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Un migrabt sur la route, au Maroc.
Un migrabt sur la route, au Maroc.
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La paille dans l'oeil du voisin...

Le débat sur la double nationalité intrigue le Maghreb. Elle y est considérée comme un acquis historique. Mais, paradoxalement, les pays du Maghreb sont les premiers à ne pas accorder la binationalité à leurs immigrés d'Afrique subsaharienne.

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui est directeur général du cabinet de communication d'influence Guepard Group.

Il est l'auteur du livre Intelligence Economique et guerres secrètes au Maroc (Editions Koutoubia, Paris).

 

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« Ils sont fous ces français » semblent dire depuis quelques semaines les Maghrébins au vu du débat qui fait rage dans l’hexagone sur la double nationalité. En effet, côté sud de la Méditerranée, il n’y aurait tout simplement pas matière à débat… ou presque, tant la double nationalité est considérée comme un « acquis » historique sur lequel il serait inutile  de se pencher.

Un acquis historique

Historiquement, la binationalité en France est issue d’une longue tradition qui est la résultante d’une triple pression : le poids de l’histoire (la colonisation), les exigences de l’économie (la main d’ouvre bon marché), et enfin, à une échelle moindre, le souci de renforcer la vitalité de la démographie. A l’heure où  les souvenirs de l’ « empire » français s’estompent, que les besoins en main d ‘œuvre s’amenuisent, et que le taux de natalité français est devenu le plus dynamique d’Europe, il était quasi naturel que le débat refasse surface, de surcroît à un an de l’élection présidentielle.

Au-delà de la levée de boucliers qui a immédiatement suivi le pré-rapport de Claude Goasguen ou les saillies aux relents nauséabonds de l’extrême droite sur le sujet, les Maghrébins sentent que se met en place progressivement  l’un des sujets majeurs de la future campagne présidentielle , qui est devenu un thème récurrent en France: la question du rapport à l’ « autre ». Dans le cas d’espèce, il ne s’agit pas de n’importe quel « autre », puisque les Maghrébins ont bien compris que le débat sur la bi-nationalité d’adresse à eux en priorité, l’immigration d’origine européenne, plus ancienne et moins « clivante » culturellement, n’étant concernée par le sujet que de manière très marginale.

En réalité, les Maghrébins sentent presque qu’on leur demande de se déterminer, de « choisir leur camp », comme s’ils n’avaient pas encore atteint la maturité qui leur permettrait d’être multiples. Or, dans un climat régional chamboulé par le « printemps arabe », et avec la recrudescence de l’immigration clandestine, la question de la binationalité place aussi les pays de la rive sud de la Méditerranée face à leurs propres contradictions.

Les contradictions du Maghreb 

En effet,  les pays du Maghreb devraient être confrontés assez rapidement à la question de leur propre positionnement sur la question, étant devenus ces dernières années des terres d’accueil pour des populations immigrées d’origine subsaharienne. Ces dernières -n’ayant souvent pas réussi à  atteindre l’Europe- se fixent désormais de plus en plus dans ce qui devait être à l’origine des zones de transit. Elles y travaillent, y apportent leur culture et la force de leur diversité, s’y marient et y fondent des familles, mais elles n’ont quasiment aucune chance d’acquérir la nationalité marocaine, algérienne ou tunisienne. C’est là un paradoxe éminemment cocasse : les pays du Maghreb sont de grands pourvoyeurs d’émigration  -avec une communauté établie à l’étranger qui compte parfois près d’un sixième de leur population totale- mais ils constituent aussi des pays dont il est quasi impossible d’acquérir la nationalité,  si ce n’est par le droit du sang.

Partagés entre leur  volonté ouvertement affichée de conserver la binationalité lorsqu’ils sont établis à l’étranger, et refusant ce même droit aux nouveaux migrants qui rejoignent leurs pays, les Maghrébins pensent dans leur majorité que le temps est venu que la question migratoire-qui est à l’origine du débat sur les binationaux- soit enfin adressée de manière sérieuse par l’Union Européenne. La France semble aujourd’hui la seule à pouvoir jouer un rôle moteur sur ce sujet, et aurait tout intérêt à l’assumer. En effet, il semble aujourd’hui futile  de vouloir apporter une réponse aussi conjoncturelle que la limitation des nationalités à un problème aussi fondamental et structurel que le devenir des migrations entre les deux rives de la Méditerranée.

C’est là un sujet de fond qui risque de moins passionner les foules, mais qui aurait l’avantage de montrer qu’il est possible d’assumer un leadership sur les questions migratoires sans sombrer dans des clichés que les maghrébins rejettent. En effet, peu d’entre eux se reconnaissent dans cette France qui s’« américanise » avec l’évocation par certains de la mise en place d’une cérémonie de serment patriotique qui permettrait d’affirmer son appartenance à la nation. Lorsque l’on partage les mêmes valeurs, il n‘est nul besoin de prêter serment, la force du lien est largement suffisante.

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