Élections européennes : les chefs d’entreprise appréhendent le fiasco <!-- --> | Atlantico.fr
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La campagne pour les européennes n’existe pas. Les rares débats se résument à des batailles politiciennes ridicules.
La campagne pour les européennes n’existe pas. Les rares débats se résument  à des batailles politiciennes ridicules.
©CGPME

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Les élections européennes vont tourner à la catastrophe. C’est le point de vue de nombreux chefs d’entreprise qui craignent que cet euroscepticisme n’entraîne une vague d’abstention et de refus de l’Europe… Sauf qu’après cela, qu’est ce qu’on fait ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Beaucoup de grands patrons et notamment ceux du Cac40,  que l’on retrouve dans la très secrète et puissante Association des grandes entreprises françaises  (l’AFEP), ne décolèrent pas contre les responsables politiques et contre les organisations syndicales, y compris contre le Medef , parce qu’ils considèrent que les ambitions européennes sont complètement passées à la trappe, que la campagne pour les élections européennes tourne au festival des menteurs  et des escrocs intellectuels et que l’on en arrive à dire n’importe quoi  sur l’euro et l’Europe, qui seraient coupables  de tout.

Ils redoutent : une abstention record, une montée du Front national et une tendance à déconstruire l’ensemble européen.

Il y a eu dans la construction européenne et le fonctionnement de la zone euro, d’énormes erreurs de commises. Bien ! Mais c’est le passé.

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Première série d’erreurs, l’élargissement  a été trop rapide et mal géré. On a accueilli des pays pour des raisons politiques alors que ces pays n’étaient pas en mesure d’assumer les contraintes économiques. L’ensemble est ingouvernable.  Les règles d’organisation de cette copropriété donnent autant de poids dans la décision communautaire à un petit pays comme la Grèce qu’à l’Allemagne ou à la France. Comme si dans votre immeuble, l’étudiant qui possède un petit studio  avait autant de pouvoir que la famille qui occupe le 200 m2 du dernier étage. Cela ne peut pas marcher. Or, l’europe est une sorte de copropriété.

La deuxième série d’erreurs  se situe au niveau monétaire. Nous n’avons pas mis assez de politique dans la gestion commune des pays de la zone euro. Bref, l’évolution normale aurait été d’initier des institutions fédérales. Ce mouvement a été bloqué. Il s’est arrêté à la mise en place d’un début d’harmonisation  budgétaire et fiscale. Le dernier traité adopté à l’arraché a bien institué le contrôle a priori des budgets, l’objectif de règle d’or, et la mise en place d’un gouvernement économique, mais reconnaissons que la crise a rendu l’application de cette coordination très difficile.

Sans gouvernement fédéral et sans coordination des politiques nationales, l’euro n’a jamais pu être géré au profit d’une politique de croissance. Pour fonctionner comme la réserve fédérale américaine, il aurait fallu que la Banque centrale européenne (BCE) puisse, par exemple, racheter de la dette publique… Mais laquelle ? Il aurait fallu que la BCE puisse choisir entre la dette grecque et la dette espagnole ou française. Cela n’était évidemment pas dans ses statuts. Qui plus est, ce serait politiquement hors de question puisque cette action reviendrait à imposer aux plus riches de contribuer à couvrir les besoins de plus faibles sans pouvoir les contrôler ou les gérer.

Les membres de l’AFEP,  l’association française des entreprises privées, considèrent que tous ces dysfonctionnements ont alimenté les sentiments négatifs qui se développent à l’encontre de l’Europe, mais que le climat politique et les effets de la crise vont encore aggraver la perspective du scrutin européen. Le résultat est que l’euro et l’Europe vont encore être mis à mal.

Le vote  en faveur des partis extrémistes de droite ou de gauche marquera très fortement le rejet de l’Europe, le refus de l’euro. C’est explicitement le projet affiche par Marine Lepen."Sortons de l’Euro, et tous nos problèmes seront réglés".

Le poids des abstentions sera lui aussi interprété comme une indifférence à  l’Europe, alors que l’abstention sera en fait une façon de marquer le rejet de la politique  Hollande.

Pour le reste du monde et pour les Européens, la France passera pour un pays qui tourne le dos à l’Europe.

Or, pour tous les acteurs du monde de l’entreprise, pour une majorité d’économistes, l’aventure européenne est le seul grand projet que les européens ont été capables de mettre en place. Par ailleurs, dans un monde complétement globalisé, où il n’existe que quelques pôles de développement (l’Asie, l’Afrique et les Amériques) les pays européens n’ont qu’une solution pour sauver leur propre modèle et leur propre culture, s’unir dans un ensemble cohérent.

Pour les chefs d’entreprise, la sortie de l’euro serait donc une catastrophe et un retour en arrière historique  irrattrapable. A très court terme, l’abandon de l’euro entrainerait une chute de l’activité importante, une dévaluation dont  les avantages  ne dépasseraient pas six mois puisque nous n’avons pas d’exportations. Les frontières seraient donc rétablies, les droits de douane aussi, et quant à la dette, elle deviendrait impossible à rembourser en franc, ce qui veut dire que les épargnants seraient ruinés.  Mais au-delà  de cette "chienlit technique", il est évident que la fin de la construction européenne laisserait la place à une Europe des pays en concurrence exacerbée de laquelle seuls les plus forts sortiraient vivant. Et le seul État en Europe véritablement en ordre de marche est l’Allemagne.

Sortir de l’euro parce que on ne supporterait plus la discipline soit disant imposée par l’Allemagne reviendrait à lui faire le cadeau de pouvoir exercer son pouvoir économique sans limite.

Ce que les grands patrons ne comprennent pas, c’est l’incapacité des responsables politiques à faire la pédagogie de cette Europe. Ils ont tous peur de l’Europe et de son image sur les électeurs, donc ils n’en parlent pas. Et pourtant, ce sont bien eux qui ont façonné cette image d’une Europe impuissante et coupable de tous nos maux. Ce sont eux qui ont utilisé l’Europe comme le bouc émissaire des effets de leur incompétence et de leur lâcheté.

Résultat de cette débauche démagogique et populiste : la campagne pour les européennes n’existe pas. Les rares débats se résument  à des batailles politiciennes ridicules.

Les chefs d’entreprise ne s’expriment pas. Leurs représentants syndicaux  (Medef, CGPME) sont aux abris, les jeunes qui sont massivement pour la construction européenne  ne s’expriment pas. Ils n’iront d’ailleurs pas voter. Beaucoup grâce à Erasmus vivent l’Europe tous les jours. Ils sont à Barcelone ou à Berlin, ils parlent l’anglais, l’allemand ou l’espagnol contrairement à leurs parents qui dans les années 1960-70 préféraient les cours de gym, au cours de deuxième langue. Bravo.

Quant  à la presse, elle relate le spectacle politique  pour des lecteurs qui ne lisent plus les journaux. Et pour cause, le spectacle politique ne les intéresse plus. Il n’a aucun sens. A gauche comme à droite, chez les soi-disant libéraux  comme chez les néo-conservateurs. Reste les extrémistes qui sont les seuls à présenter un programme. Mais quel programme !

Au lendemain des élections européennes, la France va se réveiller groggy. 

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