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Contador pendant l'entraînement aux Herbiers, la veille du départ.
Contador pendant l'entraînement aux Herbiers, la veille du départ.
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Les patrons du Tour

C'est ce que pensait Paul Ramadier, alors ministre des Finances. L'anecdote est rapportée par Jean-Paul Ollivier, célèbre commentateur du Tour de France à moto. Samedi, il est reparti pour une 37e édition avec France 2. Dans son dernier livre "Paulo la Science", il revient sur sa carrière de journaliste sportif qui s'invite chaque été dans notre salon. Extraits.

Jean-Paul Ollivier

Jean-Paul Ollivier

Jean-Paul Ollivier commente le Tour de France sur France 2 où il a notamment été reporter sur une moto durant les étapes du Tour dans les années 80 et 90 avant d'entrer dans la cabine des commentateurs en 2001 où il est l'historien du tour.
Il est auteur de nombreux livres sur le cyclisme dont Paulo la Science.

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J’ai toujours entretenu d’excellentes relations avec les directeurs du Tour de France : Goddet, Lévitan, Leblanc, Prudhomme. Celui avec qui j’ai noué le plus de contacts était Félix Lévitan. De temps en temps, lors d’une présentation, il m’appelait à ses côtés, mais en coulisses, afin que je fasse office de documentaliste pour lui rappeler quelques dates ou quelques victoires d’étapes. Un jour d’octobre 1984, lors d’un voyage en avion Paris-Lorient, alors qu’il m’avait convié à venir, à Vannes, assister à la signature de la convention liant la société du Tour de France à la cité des Vénètes, lieu de départ duTour de France de l’année suivante, je lui disais qu’il allait peut-être essuyer quelques critiques de la part de Bretons un peu chagrins de ne pas avoir d’étape du Tour chaque année. Il me répondit :

– Cher Jean-Paul, je reste fidèle à une pensée de d’Alembert…

Et il ouvrit son portefeuille, sortit un papier quadrillé, avec un écrit rédigé au crayon et s’effaçant doucement sous l’action dissolvante du temps. Il devait séjourner depuis bien longtemps dans son portefeuille élimé. Je l’arrêtai aussitôt et le rassurai :

– Je connais la citation, Félix, je l’ai déjà entendue de votre bouche et je vais vous la réciter : “Si la critique est juste et pleine d’égards, vous lui devez des remerciements et de la déférence. Si elle est juste sans égards, de la déférence sans remerciements… Si elle est outrageante et injuste, le silence et l’oubli."

– Quelle mémoire ! me dit-il.

Félix Lévitan, c’était la rigueur. Grâce à son action entreprenante, le Tour de France a pris du volume. Il a encaissé les coups, parfois seul, mais toujours a su faire face, sachant qu’au bout de la route, le chemin serait finalement allègre et fécond. Qu’elles s’inspirent de la passion ou de l’intérêt, ses décisions n’étaient pas faites pour plaire. Il me disait souvent que “la fantaisie, il la mettait dans ses cravates” et que, maniant un budget qui dépassait – à la fin des années 1980 – le milliard de centimes, il ne pouvait jouer les phénix, tout au plus était-il Félix, travailleur infatigable, cherchant à faire du Tour de France un modèle d’organisation.

On le traitait d’affairiste. Il savait – mais s’en étonnait toujours – qu’il irritait, déconcertait et s’il ne cherchait pas à être aimé, déplorait d’être craint. Si remarque lui en était faite, il prenait alors son allure grave et compassée, se flattant au passage qu’un jour, Paul Ramadier, ministre des Finances du pays, ait dit en période de crise sociale :

– Faites des économies sur tout, sauf sur le Tour de France.

En 1987, une polémique, surgie au sein de la société du Tour, allait l’écarter de la direction de la grande épreuve. Blessé dans son orgueil et devant l’injustice de la sentence, il intenta procès sur procès à la société. Il les gagna tous sans exception. C’était un Monsieur, mon ami Félix.

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Extraits de Paulo la Science, de Jean-Paul Ollivier, Editions Palantines (Mai 2011)

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