de "Sexe, mensonges et politiques", de Patrick Girard, Jean-Claude Gawsewitch ( Juin 2011)

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