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La France demande à être interdite de casino
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Règle d'or

L'Assemblée nationale vient d'adopter, ce mercredi 13 juillet, un projet de loi constitutionnelle, déjà validé lundi par le Sénat... Il s'agit de mettre en place une "règle d'or" budgétaire, qui inscrirait dans la Constitution l'objectif de maîtrise des dépenses publiques. Selon cette règle, toutes les questions relatives à la fiscalité seraient désormais traitées au travers des seules lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida

Jean-Marc Fedida est avocat au barreau de Paris. Egalement essayiste, il est l'auteur de Impasses de Grenelle : De la perversité écologiste (Editions Ramsay, 2008).

 

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Les grandes manœuvres qui visent à introduire le principe du vote du budget en équilibre dans la constitution de notre pays posent plusieurs difficultés majeures.

Trois difficultés

La première est de faire avaler qu’un grand équilibre économique soit inscrit dans la norme juridique suprême, dont le Conseil constitutionnel en deviendra le gardien. En d’autres termes, la haute juridiction pourrait être saisie à l’avenir de questions purement liées à la politique économique et fiscale de notre pays, ce qui est bien sûr nouveau, mais ouvre de nombreuses incertitudes juridiques et judiciaires. Le contribuable pourra-t-il le cas échéant déposer des questions prioritaires de constitutionnalité devant les juridictions chargées du contentieux de l’impôt ?

La seconde, plus théorique, est consécutive au risque de figer une règle économique et financière dans le lourd marbre d’une Constitution qui empêche qu’il puisse être recouru à des politiques de relance par le déficit dans des périodes déflationnistes fortes et conjoncturelles, ce qui est une contrainte à la réactivité des institutions financières face à des situations de marché qui pourraient être rendues nécessaires (même Hayek l’admet) par les conséquences d’une crise (catastrophe naturelle, guerre, spéculation effrénée contre une monnaie etc…).

La troisième difficulté tient au sens qu’il convient de donner à éprouver d’inscrire une règle de bon sens dans un texte constitutionnel. Mais depuis 1973, aucun budget équilibré n’a été voté et appliqué en équilibre en France, voila presque 40 ans que nous recourrons à l’ingénierie financière et fiscale pour honorer nos fins de mois. Lorsque nous disposions de notre monnaie, les gouvernants avaient une plus large possibilité de manœuvre, le jeu sur les taux de change permettait de faire payer les voisins, ce n’est plus le cas depuis que nous sommes entrés dans l’euro.

Mais aujourd’hui les choses ont changé.

Une réforme constitutionnelle pour rassurer l'Allemagne

Le constat s’impose : l’euro ne tient que pour autant que l’Allemagne est convaincue que la France conduit une politique vertueuse en matière budgétaire. Nous savons que ce n’est pas entièrement le cas, mais grâce soit rendue à François Fillon qui par son crédit personnel rassure nos partenaires. Cette réforme constitutionnelle n’a pas d’autre objet que d’aider le Premier ministre à montrer vis-à-vis des tiers qu’il dispose d’un soutien politique massif et d’une majorité volontaire.

Les spreads entre les obligations françaises et allemandes sont aujourd’hui proche d’écarts de crise si on en croit le précédent grec (63 points contre 80), certes, il faut envoyer un message fort aux autorités bancaires européennes, à l’Allemagne et aux agences de notation et quelle adresse plus forte qu’une modification constitutionnelle garantissant que nous serons à l’avenir vertueux !

Une lecture de cette décision est donc très inquiétante. Au-delà de ces pétitions de vertu budgétaire, en réalité, l’adoption dite de la "règle d’or" de l’équilibre budgétaire est donc un message envoyé à l’Allemagne pour que cette dernière persiste à soutenir l’euro, aux agences de notations pour qu’elles ne réapprécient pas notre cotation.

Lorsque l’on éprouve d’écrire une règle de conduite qui devrait pourtant aller de soit au rang d’une norme juridique, c’est bien une inquiétude que l’on traduit, une tendance que l’on se prépare à prévenir, une tentation que l’on sait inévitable à laquelle par avance on tente de parer.

Le Premier ministre en inscrivant cette règle au frontispice de notre constitution ;  « Tu ne dépenseras pas l’argent dont tu ne disposes point ! » entend en réalité inscrire la France sur la liste des joueurs maladifs qui finissent eux-mêmes à demander à être interdits de Casino.

A défaut d’être curative une telle norme sera-t-elle suffisante pour rassurer nos partenaires ?

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