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L'appareil photo, un copain de vacances un peu envahissant
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N'est pas Cartier-Bresson qui veut !

Les photographes amateurs ont tendance à se prendre pour des pros. Armés d'appareils photos de plus en plus sophistiqués, ils pensent désormais pouvoir rivaliser avec les professionnels les plus aguerris. Décryptage d'un nouveau phénomène qui inquiète sérieusement la corporation.

Christian Chamourat

Christian Chamourat

Christian Chamourat est photographe.

Il préside le conseil d'administration de l'AGESSA (Sécurité sociale des Artistes Auteurs).

Voir la bio »

Atlantico : L'appareil photo numérique est l'une des stars de ces vacances. En tant que photographe, que pensez-vous des touristes qui passent la majeure partie de leur temps à prendre des photos plutôt qu'à vivre l'instant ?

Christian Chamourat : Cela me fait penser à une histoire un brin philosophique : dans le temps, les gens venaient faire développer leurs photos de vacances chez le photographe. Celui-ci leur dit : « Désolé, il y a eu un souci, vos photos sont fichues, détruites ». Réplique immédiate : « Nos vacances sont ratées, du coup ! »

Sans photos, les vacances sont-elles ratées ? Moi, par exemple, j’ai filmé pendant 25 heures la naissance de mon fils et je me suis dit : « Je ne vais pas passer la suite de ma vie à regarder la moitié de la vidéo. »

Percevez-vous les photos d'amateurs comme de la concurrence ?

Sur le numérique, j’ai, une fois, été interviewé par une sénatrice à l’initiative d’une commission parlementaire sur la photographie qui me disait : « Mais M. Chamourat, comment allez-vous faire ? Tout le monde n’a pas d’appareil numérique, on a des téléphones portables ». Je lui ai répondu spontanément : « Madame, je vois un stylo entre vos doigts. Est-ce que quand vous faites la liste le matin de ce que vous devez faire  la journée, vous vous prenez pour Victor Hugo ? » Elle a éclaté de rire. Pourquoi ? Tout le monde le sait. Entre étudier un texte de l’écrivain et faire une petite note pratique comme on en fait à toute heure, de manière quotidienne, ce n’est pas la même chose.

Tout gamin a eu au moins dix ans d’école obligatoire, il a appris à lire, à écrire, à compter. Toutes nos élites politiques, tous nos dirigeants des petites, moyennes et grandes entreprises, combien d’heures ont-elles eu sur la compréhension de l’image ? Aucune.

La seule approche qu’ils ont eue, c’est des cours sociologique de la publicité : « Comment une image peut-elle agir sur notre comportement ? » Mais ce n’est qu’une petite partie de ce que signifie l’image. On étudie un texte, sa finesse, mais pas l’image à part les gens qui font les beaux-arts et les grandes écoles artistiques.

Cela ne me gêne pas que tout le monde fasse des photos avec leurs numériques. On fait tous des photos. Et ce qu’on souhaite : un type peut faire des photos de sa femme au bureau, ou alors des images un peu plus cochonnes, c’est son intimité. C’est bien. Je suis pour cette liberté.

Et les activités artistiques sont libres en France. Chaque citoyen peut commettre une œuvre et la commercialiser même si ce n’est pas un chef d’œuvre.

Or, l’égalité, c’est aussi important. Cela veut dire que si un éditeur de presse préfère prendre la photo d’un amateur car elle est la meilleure de ce qu’on lui propose, c’est super et qu’il la paye. Si, en revanche, il la prend car elle est gratuite (et même si elle est plus mauvaise que les autres), ça, c’est répréhensible. Il ne faut pas que les amateurs fassent de la concurrence déloyale aux professionnels…

Les amateurs ont-ils tendance à se prendre pour des professionnels ?

Une fois j’ai rencontré une femme brune et je lui ai dit : « Vous devriez vous faire photographier, vous êtes lumineuse. » Elle se met en colère : « Je déteste ça, je ne suis pas photogénique. » Je lui ai alors demandé si elle se faisait souvent photographier par des professionnels. Elle m’a dit que non… J’ai répliqué : « Comment le savez-vous ? ». « C’est mon mari qui le dit », a-t-elle assuré. « Et quand vous devez vous recoiffez, c’est votre mari qui s’en charge ? », lui ai-je répondu.

C’est comme si quelqu’un écrivait : « Je suis dans la montagne et je ris… » et disait ensuite : « Cela ressemble à un poème de Victor Hugo » puisque c’est écrit en français et sans faute d’orthographe…

Dans l’écriture, ce n’est pas la même chose. En photographie, pour les gens, si… Ils ne distinguent pas forcément une photo d’un amateur et d’un professionnel… parce qu’il suffit, pour qu’une image soit perçue comme réussie, que les couleurs soient bonnes.

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