Easyjet et le low-cost : injustement critiqués ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Combe : "On a du mal en France à accepter la nouveauté : la question n'est pas d'être pour ou contre le low cost, mais d'accepter la réalité".
Emmanuel Combe : "On a du mal en France à accepter la nouveauté : la question n'est pas d'être pour ou contre le low cost, mais d'accepter la réalité".
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Relax, take it easy(jet)

La grève des hôtesses et stewards d'Easyjet ne cause pas de désagrément majeur ce mardi pour les voyageurs. Mais il s'agit toutefois d'une première en France. Faut-il pour autant remettre en cause le modèle low-cost ?

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe est vice-président de l'Autorité de la concurrence et professeur affilié à ESCP-Europe. Il est également professeur des universités.

Spécialiste des questions de concurrence et de stratégie d’entreprise, il a publié de nombreux articles et ouvrages, notamment sur le modèle low cost (Le low cost, éditions La Découverte 2011). Il tient à jour un site Internet sur la concurrence.

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Atlantico : La grève chez EasyJet est-elle surprenante ?

Emmanuel Combe : Précisons que c'est la première grève du personnel en quatre ans chez Easyjet France, et qu'un seul syndicat, l'UNAC, y participe. Si ce n'était pas une entreprise low-cost, en parlerait-on autant ? La grève est un moyen de revendication légitime et  classique dans l’aérien et n’y a rien d’extraordinaire à cela ; cela montre d’ailleurs que les syndicats sont bien présents dans les compagnies low cost, contrairement à l’image d’Epinal.

On essaie parfois d'associer systématiquement les low-costs à des voyous qui violent les règles du jeu et le droit des salariés, alors que ce n'est souvent pas le cas, même si des dérives ont pu exister dans le passé et dans certaines compagnies.

Sur du court ou moyen courrier, les salaires des commandants de bord, des hôtesses ou des stewards ne diffèrent pas tant que cela entre low-cost et compagnies traditionnelles. Par contre, dans le low-cost, une partie importante de la rémunération (30-40%) des hôtesses et des stewards est variable, et n'est donc pas payée pendant les arrêts maladie : c'est l'un des points clé de cette grève. Pour ce qui est des pilotes, ils sont payés autant dans les compagnies low cost mais, en revanche, ils travaillent beaucoup plus. Cela va de 650 heures par an chez Air France à 750 chez Easyjet, pour une norme légale européenne de 900 heures.


Comment s'expliquent les tarifs ultra-concurrentiels du low-cost ?

La baisse des prix résulte d’abord d’une productivité accrue sur les appareils, qui volent beaucoup plus longtemps chaque jour. Le secret du low cost c’est qu’un avion en l’air rapporte des profits, alors qu’un avion au sol est une source de coûts. Il faut donc rester un minimum de temps au sol entre deux vols : le temps entre deux rotations est inférieur à 30 minutes. C'est d'ailleurs pour cela que les low-costs se cantonnent aux vols de moins de trois heures, pour pouvoir faire jouer à plein cet avantage. Faire du low cost ne s’improvise pas, tout comme faire du long courrier : ce sont aujourd’hui des métiers très différents !

Deuxième élément : le low cost ne garantit pas de correspondance, et ne perd donc pas du temps à attendre les vols en retard. Si l'on veut réduire au maximum le temps au sol, il faut standardiser les prestations en vol, et cela explique pourquoi ces compagnies n'aiment pas les bagages en soute, qui prennent du temps, et pourquoi elles ont rarement des retards, car cela remet en cause la viabilité même de leur modèle.

Je distingue deux types de low cost : le premier type, c’est le middle cost, incarné par Easyjet, qui décolle de grands aéroports et se retrouve souvent en concurrence frontale avec les grandes compagnies. Ce sont ces compagnies middle-cost qui font vraiment du mal à Air France, beaucoup plus que Ryanair.


Le second, c’est le low-cost pur et dur, incarné par Ryanair. C’est un modèle qui semble en délicatesse avec la réglementation sociale européenne. Ryanair décolle de petits aéroports pour ne pas payer de taxes, et se livre parfois à un chantage aux subventions locales, en menaçant de supprimer leur desserte. Ryanair est sur un marché assez différent de celui de compagnies comme Air France et la concurrence frontale entre les deux est assez rare, exceptée sur quelques lignes comme Marseille-Lille.

Le low-cost ce n’est pas d’abord des prix bas : c'est la simplicité de la prestation qui le caractérise, avec tout le superflu qui est mis en option payante. On ne peut pas dire que cela soit scandaleux en soi, car les clients sont libres de choisir ou non les options ! Il serait tout aussi injuste de payer pour les bagages des autres alors qu'on n'en a pas... Cela correspond à une attente profonde du public : avoir la liberté de choix .


Lacontrepartie du modèle low-cost est-elle un déficit de sécurité ?

La seule compagnie qui n'ait jamais connu d'accident fatal aux Etats-Unis depuis sa création, en 1973, est la plus grosse compagnie low-cost du monde, South-West Airlines. En Europe, Ryanair et Easyjet n'ont jamais eu d'accident fatal (avec au moins une victime) en quinze ans d'existence. L'explication est assez simple : les avions low-costs sont très récents, car ils sont renouvelés fréquemment ; les compagnies ont une bonne santé financière ; elles sont parfaitement dans les standards de sécurité, carles low-cost ne transigent pas avec cet aspect de la qualité, qui n’est pas négociable pour les clients.

Le problème des low-costs, c'est plutôt la mauvaise information des consommateurs. Toutefois, on a vu de très nettes améliorations ces dernières années, notamment grâce à l'action de la Commission Européenne. Aujourd'hui, les billets sont toujours affichés TTC. En ce qui concerne les frais sur les cartes de crédit, l'Office of Fair Trading britannique vient de taper du poing sur la table en demandant aux compagnies low cost de ne plus les facturer : c'est le job de l'Etat que de fixer des règles du jeu et défendre les consommateurs.

Où en est la France en matière de low-cost ?

La France avait pris un certain retard dans ce domaine, car les pouvoirs publics n'y croyaient pas. Résultat : nous sommes aujourd'hui l’un des seuls grands pays européens à ne pas avoir de compagnie low-cost nationale. Contrairement aux Allemands, aux Espagnols et aux Anglais.

On a du mal en France à accepter la nouveauté : la question n'est pas d'être pour ou contre le low cost, mais d'accepter la réalité : le low cost a gagné la partie sur le court/moyen courrier, avec une part de marché de 40% en Europe.

Aujourd'hui, Air France essaie de s'y mettre, en lançant son initiative « bases province » à partir de la rentrée 2011, pour baisser ses coûts de 15%. C’est une bonne idée mais l’idéal aurait été de lancer il y a dix ans une deuxième compagnie, complètement low cost et dédiée au segment court/moyen courrier ; ou de racheter une low-cost comme Iberia l'a fait en Espagne avec Vueling.

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