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La Chine bientôt en Afghanistan ?
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Géopolitique

Le début du retrait américain d'Afghanistan pourrait rebattre les cartes en Asie. Même si le pays n'est pas stratégique d'un point de vue économique, la Chine a souhaité une transition "pacifique et stable" à Kaboul et pourrait en profiter pour étendre son influence dans la région.

Claude Meyer

Claude Meyer

Claude Meyer, conseiller au centre Asie de l'IFRI (Institut français des relations internationales), a enseigné l'économie et les relations internationales à Sciences Po. Docteur en économie, diplômé en philosophie, sociologie et études asiatiques, il a publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels : "La chine, banquier du monde" (Fayard, 2014) et L'occident face à la renaissance de la Chine (Odile Jacob, 2018).

 

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Atlantico : La Chine pourrait-elle profiter du retrait occidental d'Afghanistan pour y étendre son influence ?

Claude Meyer : Remettons les choses en perspective sur la situation chinoise en Asie : ses deux fondamentaux sont la stabilité et la domination économique et stratégique.

En Asie, elle se heurte pour l'instant aux Etats-Unis, qui sont alliés avec la Corée du Sud au Nord, avec la Thaïlande, Singapour et les Philippines au Sud-est, avec Taïwan à l'Est et avec l'Inde et le Pakistan au Sud-ouest. Mais elle reste pour l'instant favorable au statu quo, car elle n'est pas en mesure d'assurer seule la sécurité, et donc la stabilité, en Asie. Les seules actions offensives de la Chine concernent pour l'instant la Mer de Chine, qu'elle considère comme sa mare nostrum : c'est pour cela qu'elle développe sa flotte.

La seule zone qui n'est pas totalement sous contrôle américain, c'est l'Asie Centrale : grâce à l'Organisation de Coopération de Shanghaï, la Chine a beaucoup d'influence dans la région, et notamment sur le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan. Elle est intéressée par leurs ressources naturelles, mais elle craint une contagion du terrorisme sur le Nord-est de son territoire, qui abrite des minorités musulmanes. En effet, même si elle n'est a priori pas menacée par les djihadistes, car ils ne peuvent lui reprocher aucune ingérence dans leurs affaires intérieures, elle est contrainte de faire respecter l'ordre dans ses provinces du Nord-est, et on l'a vu dernièrement avec la répression.

La détérioration de la relation américano-pakistanaise pourrait également renforcer l'alliance entre Pékin et Islamabad face à l'Inde, ce qui pourrait lui permettre d'étendre son influence sur l'Afghanistan.

Pourtant, contrairement aux autres Etats d'Asie Centrale, l'Afghanistan présente moins d'intérêt pour la Chine, car il a peu de ressources naturelles et son économie ne pèse pas grand chose. Tout dépend en fait de l'évolution politique du pays, car si le terrorisme reste important, la Chine ne devrait pas prendre le risque de s'y aventurer pour si peu de gains.


La politique étrangère chinoise est-elle uniquement dictée par des intérêts économiques ?

La légitimité même du Parti communiste chinois n'est plus idéologique, mais basée d'une part sur le progrès du bien-être des citoyens et d'autre part sur l'affirmation sur la scène mondiale. La politique régionale n'est donc pas un objectif en soi, mais entre dans le cadre de cette stratégie mondiale : la Chine veut retrouver la place qui était la sienne.

Du point de vue économique, la Chine est soumise à une triple dépendance qu'on oublie souvent : les ressources naturelles, les marchés pour les débouchés et les technologies. Il lui est donc essentiel de développer des partenariats économiques dans sa politique internationale : on voit qu'elle diversifie ses exportations vers l'Amérique Latine, et signe des contrats à long terme d'approvisionnement en ressources naturelles.

Du point de vue stratégique, la Chine refuse l'hyper puissance américaine et plaide pour un multilatéralisme, notamment au niveau de l'hégémonie du dollar et de son rôle dans les institutions internationales, FMI en tête. Elle se considère comme le porte-parole de l'Asie et des émergents au Conseil de Sécurité de l'ONU. La confrontation modèle contre modèle avec les Etats-Unis va de toute façon venir d'ici dix ou vingt ans, mais ce pan idéologique peut parfois entrer en conflit avec ses impératifs économiques, qui imposent parfois de nouer des partenariats avec des régimes peu recommandables (Soudan, Cambodge...).

La situation en Asie Centrale pourrait devenir explosive, avec trois puissances nucléaires qui investissent la région (Chine, Inde, Pakistan), et une Chine qui pourrait devenir interventionniste...

Pour l'instant, la politique militaire de la Chine est censée être exclusivement défensive : jamais elle n'utilisera l'arme nucléaire en première frappe. En cas de conflit régional, il est envisageable qu'il y ait des affrontements "préventifs", et on l'a déjà vu avec le Vietnam et l'Inde.

La Chine est obsédée par la stabilité, mais en raison des humiliations qu'elle a subi par le passé, elle est absolument intraitable sur les questions d'intégrité territoriale. Tout ce qui touche aux frontières est ultra-sensible. Il reste quelques conflits territoriaux avec l'Inde, mais ils ne sont pour l'instant pas de nature à déclencher un conflit.

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