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Concurrencer la SNCF ? 
C’est possible (mais pas facile)
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Zone franche

La France disposera-t-elle un jour d’un réseau de lignes régulières d’autocars intercités comme les autres pays civilisés ? Peut-être. Mais pas sûr.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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La nouvelle n’a pas fait l’effet d’une bombe, mais elle aurait pu. Il est désormais possible de relier par autocar plusieurs villes de France dans le cadre de services réguliers… « Hein ? Quoi ? Tu parles d’une info fracassante… » lâcheront les Britanniques ou les Espagnols, pour lesquels prendre un car pour Barcelone depuis Madrid ou de Londres pour Manchester est d’une affligeante banalité.

Mais c’est qu’il ne connaissent pas la France, où ces services n’existent tout simplement pas, l’État et les collectivités locales n’appréciant guère que la route vienne concurrencer leurs intérêts ferroviaires. Oh, il y a bien, au niveau départemental, des réseaux reliant certaines agglomérations les unes aux autres dans le cadre de partenariats entre conseil généraux et transporteurs privés, mais un Lille-Paris ou un Marseille-Lyon, no way.

Première brèche ouverte dans le monopole « intercités » de la SNCF, les quelques liaisons proposées depuis quelques jours par Eurolines, l’opérateur transeuropéen géré par le groupe Véolia. Non pas que la France ait assoupli sa position sur la question, mais Bruxelles a rendu légal le « cabotage », c’est à dire le droit, pour un transporteur assurant une liaison internationale, de charger et de déposer des voyageurs « domestiques ». D’où la naissance d’un Rouen-Paris ou d’un Narbonne-Toulouse, deux des six nouvelles relations nationales inédites intégrées à un trajet saute-frontières mais organisées «  aux risques et périls du transporteur » ― c’est à dire sans subvention.

L'autocar, un mode de transport moderne ?

Contrairement à une idée répandue sous nos climats, le transport routier de voyageurs n’est pas au ferroviaire ce que l’homme de Cro-Magnon est à l'homo sapiens. Ailleurs dans le monde, on le percevrait plutôt comme un mode concurrent ― à la fois plus flexible et plus économique qu’un TGV ou un TER circulant aux trois-quarts vides sur des rails achetés au prix du métal jaune en pleine crise financière.

Témoin, les huit petits euros que demande Eurolines pour vous acheminer de la capitale de Normandie à celle de la Gaule. Huit euros ? Tss, on ne va même pas de la gare du Nord à Roissy en RER (9,10 €) pour ce prix-là…

Éric Ritter, le secrétaire-général de la FNTV, la fédération professionnelle des autocaristes, s’il se réjouit de ce pas en avant, a tout de même une surprenante tendance à ne pas se montrer trop enthousiaste. Et s’il serait ravi de voir ses ouailles quadriller le pays avec leurs véhicules modernes et confortables, les liens privé-public lui imposent la prudence :

« En France, comme l’Union européenne le permet, on a décidé que les transports intercités relevaient du domaine public et qu’il fallait une autorisation de l’État ou, au niveau régional, des collectivités locales, pour mettre en place une ligne régulière. Ce n’est pas le cas d’autres pays, mais c’est notre environnement réglementaire et il faut faire avec ».

Du coup, pour rester copains avec les élus locaux dont ils assurent les dessertes, les autocaristes rongent leur frein : « Il serait délicat de demander la mise en place de nouvelles liaisons qui déstabiliseraient celles qui existent déjà », explique-t-il. En d’autres termes, il serait délicat de concurrencer un TER financé par la région qui vous offre par ailleurs de desservir telle ou telle liaison départementale...

« Inertie plus que volonté de préserver un monopole »

Le professionnel est pourtant optimiste à long terme :

« Ce que l’on a longtemps appelé « coordination rail-route » [mais ce que le journaliste moins diplomate qualifie plutôt de protection d’un monopole et d’entrave à la concurrence] est en train de changer et s’il y a des blocages, c’est plus par inertie que par volonté politique même si l’on imagine mal qu’un gouvernement s’amuse à provoquer les syndicats de la SNCF à un an d’une élection. En tout cas, les gens comprennent que l’autocar peut devenir une alternative au train, y compris si les trajets sont plus longs car les publics n'ont pas tous les mêmes priorités ».

Les nouvelles liaisons Eurolines seront d’ailleurs un excellent laboratoire de la demande, même si les fauteuils risquent d’être rares : pour éviter qu’il ne s’abrite derrière une autorisation de cabotage fictive et chasse essentiellement  la clientèle domestique, le transporteur doit en en effet réserver la majorité de ses sièges aux voyageurs internationaux. En l'espèce, Véolia la joue d'ailleurs particulièrement profil bas, lançant ses liaisons dans la plus grande des discrétions et n'autorisant pas son service de presse à communiquer sur leurs enjeux.

Hum, Véolia n’a peut-être pas non plus très envie de mettre les cheminots en rogne en période de grands départs…

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