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Les candidats à l'Elysée 
devront-ils être drôles pour convaincre ?
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Private joke

Laurent Fabius récompensé par le "Press Club" pour l'une de ses blagues, l'humour corrézien de Jacques Chirac agitant le monde politique pendant tout un week-end... Et si les traits d'esprit devenaient une arme électorale décisive ?

Bruno Fuligni

Bruno Fuligni

Bruno Fuligni est écrivain, historien, maître de conférences à Sciences Po et auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire politique de la France. Il est l'auteur de "Le Monde selon Jaurès. Polémiques, réflexions, discours et prophéties" (Tallandier, février 2014). Il a aussi porté les discours de Jaurès à la scène avec ses pièces "La Valise de Jaurès" et "Quelle République voulons-nous ?"

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Atlantico : Sur quoi l'humour politique porte-t-il principalement ?

Bernard Fuligni : L'auto-dérision n'est pas ce qui est le plus répandu chez les politiques, qui ont souvent pour objet de se valoriser. En revanche, pour qualifier un contexte ou titiller un adversaire, ils sont assez forts. L'humour peut aussi permettre de dédramatiser une situation : si un homme politique est mis sous pression par la presse, l'humour va lui donner un échappatoire, un répit.


L'humour ne tue-t-il pas la crédibilité politique ?

Bien évidemment, il ne faut pas en abuser : un politique qui multiplierait les vannes aurait l'air d'un personnage peu sérieux. En revanche, qu'un homme politique ait de temps en temps un petit mot d'esprit bien ajusté ou parvienne à se tirer d'une situation difficile par une pirouette ne peut être que bénéfique. Cela montre que c'est un homme comme les autres, et que c'est quelqu'un qui a une certaine richesse intellectuelle, au-delà des préoccupations de politique politicienne.

Il faut voir aussi que l'humour est une arme politique : cela peut être une façon de dire les choses sans les dire, d'attaquer avec élégance un rival. Cela ne date d'ailleurs pas d'hier : Clemenceau et Edgar Faure étaient des hommes d’État, mais savaient manier l'humour au gré de leurs intérêts.


Le contexte plus "grave" de la campagne 2012 pourrait-il conduire les politiques à limiter l'utilisation de l'humour ?

L'humour est de tous les temps : on en a même fait pendant la Seconde Guerre mondiale. Au contraire, plus le contexte est tendu, plus l'humour peut être payant, en donnant une lueur d'espoir et de plaisir. Après, c'est une question de tact : il faut toujours faire attention à ne pas outrepasser le mot d'esprit pour tomber dans l'injure.


Être récompensé par le prix "Humour et politique" est-il une bonne ou une mauvaise nouvelle pour un homme politique ?

Cela dépend, car le Press Club salue indistinctement l'humour volontaire et l'humour involontaire. Il peut être très valorisant de venir chercher un prix pour un mot d'esprit qui a fait rire la France entière, comme Laurent Fabius, qui a remporté cette année de concours avec la phrase « Mitterrand est aujourd’hui adulé, mais il a été l’homme le plus détesté de France. Ce qui laisse pas mal d’espoir pour beaucoup d’entre nous… ». Il n'y a aucune honte pour un homme politique à avoir de l'humour, bien au contraire.

C'est plus gênant si l'on est nominé pour une bourde, un lapsus ou une énormité : en général, ils ne viennent pas à la cérémonie, mais il y a eu une exception cette année, car Frédéric Lefebvre est venu pour sa nomination avec « Zadig et Voltaire ».


L'humour ne peut-il pas être vu comme une sorte de suffisance, et nuire à son auteur ?

Il y a une distinction à faire entre l'humour et la dérision : la dérision, c'est rendre quelqu'un grotesque ou ridicule. L'humour est plus subtil, car il ne sape pas forcément son objet. Vous pouvez faire de l'humour en restant très correct et respectueux : il s'agit de prendre une forme de recul ou d'altitude par rapport à une problématique, et de provoquer le rire par le décalage.

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