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Le débat public, victime collatérale du terrorisme d’extrême droite ?
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Zone franche

Le terrorisme d’extrême droite ne transforme pas tout discours hors-consensus, même déplaisant, même discutable, en menace fasciste.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Que le terroriste d’Oslo ne soit pas un dingue isolé mais un activiste d’extrême droite ne fait guère de doute. Toutes choses égales par ailleurs, si 1 500 pages de baratin doctrinal ne suffisent pas à confirmer la dimension idéologique de son geste, autant réduire « Mein Kampf » aux divagations d’un peintre raté.

La manière dont un certain nombre de figures de la xénophobie politique, en France ou dans le reste de l’Europe, rationalisent le massacre d’une centaine d’adolescents en apporte d’ailleurs une preuve supplémentaire. « Anders Behring Breivik est allé un peu loin, certes, lâchent-il benoîtement, mais il avait tout de même été sacrément provoqué par les hordes de barbares s’apprêtant à prendre le contrôle du continent »…

Le retour de bâton, pour autant, est en train de prendre une direction troublante pour quiconque est attaché à l’existence d’un vrai débat public, où l’expression d’une pensée gênante, non-consensuelle, voire stupide, ne serait pas interdite.

Il y a, on le sait, des gens pour lesquels l’idée même de « changement » est une menace. Des nostalgiques d’un ordre ancien, le plus souvent fantasmé, qui, déboussolés par la rapidité et l’ampleur de la transformation du monde, ont choisi de freiner des quatre fers.

S’ils sont « de gauche » ― quel que soit le sens d’une locution de plus en plus creuse ―, c’est à la « mondialisation » qu’ils s’en prennent. Au terrible phénomène venu perturber l’Éden gaullo-mitterrandien où l’on prenait sa retraite à soixante ans et l’on plaignait à bon compte ces Chinois qui n’avaient rien à manger. Si c’est à droite qu’ils se sentent plus à l’aise, c’est plutôt la figure de « l’étranger » qu’ils dénoncent ; cet « autre » mal-dégrossi venu capter leurs allocs et défigurer la skyline de leurs petits villages avec ses minarets agressifs.

Prolo des champs, prolo des villes…

Oh, fastoche, du point de vue de citoyen du monde polyglotte et sophistiqué que je joue à être, de dénoncer les uns et les autres comme autant de réactionnaires binaires, incapables d’embrasser l’avenir avec optimisme. La mondialisation qui donne à manger aux Indiens et fait baisser le prix de mes T-shirts ? Formidable ! Le métissage qui rend mon boboland vivant et coloré et me permet de me régaler de poulet tandoori ou d’accras de morue à n’importe quelle heure du jour et de la nuit ? Génial !

Le prolo des champs, dont l’usine a été transférée dans le Hunan, et son cousin des villes, dont la cité HLM s'est transformée en annexe des Nations unies en quelques années, n’ont peut-être pas la même hauteur de vue et le même enthousiasme futurophile que le journaliste parisien. J’ai beau leur rabâcher que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, que les ajustements finiront par se faire et que le jour viendra où l’on en rigolera tous de bon cœur en dégustant un couscous-saucisson, ils doutent…

Un assassin par procuration ?

Las, l’expression de ce doute, du moins dans sa version droitière, autrefois simplement ringarde, devient maintenant l’antichambre du fascisme, pour ne pas dire de l’empathie pour les assassins de jeunes travaillistes scandinaves. Quelle stupidité ! Un philosophe toujours à fleur de peau, qui n’est pas un prolo lui-même mais le fils de prolos immigrés puis déportés, parce qu’il est au moins aussi déboussolé qu’un Corrézien de Bondy mais plus obsédé par la discipline scolaire que par le saucisson, est même à deux doigts d’être désigné comme l’inspirateur du fasciste norvégien !

L’assassin par procuration de ces gosses !

Avec l’assurance de leur immense gentillesse, leur certitude inébranlable d’être les « good guys » par essence, de petits juges s’arrogent le droit de distribuer la responsabilité d’un massacre comme s’il s’agissait d'une tape sur les doigts et préviennent que désormais, tout propos non conforme, même simplement stupide, sera assigné à résidence sur une petite île du lac de Tyrifjorden. Qu’il n’y aura plus de débat, plus d’interrogations, que la cause est entendue… Que c’est eux ou le fascisme sanglant…

Merde alors !

Anders Behring Breivik (c’est dingue, à quel point je fais un blocage sur le nom de ce type dont je dois systématiquement vérifier l’orthographe) est un authentique activiste d’extrême droite, un authentique terroriste. Mais son irruption ne siffle pas davantage la fin des débats contradictoires sur les sujets les plus délicats que celle des terroristes islamistes un certain 11 septembre. Enfin, espérons-le...

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Message de service : à la demande du fan club d'Arnaud Montebourg, Zone franche s'arrête... Non, c'est pour rire : second break estival, retour le lundi 22 août. Bonnes vacances à tous !

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