Eva Joly : c'est bon pour la morale !<!-- --> | Atlantico.fr
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Eva Joly : "l’incarnation de la morale en politique", selon Erwan Lecoeur
Eva Joly : "l’incarnation de la morale en politique", selon Erwan Lecoeur
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Verte tueuse

C'est officiel, Eva Joly vient de remporter la primaire d'Europe Ecologie Les Verts, en cumulant 58,16 % des voix, au deuxième tour, contre 41,34 % pour son adversaire Nicolas Hulot. Erwan Lecoeur, politologue et proche des Verts, décrypte les atouts et les faiblesses de la nouvelle candidate écologiste pour la présidentielle de 2012.

Erwan Lecoeur

Erwan Lecoeur

Erwan Lecoeur, est sociologue et consultant en communication politique.

Il est l'auteur Des Écologistes en politique (Editions Lignes de repère, 2011)

 

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Atlantico : Que penser du succès d'Eva Joly et notamment de l'image qu'elle renvoie d'elle-même ?

Erwan Lecoeur : Il est intéressant de se pencher sur l’image qu’Eva Joly renvoie aux Français et aux écologistes. C'est une image particulière, liée à celle de la justice et d’une carrière reconnue. Elle représente la femme intransigeante, avec un grand sens morale et une éthique. C’est d’ailleurs cette image là que les gens affectionnent ou au contraire n’aiment pas. Les écologistes, depuis deux ans maintenant, ont choisi de projeter en elle une partie de leur propre volonté afin de remettre à plat un système qui leur semble injuste et qui, selon eux, déraille depuis quelques années.

Quels sont les atouts qui ont permis à Eva Joly de remporter la primaire d’Europe Écologie Les Verts face à Nicolas Hulot ?

Tout d’abord, Nicolas Hulot renvoie une image de quelqu’un qui a réussi dans un système médiatique et non dans la politique, ou la justice. Or le système médiatique, pour beaucoup d’écologistes, est un système corrompu puisqu’il ne permet pas de remettre en cause le monde, chose que les Verts font constamment.

La différence entre les candidats se trouvait dans le fait qu’Eva Joly a causé du tort aux puissants, notamment dans le cadre de son travail de juge lors de l’affaire ELF. Alors que Nicolas Hulot ne semblait pas intéressé par cette idée. Les sympathisants verts se sont sentis plus proches de la posture de combat d’Eva Joly que de la posture pédagogique de Nicolas Hulot.

La deuxième raison de sa victoire est un peu plus prosaïque. En effet, Eva Joly est arrivée au moment des élections européennes, qui furent un formidable succès pour les écologistes. Elle s’est intégrée dans une équipe déjà existante, et, au fur et à mesure elle a pris une place qui semblait être la sienne, celle d’une icône de la justice à côté d’autres icônes comme José Bové pour le courage ou Daniel Cohn Bendit pour l’Europe. Elle a su avec le temps convaincre les militants écologistes et puis par la suite les électeurs de cette primaire. Elle a profité de ces deux années au sein de cette équipe pour rencontrer les écologistes et les convaincre qu’elle pouvait apporter quelque chose. Nicolas Hulot s’est déclaré un peu trop tard, et n’a donc pas eu autant de temps pour convaincre les sympathisants et les cadres du parti, de son changement comme il l’affirme et de sa profonde conviction aujourd’hui de la nécessité du combat écologiste. Il n’a eu que deux mois.

Finalement était-elle la candidate naturelle et légitime d’Europe Ecologie Les Verts ?

Elle l’est devenue à partir du moment où elle accepté de devenir écologiste par sa porte d’entrée à elle. Cette porte d’entrée fut son combat contre les paradis fiscaux. Beaucoup de choses qui touchent à l’exploitation des ressources dans le monde sont liées à des détournements massifs de capitaux. Elle connaissait très bien ce dossier puisqu’elle travaillait pour la Norvège sur ce sujet. Elle est apparue comme étant l'une des meilleures spécialistes de ce sujet au sein même du parti.

