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Gestion du stress : 
une arme politique
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Stress test

Même en vacances, les hommes politiques doivent faire face au stress qu'implique leur fonction. Mais comment font-ils ?

Céline Butin-Canis

Céline Butin-Canis

Céline Butin-Canis est consultante au sein de l'IME Conseil dans les domaines du management, de la santé et du développement durables. Formatrice certifiée à l’Approche Neurocognitive et Comportementale (ANC) développée par l’IME, elle intervient également sur des thématiques plus spécifiques comme la « psychonutrition » (accompagnement au changement durable de comportement alimentaire) et l’amélioration de la Qualité de Vie tant personnelle que professionnelle (prévention du stress et des risques psycho-sociaux…).

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Atlantico : Comme beaucoup de Français, la plupart des hommes politiques français est actuellement en vacances. Cette coupure est-elle indispensable pour évacuer le stress lié à leur fonction ?

Céline Butin-Canis : Leur métier n'est pas forcément plus stressant qu'un autre. Quand on est commercial et qu'on joue sa paye du mois à chaque vente, on est soumis à autant de pression ! L'un des facteurs de stress inhérents à la profession politique reste toutefois la grande incertitude liée aux remaniements ministériels ou à la perspective de réélection : en effet, le stress manifeste notre incapacité à nous adapter à une situation incertaine. Certaines personnes sont capables de s'adapter et vivent très bien ce genre de situations - cela peut même les booster - d'autres, non. Tout dépend de leur histoire et de leur culture personnelles.

Le stress a deux composantes : les facteurs stressants externes et la « stressabilité », c'est à dire la tendance personnelle à se stresser sur certains sujets, qui varient selon les personnes. Par exemple, le hard rock peut être stressant pour les uns et détendre les autres.

Quand un homme politique part en vacances, il diminue ses facteurs stressants, mais il reste tout autant "stressable" sur les sujets qui le stressent habituellement. Quand il revient, au mieux il a pris un peu de distance par rapport à ses problèmes, au pire il se les reprend en pleine figure, et c'est d'autant plus violent qu'il s'était extrait de la réalité. Pendant l'année, un homme politique est accoutumé à ses soucis et gère son stress au quotidien. A la reprise du travail, il a un effort d’adaptation supplémentaire à faire.

Prenons le cas de la primaire PS : le fait que les concurrents soient des connaissances étroites, voire des amis, peut-il aggraver le stress ?

Oui. Dans la primaire, des rapports de force s'instaurent là où il y avait des relations de confiance et d'amitié : le plus fort sera le gagnant. Or, une étude sur le stress au travail a montré que plus on était capable de communiquer dans la confiance, plus il était difficile de repérer et de gérer sereinement les rapports de force.

Dans les primaires, on passe d'un climat de confiance à un environnement de concurrence, et c'est un facteur de stress, car la façon de gérer les relations est complètement différente en raison des nouveaux rapports de force. Dans le monde politique, tout est permis, y compris les coups bas, et tout est sans cesse remis en question alors qu’on voudrait tout maîtriser : les cartes sont brouillées, les amis d'hier ne sont plus ceux d'aujourd'hui… Cette incertitude, déstabilisante, génère une impression de solitude dans le rapport de force.

Et la campagne présidentielle ? Présente-t-elle des facteurs de stress spécifiques ?

Lors d’une campagne électorale, l'incertitude, la non-maîtrise et la complexité des enjeux sont autant de facteurs potentiellement stressants. Le candidat doit savoir s'adapter en temps réel et concilier la gestion sereine des rapports de force et le développement d'une communication de confiance avec l'électeur.

Enfin, une campagne présidentielle nécessite d'être dans l'authenticité des valeurs que l'on porte : si elles ne correspondent pas à la personnalité profonde du candidat, les électeurs s'en rendent compte de plus en plus facilement et retirent leur confiance.

Il faut faire la distinction entre les valeurs positives et les valeurs négatives ou « anti-valeurs » : par exemple, un candidat peut être motivé par l'équité sociale, ou au contraire vouloir combattre les inégalités sociales. On pourrait penser qu'il s'agit exactement la même chose, mais en réalité, quelqu'un qui va se battre pour une valeur positive avec une conviction profonde sera plus fort que quelqu'un dont les motivations sont conditionnelles, circonstanciées, en réaction à certains événements, et donc plus altérables.

Reprenons notre exemple : on peut être contre les inégalités sociales (= anti-valeur) mais ne pas pour autant œuvrer à l’équité sociale parce qu’on est avant tout motivé par une autre valeur comme la performance économique de son entreprise. Quand il s’agit d’évaluer un candidat, mieux vaut s’intéresser à ce qu’il promeut activement et concrètement qu’à ce qu’il critique ou prétend combattre.

Pour faire son chemin en politique, il faut donc être capable de s'adapter en temps réel, travailler sur sa propre "stressabilité", développer les relations de confiance, comprendre les rapports de force et faire en sorte que les valeurs portées soient en adéquation avec sa personnalité profonde.

L'âge souvent avancé des politiques permet-il de gérer plus facilement le stress grâce à leur recul ?

Avec le temps, on peut devenir sage ou caractériel. Si l'on arrive à prendre du recul, à s'ancrer sur ses motivations profondes au-delà des échecs, à prendre de la hauteur sur ce que l'on a traversé, on développe une maturité, une sagesse. A l'inverse, lorsqu’on a pas été capable d'adopter cette posture, plus on vieillit, et plus on développe des intolérances par rapport aux anti-valeurs et aux échecs : on accumule du stress, qui nous ronge de l'intérieur.

La décision se fait souvent au moment de la crise de la quarantaine : après s'être pris des claques et confronté à nombre d’échecs, on peut s'accrocher à son rocher, se ratatiner sur ses exigences et ses intolérances, ou au contraire décider d'aller au bout de ses ambitions et de s'en donner les moyens, en faisant preuve d’adaptabilité et de confiance en soi, en ses propres ressources pour y parvenir.

D'ailleurs, on appelle souvent les sénateurs les "sages", car ils n'ont plus les mêmes attentes par rapport à leur carrière que les députés et sont plus à-même d'avoir du recul sur les problèmes, plutôt qu'une attitude passionnelle.

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