L'échec d'une flottille aux buts inavouables<!-- --> | Atlantico.fr
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"Les participants à cette croisière médiatique auraient pu envoyer leurs médicaments et produits alimentaires par voie terrestre en toute légalité."
"Les participants à cette croisière médiatique auraient pu envoyer leurs médicaments et produits alimentaires par voie terrestre en toute légalité."
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Plouf

Retour sur la flottille humanitaire dont la route pour Gaza fut notamment bloquée en Grèce. Beaucoup d'hypocrisie et de non-dits, selon l'économiste Fabio Rafael Fiallo.

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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Voilà donc une flottille, ayant eu Gaza pour destination, qui n’aura pas pu aller au-delà des eaux grecques, mais dont les sillons politiques, en d’autres mots les leçons à en tirer, resteront ineffaçables, tellement la maladresse de ses promoteurs s’est avérée époustouflante.

Il fallait souffrir de myopie politique frisant la cécité pour ne pas comprendre que l’argument humanitaire invoqué par les promoteurs de la flottille – aider la population de Gaza – ne tenait pas debout. Et ce pour deux raisons différentes.

Une flottille aux buts hypocrites

D’abord, parce que, à la différence de l’année passée (quand leur show médiatique leur réussit), la frontière entre l’Égypte et Gaza est ouverte maintenant. Ensuite, et non moins important, parce que les marchandises à destination de Gaza transitent par Israël plus facilement que l’année passé. Dans ces conditions, si le but des promoteurs avait vraiment été d’améliorer les conditions de vie à Gaza, les participants à cette croisière médiatique auraient pu envoyer leurs médicaments et produits alimentaires par voie terrestre en toute légalité.

Par ailleurs, selon une dépêche de Reuters, près de 6 000 tonnes d’articles de première nécessité (comestibles, produits pharmaceutiques, essence) entrent actuellement chaque jour à Gaza via Israël [1] – en plus de ceux qui commencent à y arriver par la frontière égyptienne. La même dépêche se réfère au directeur du bureau de l’OMS à Gaza, Mahmoud Daher, qui attribue la pénurie de médicaments sur ce territoire à deux raisons principales : le fait que les autorités palestiniennes ne paient pas leurs fournisseurs dans les délais stipulés ; et le manque de coopération entre les autorités sanitaires de Gaza et celles de la Cisjordanie. Ce n’est donc pas la faute d’Israël.

Rien d’étonnant que le Secrétaire général des Nations unies ait déclaré plus d’une fois que le transport de l’aide aux Palestiniens peut et doit se faire par la route et non pas au moyen de flottilles [2].

Mais les indignés professionnels ne l’entendaient pas de cette oreille, car leur but, le vrai, le seul, consistait à diaboliser un blocus maritime de Gaza qu’Israël s’est vu obligé d’instaurer afin d’empêcher le Hamas d’acheminer des armes destinées à lancer des attaques terroristes contre la population d’Israël. Quel pays, démocratique ou autre, soucieux d’assurer l’intégrité physique de ses citoyens, agirait différemment ?

Avec leur embardée médiatique, les promoteurs de la flottille ont ramé à contresens de l’histoire. D’un, ils n’ont pas compris que les peuples arabes qui manifestent contre leurs oppresseurs pourront leur tenir rigueur pour avoir essayé de détourner l’opinion et les médias internationaux de leur lutte à un moment où celle-ci est à son pic. De deux, ce qui est encore pire, ils n’ont pas compris que les propres Gazaouis ont à l’heure actuelle d’autres soucis, et d’autres priorités, qu’accueillir une flottille contre Israël : ils donnent des signes clairs de souhaiter emboîter le pas de leurs voisins arabes en tentant de se débarrasser de la férule du Hamas.

Israël, Syrie : une indignation à géométrie variable

En effet, au mois de mars dernier, les Gazaouis ont manifesté par milliers pour demander la tenue des élections que le Hamas – sachant par les sondages que l’issue lui en serait défavorable – essaie de renvoyer aux calendes par tous les moyens. Des élections sont certes prévues d’ici à un an, mais rien ne dit que le Hamas jouera le jeu à moins d’être mis sous une pression considérable. Quoi qu’il en soit, l’embryon de Printemps arabe dans la bande de Gaza, le Hamas l’a étouffé dans la répression et dans le sang. Ce qui a amené Ayman Shaheen, professeur à l’université Azhar de Gaza, à déclarer que « le Hamas est pire que Moubarak » [3]. Aussi, organiser une flottille cette année ne pouvait qu’être une pitoyable manœuvre de diversion favorable au Hamas.

Pour toutes ces raisons, quand on lit dans Rue 89 qu’« Israël perd la bataille de l’image face aux pro-palestiniens », on ne peut se dire que la myopie politique n’est pas le seul apanage des promoteurs de la flottille ; elle affecte aussi les médias qui leur font la publicité.

Si les indignés professionnels souhaitaient réellement faire avancer l’histoire dans le sens du respect des droits de l’homme, pourquoi n’organisent-ils pas une flottille pour la Syrie, où l’on tue sans ménagement des dizaines de manifestants sans défense par semaine ? Mais non, contre la Syrie on se contente dans le meilleur des cas de monter un piquet de protestation en face de l’ambassade de ce pays dans quelque capitale européenne, cependant que l’on envoie toute une flottille contre Israël. Autrement dit, les indignés n’osent pas aller titiller sur place le pouvoir syrien.

Et pour cause : l’accueil en Syrie serait bien plus musclé, et c’est un euphémisme, qu’un simple refus d’entrée comme le font les autorités israéliennes (à moins, bien entendu, que ces dernières soient confrontées à une provocation armée, comme ce fut le cas l’été passé lors de l’arraisonnement du bateau Mavi Marmara). Que l’indignation fut facile, et même couarde, chez les organisateurs de la flottille avortée contre Israël !

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[1] Nidal al-Mughrabi, « Gaza shelves stocked ; but hope in short supply », Reuters, 30 juin 2011.

[2] « Government officials against the flotilla », NGO Monitor, 29 mai 2011.

[3] « Not immune », The Economist, 26 mars 2011.

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