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Demain tous mutants ? A quoi nous ressembler(i)ons dotés des implants cérébraux que nous préparent ingénieurs et neuroscientifiques
©Reuters

Cerveau survolté

Les implants cérébraux représentent un espoir véritable de guérir des maux d'ordinaires définitifs, comme la cécité ou la surdité. A défaut de permettre une récupération totale des sensations, ils devraient permettre une réparation partielle de celles-ci. Pour autant ces technologies, si elles sont prometteuses, ne sont pas encore sans risques.

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia est professeur à l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI) où il enseigne principalement l'informatique, l'intelligence artificielle et les sciences cognitives. Il poursuit des recherches au sein du LIP6, dans le thème APA du pôle IA où il anime l'équipe ACASA .
 

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Atlantico : En 2011 Cathy Hutchinson, paralysée, parvenait à se servir un verre grâce à différents implants cérébraux et un bras robotisé. Aujourd'hui, il parait probable que ces implants permettent une guérison au moins partielle des syndromes de surdités ou de cécité. Quels sont les projets d'implants cérébraux les plus prometteurs et à quels problèmes pourront-ils apporter des solutions ?

Jean-Gabriel Ganascia : Dès aujourd’hui, les implants cérébraux permettent à certaines personnes de surmonter des déficits majeurs consécutifs à des maladies ou à des malformation congénitales. Ainsi, les implants cochléaires aident des enfants atteints de surdité précoce à entendre, au moins partiellement, et donc à parler. De même, pour certaines affections dégénératives de la rétine, des récepteurs déposés sur le fond de l’œil laissent espérer la possibilité de percevoir des formes visuelles en couplant ces implants soit directement au cerveau, soit à la peau. Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas de récupérer une  vision parfaite, mais d’être sensible à la lumière et de ne pas se retrouver dans une totale obscurité.

Plus généralement, avec les implants cérébraux, on peut réparer, au moins partiellement, les effets d’un handicap, en revanche, il ne s’agit aucunement de guérir une maladie ou un handicap.

Enfin, il existe d’autres applications médicales des implants cérébraux, par exemple, la stimulation cérébrale profonde, qui ne servent ni à réparer des organes défaillants, ni à se substituer à eux, ni a fortiori à guérir, mais à effacer les symptômes gênants causés par une pathologie, par exemple, les déficiences motrices liées à la maladie de Parkinson.

Au reste, on doit noter que lorsque, en 2011, lorsque Cathy Hutchinson, paralysée, put se servir à boire grâce à un bras robotique commandé uniquement par son cerveau, il n’y eu aucunement guérison de sa paralysie, ni même réparation. Dans cette éventualité, il s’agissait de ce que l’on appelle la communication cerveau-ordinateur. Cela signifie que des capteurs placés, soit sur le cerveau, avec une matrice d’électrodes miniatures, soit sur le scalp, enregistrent les signaux électriques corrélés à l’activité cérébrale. Ceux-ci sont ensuite analysés par des logiciels qui établissent automatiquement un lien entre la volonté explicite d’un individu et la forme de ces signaux. Il suffit alors d’exprimer sa volonté pour que la machine reconnaisse les signaux corrélés à cette volonté et l’exécute.

Si les implants en tant quels permettent la réparation, pourront-ils permettre une réelle amélioration de nos capacités ? Quelles sont les limites de ces solutions présentées comme miraculeuses ? 

Les implants aident dès à présent de nombreuses femmes et de nombreux hommes à surmonter des situations difficiles liées à un handicap. De ce point de vue, ils rendent de grands services. Et, l’on peut raisonnablement espérer que de grands progrès s’accompliront dans les prochaines années et qu’ils viendront soulager et aider d’autres femmes et d’autres hommes. Pour autant, nous n’en sommes pas ni à guérir, ni à augmenter l’Homme. On éprouve des difficultés à imaginer en quoi nous pourrions le faire, car, comme nous l’avons vu, il s’agit de remplacer un organe défaillant qui réalise une fonction naturelle par un automatisme qui l’accomplit partiellement. Certains espèrent, par exemple, que nous pourrions accroître nos mémoires en connectant directement des dispositifs de stockage d’information sur notre cerveau. Or, aujourd’hui, rien dans les technologies contemporaines ne laisse espérer de tels couplages.

Notons que, dés à présent, d’autres technologies augmentent considérablement nos capacités de perception, par exemple les lunettes ou les jumelles, et d’action, comme les exosquelettes. Mais, celles-ci ne font pas appel aux implants cérébraux.

A jouer ainsi avec le cortex cérébral et les ordinateurs, n'y a-t-il aucun risque ? Quels problèmes peuvent se développer au niveau des interfaces entre cerveau et ordinateur ? Pourrait-on imaginer un jour se faire hacker le cerveau ?

Il convient là de porter une attention très grande aux risques potentiels pour l’autonomie de la personne et pour son intégrité. Songeant, en particulier aux traitements de l’anorexie ou des dépressions par stimulation des centres de régulation de l’humeur, avec les techniques de stimulation cérébrales profondes, on pourrait craindre des utilisations abusives de ce type de techniques.  En particulier, il n’est pas impossible d’imaginer que la stimulation de centres du plaisir conduise à la manipulation des individus.

Ces implants ont-ils vocation à se démocratiser ou resteront-ils utilisés dans des cas bien précis ? 

Pour l’instant, les applications des implants cérébraux que nous venons de mentionner demeurent réservées à des pathologies très spécifiques. Ceci étant, il se peut qu’à l’avenir le nombre d’applications potentielles s’accroisse considérablement et que cela conduise à les diffuser plus largement dans la population. Cependant, qu’elles restent réservées à quelques maladies spécifiques ou qu’elles se répandent de plus en plus, il faut absolument s’assurer de l’innocuité de ces techniques et de l’absence de risques éthiques liées à leur utilisation.

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