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Mensonges et innocences : 
Loïc Sécher, DSK, même combat ?
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Justice

Qu'il y ait à première vue peu de points communs entre Loic Secher et Dominique Strauss-Kahn est entendu. Mais l'un et l'autre ont été confrontés aux fourches caudines de la machine judiciaire, française pour l'ouvrier agricole, américaine pour l'ex-directeur du FMI. Et les enseignements croisés sont riches.

Aurélien Hamelle

Aurélien Hamelle

Aurélien Hamelle, 32 ans, est avocat au barreau de Paris, associé du cabinet Metzner Associés, spécialisé en droit pénal des affaires et droit pénal.

Il est l’auteur d’un essai sur le thème de la justice pénale, Faut-il vraiment durcir la justice ? (JC Lattès, 2009).

 

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Que n'a-t-on dénoncé, ces dernières semaines, la brutalité du système judiciaire américain qui a propulsé plus bas que terre un homme qui était pourtant l'un des grands ordonnateurs de notre planète. En 24 heures, en effet, DSK a été traité comme un dangereux criminel, arrêté tel un fugitif - qu'il n'était d'ailleurs très vraisemblablement pas - dans un vol pour Paris, livré menotté à la furie des objectifs, puis accablé d'une poursuite pénale et d'un contrôle judiciaire dont on ne sait lequel était le plus sévère des deux.

DSK aura été privé de sa liberté 6 jours. 6 jours de trop évidemment.

Ce sont 7 années de privation qui ont été réservées à l'ouvrier agricole anonyme, traité avec une triste banalité comme un violeur ordinaire, dans une affaire ordinaire, dans une France ordinaire.

Depuis la semaine dernière, Loic Secher est officiellement innocent, réhabilité avec les douces excuses de la République, l'affirmation haute et forte que son acquittement est non pas le fruit de doutes mais d'une innocence certaine. DSK est lui aussi innocent - présumé mais pas encore déclaré - et pourrait bientôt être assuré de le rester.

Au delà des drames individuels, que reste-t-il de ces affaires croisées?

Une justice américaine aussi prompte à accuser avec une violence folle qu'à reconnaitre ses erreurs, avant qu'il ne soit trop tard. Une justice française, tel un paquebot lancé sur son erre, poussif au démarrage et que des années seules peuvent conduire à se remettre en question.

Suis-je le seul à regretter bien plus amèrement la violence cachée d'une justice française apparemment si prudente que la clairvoyance incisive d'une justice américaine en apparence brutale et impatiente ? Comment ne pas voir que notre système judiciaire a bien du mal à avouer qu'il s'est trompé en raison d'un orgueil institutionnel tellement incompatible avec toute l'humilité qui doit présider au jugement des accusés ? Je ne prétends pas ici que le système américain serait parfait, tant s'en faut et l'affaire DSK en est un triste exemple, mais je sais pour l'avoir pratiqué qu'il fonctionne par la confrontation des différentes vraisemblances en présence et non par la recherche utopique de la Vérité.

Mieux vaut une justice qui se trompe fort mais peu de temps

Le problème est bien là : la loi française et notre culture judiciaire orientent toute la procédure pénale vers la "manifestation de la vérité". Cela est infiniment prétentieux. Nous devrions savoir que la vérité n'est que de deux ordres: intérieure ou spirituelle. Entre les deux, c'est-à-dire dans l'espace humain que nous appelons société, il est impossible de prétendre à la Vérité. L'oubli, la honte d'avouer une faute même légère, l'appât du gain, les liens personnels entretenus avec la victime supposée ou l'accusé, la malveillance ou encore la soumission à l'autorité sont autant de racines pour des témoignages erronés ou faux.

La vérité est une utopie et sa recherche acharnée conduit à accorder trop d'importance à l'émotion que suscite légitimement une personne qui se dit victime. Il n'y a en effet rien de plus sacré qu'une victime dans la société française post-guerrière et, puisque rien ne différencie en apparence une victime autoproclamée d'une véritable victime, l'une comme l'autre bénéficieront du même crédit de sympathie, du législateur avec ses "lois compassionnelles" au juge en passant par notre Président de la République qui cherche à protéger celles-ci toujours un peu plus.

Que nous disent les affaires croisées de Loic Secher et de Dominique Strauss-Kahn : qu'il vaut mieux une justice qui se trompe fort mais peu de temps, à une justice qui se trompe doucement et patiemment. A quoi mesurer cela me dira-t-on ? Et bien aux 6 ans et 358 jours de détention qui séparent les deux personnes qui ont ceci de commun qu'elles nous invitent à  réfléchir à ce que les acteurs judiciaires pourraient et devraient mieux faire, des deux cotés de l'Atlantique. Car si la justice française a brisé la vie de Loic Secher à petit feu, la justice américaine a jeté Dominique Strauss-Khan sur les buchers ardents du tribunal médiatique planétaire avec une célérité coupable.

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