Elle a par la suite appris le "parler écologiste" et a commencé à utiliser les expressions et revendications écologistes au fil des mois. Nous avons pu observer que sur le dossier du nucléaire ou des énergies renouvelables, elle est devenue très à l’aise puisqu’elle a très vite défendu avec verve ce pour quoi les écologistes se battaient. C’est pourquoi, elle a pu apparaitre au fil du temps comme la candidate naturelle des Verts.

Qu'en est-il de son positionnement politique ?

Il ne faut pas oublier qu’elle fut approchée par François Bayrou dans un premier temps. D’une certaine façon, il existe un électorat centriste, Modem, qui peut être intéressé par sa candidature. C’est d’ailleurs là-dessus que certains comptent.

D’un point de vue moral, elle va incarner l’éthique en politique et ce n’est pas négligeable puisque face à Nicolas Sarkozy, il faudra être fort et ne pas avoir de casseroles. Elle va probablement aller au-delà du giron écologiste. Des alliances sont fortement possibles, surtout si la campagne présidentielle se fait contre Nicolas Sarkozy qui est tout sauf une figure morale. Donc pourquoi pas une alliance avec le candidat socialiste qui gagnera la primaire, Martine Aubry, François Hollande ou Ségolène Royal ?

Quels pourraient être ses points faibles ?

L'un de ses principaux défauts c’est son expression orale qui n’est pas habituelle dans le champ politique français et qui peut gêner certains. Il y a aussi le fait qu’elle ait effectué une partie de sa carrière en Norvège. Marine Le Pen et son père se sont déjà exprimés sur ce sujet, de façon un peu grossière. D’autres seront peut-être tentés de reprendre l’idée qu’elle n’est pas tout à fait française même si elle possède la nationalité française et que la plupart de sa carrière s'est déroulée en France. Mais cet aspect peut constituer un défaut pour l’électorat de la droite dure.

Par ailleurs, c’est sa première campagne présidentielle, elle va donc s’exposer. Il va forcément y avoir des découvertes sur sa vie, sur sa manière de se comporter. Tout nouveau candidat est exposé à cette problématique. En même temps, ce sera le même problème pour Martine Aubry ou François Hollande qui sont eux aussi nouveaux à ce niveau-là de la politique française.

Quels sont les grands thèmes de son programme politique ?

Il y aura évidemment la sortie du nucléaire et des énergies renouvelables après la catastrophe de Fukushima. Sur cette question les écologistes sont les plus à la pointe et ils ont les meilleurs spécialistes en France sur ces dossiers. C’est pourquoi les écologistes vont pouvoir proposer des scenarii de sortie du nucléaire tout à fait crédibles. Eva Joly sera en position de force sur ce thème qui constituera un point important de la campagne présidentielle. Le deuxième point fort du programme d’Eva Joly, c’est ce que j’appelle la question de la transition. En effet, après la crise financière et ses conséquences qui sévissent encore aujourd’hui, se pose la question générale : existe-t-il une autre façon de faire ?

Les écologistes ont réussi depuis 2009, à faire entendre leur voix sur une conversion écologique de l’économie. Eva Joly a vraiment travaillé sur ce sujet, notamment avec le fondateur de Finance Watch. Elle sera capable de décliner cela, puisqu’au cours de sa carrière elle a compris et réussi à percer à jour la mécanique des grandes entreprises du CAC 40. Elle devrait être très forte sur ce sujet et réussira à démontrer des choses dans lesquelles d’autres hésiteraient à s’engager.

Pour finir, elle est l’incarnation de la morale en politique et j’imagine que ces conseillers vont tout faire pour orienter les regards des électeurs sur cet aspect de sa personnalité. Ce sont les trois grands axes sur lesquels Eva Joly est la plus en pointe et la plus crédible. 

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