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Affaires DSK : "En France, l'expression féministe est castrée"
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Femmes au bûcher

La féministe Isabelle Alonso analyse la manière dont ont été considérées en France les trois femmes concernées par les deux affaires DSK : Anne Sinclair, Nafissatou Diallo et Tristane Banon.

Isabelle Alonso

Isabelle Alonso

Isabelle Alonso est écrivaine et chroniqueuse hispano-française. 

Son dernier ouvrage intitulé "Je peux me passer de l’aube " est paru en septembre 2017 aux éditions Héloïse d'Ormesson.

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Atlantico : Chacune leur tour, Nafissatou Diallo et Tristane Banon ont été accusées d'être instrumentalisées et/ou de suivre des consignes dans l'affaire DSK, comme si elles n'avaient pas la possibilité de penser par elles-mêmes. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Isabelle Alonso : Il semble qu'aux yeux de certains de nos contemporains, n'importe quelle explication, aussi fantaisiste et incongrue soit-elle, apparait comme plus crédible que la simple parole d'une femme. Complots internationaux, machinations inextricables, les délires les plus irrationnels satisfont davantage que la simple constatation que les violences sexuelles existent, qu'elles sont quotidiennes, banales et mortifères. 

Quel regard portez-vous sur les trois femmes de l'affaire DSK (Nafissatou Diallo, Tristane Banon, Anne Sinclair), et sur la façon dont les médias et l'opinion publique les ont considérées ? Qu'est-ce que cela dit sur la condition des femmes aujourd'hui ?

D'abord que Diallo et Banon n'ont rien à voir avec Sinclair. Sinclair s'est donné le rôle de l'épouse parfaite, sacrifiée, résignée face aux tribulations de son mari mais prête à tout pour le défendre face au monde, à la justice et à l'opinion publique, c'est son choix et ça la regarde.

Les deux plaignantes, elles, se trouvent comme presque toujours dans ces cas là, en position d'accusée. Comme si un viol n'était concevable que sur une sainte vierge. Il faut pour porter plainte un courage démesuré, et je salue au passage le courage de Tristane Banon, seule contre tant de monde. Si elle lit ces lignes, qu'elle sache que nous sommes nombreuses à comprendre la difficulté de ce qu'elle entreprend. 

Quant aux proches de DSK, ils font un peu pitié : ils voudraient que cette affaire n'ait jamais existé et cherchent à la gommer... Une forme de déni presqu'enfantin, mais qui soulève une  question complexe: qu'attendons-nous du personnel politique? Jusqu'où peut-on accepter les contradictions entre les principes affirmés et leur trahison dans la vie dite privée, zone de non-droit qui cache tant de violences et d'injustice? Et pour autant, peut-on, comme parfois aux USA, à l'ombre de l'hypocrisie ambiante, ruiner une carrière sur une banale affaire d'infidélité ou des photos compromettantes dont tout le monde se fout? 

Alors que l'on envisage un retour de DSK en France, Sylvie Kauffmann, du Monde, a expliqué auNew York Timesqu'elle ne se pensait plus capable de voter pour lui, comme une grande part de l'électorat féminin selon elle. Qu'en pensez-vous ?

En politique, on ne sait jamais, mais il semble qu'ici on touche à quelque chose de profond, de secret, dans la mémoire collective féminine et j'ai tendance à considérer que oui, DSK est grillé auprès des femmes.

Des associations de femmes noires et de femmes de ménages ont manifesté leur soutien à Nafissatou Diallo. Que pensez-vous de ces mobilisations ? Pourquoi n'observe-t-on rien de similaire en France ?

Il y a eu mobilisation et manifestation en France. Mais il est clair que dans ce pays les femmes sont échaudées. Exprimer publiquement des opinions féministes est un exercice périlleux, et je parle en connaissance de cause... Il y a dans notre pays une juxtaposition d'un discours général, vague et imprécis affirmant des banalités du style "il y a encore du chemin", "il faudrait plus d'égalité" , "des injustices encore trop criantes", et une position de méfiance, de déni et de dérision dès qu'on aborde des détails précis ou des faits avérés. L'expression féministe est castrée, pas d'autre mot. 

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