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Délinquance des mineurs : pas de flambée générale mais le défi d'une minorité d'une violence inouïe
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Selon Le Parisien, Nicolas Sarkozy et François Fillon souhaiteraient la création d'un encadrement militaire des mineurs délinquants, en guise d'alternative à la prison. Mais difficile de régler une question qui touche à des parcours aussi divers...

Thierry Goguel d'Allondans

Thierry Goguel d'Allondans

Thierry Goguel d'Allondans a été éducateur spécialisé pendant 20 ans avant de devenir formateur en travail social et docteur en anthropologie de l’Université de Strasbourg.

Il est l'auteur d'Education renforcée : La prise en charge des mineurs délinquants en France (Téraèdre, 2008) et de Le travail social comme initiation : Anthropologies buissonières (Erès, mars 2011).

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Atlantico : L'encadrement militaire comme solution à la délinquance des mineurs est-il une nouveauté ?

Thierry Goguel d'Allondans : La légion étrangère a toujours eu une pour tradition d'accueillir des têtes brûlées, mais il y a également l'expérience de l'EPIDe (Etablissement Public d'Insertion de la Défense), dont l'aspect "volontariat" est intéressant : les jeunes y vont de leur plein gré et peuvent partir quand ils le souhaitent.

La proposition de la rendre obligatoire, comme alternative à la détention, me semble vraiment dommage, à la fois pour la prise en charge de ces jeunes et pour l'EPIDe, qui va changer de mission.

En termes de coût, l'encadrement militaire est-il préférable à la détention pénitentiaire ?

Cela coûte certainement beaucoup moins cher que les centres éducatifs : un séjour en centre d'éducation renforcée (CER) ou en centre éducatif fermé (CEF) coûte en effet très cher, mais pas forcément beaucoup plus que les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) [640 par jour et par jeune dans les CER, contre 520 euros dans les EPM, selon un rapport récent, ndlr].

Les objectifs affichés par cet encadrement militaire proposé par le gouvernement sont la remise à niveau scolaire, l'apprentissage d’une activité professionnelle et l'éducation citoyenne et comportementale. Ces objectifs vous semblent-ils réalisables ?

Dit comme ça, on a l'impression que c'est un absolu. Certains de ces jeunes sont vraiment très déstructurés et capables de violence inouïe : il est clair qu'il faut leur redonner les repères de base, ils ont besoin de rencontrer une limite. Mais ils sont quand même une minorité.

Ce qui m'inquiète beaucoup quand j'entends parler les hommes politiques, de droite comme de gauche, c'est qu'ils font feu de tout bois d'un discours sécuritaire qui laisse penser que les sauvageons sont sur nos villes, que la violence n'a jamais été telle, et qu'il faut donc prendre des mesures exceptionnelles pour une situation exceptionnelle. Or, tous les chiffres montrent que cette flambée de la violence n'est pas une réalité. Que la violence change, c'est évident. Que nous soyons de plus en plus demandeurs de sécurité, aussi.

Ces mesures ne traduisent-elles pas une démission de l'éducation dans la gestion de la délinquance des mineurs ?

Il y a certainement une démission de la fonction d'adulte et d'autorité dans notre société. Du temps de nos grands-pères, un jeune qui faisait l'abruti dans la rue se prenait une raclée de la part de l'adulte qui se trouvait là. Aujourd'hui, plus personne n'aurait l'idée de dire à un gamin dans la rue de se calmer.

La typologie des jeunes qui ont commis des actes de délinquance est absolument incroyable : aucun n'est identique à l'autre. Pour certains, un placement de six semaines dans une ferme peut suffire à leur faire reprendre pied. Pour d'autres, un placement à l'EPIDe ou dans un internat un peu strict peuvent s'avérer plus efficace. Enfin, pour les plus durs, il faut passer par des projets pédagogiques axés sur les sports de l'extrême ou les randonnées, avec des adultes qui tiennent, y compris physiquement. En fin de séjour, on peut généralement leur faire confiance en les plaçant en apprentissage, et il s'avère qu'ils travaillent généralement extrêmement bien.

Cela m'embête toujours quand on parle de solutions globales et systématiques, car les situations sont extrêmement hétérogènes.

Pourrait-on réellement mettre en place une politique au cas par cas ?

Oui, à condition de faire confiance aux travailleurs sociaux. Nous avons en France 1 million de travailleurs sociaux, sans compter les non-diplômés : si on leur donnait une meilleure formation et un peu plus de responsabilités, ils pourraient assurer ces observations, ces orientations et guider ces parcours à la carte.

N'est-il pas nécessaire de faire également un effort en amont, sur l'éducation ?

Si, bien sûr. Ce qui m'a frappé au moment où j'ai rencontré des délinquants mineurs multi-récidivistes dans le cadre de mon enquête sur les CER en 2004, c'est qu'ils se savaient pas tenir une fourchette et un couteau à table. J'ai amené un gamin chez le dentiste, et il ne savait qu'il fallait se brosser les dents ! Personne ne leur a jamais donné les bases éducatives.

L'ordonnance [sur la justice des mineurs de 1945] était équilibrée : elle disait qu'une société n'a pas à se faire violenter, qu'elle avait le droit de se défendre, y compris contre les mineurs, mais que parce qu'ils étaient mineurs, il fallait privilégier l'aspect éducatif à la sanction.

Il faut donc jouer sur les deux tableaux, en s'adaptant aux jeunes à qui l'on a affaire : tous les jeunes n'ont pas besoin de la même chose.

Comment le problème des mineurs délinquants est-il géré à l'étranger?

Je connais bien le Québec, qui a certainement inspiré les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) avec les Centres Jeunesse, qui sont des lieux d'enfermement avec un staff important composé de professeurs et d'éducateurs. On est loin du bagne : les rythmes tiennent compte de la spécificité du jeune, de ses difficultés et éventuellement de ses pathologies, ce qui n'est pas le cas dans les EPM français.

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