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L'euro, une prison... mais protectrice
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Bouclier percé ?

Les pays de la zone euro s'en seraient-ils mieux sortis sans l'euro ? La croissance insolente de la Suède et du Danemark le laisse penser. Mais les choses sont un peu plus compliquées, et c'est sans compter sur le rôle protecteur de la monnaie unique.

Jacques Delpla

Jacques Delpla

Jacques Delpla est économiste, professeur associé à l'université de Toulouse. 

Il est l'auteur de Le partage des fruits de la croissance (La documentation française, 2009), et La fin des privilèges : payer pour réformer (Hachette Littérature 2007).

 

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Est-ce que le fait d’appartenir à la zone euro protège de la crise ?

Avant de passer à l’idée de la protection, il faut d’abord se demander si l’euro n’a pas favorisé la crise au départ.  La réponse n’est pas si évidente que cela.  On sort de la plus grande crise de la dette de l’histoire de l’humanité.  Il y a eu beaucoup trop de crédits donné partout : que ce soit en dehors de la zone euro (l’Islande, l’Europe centrale), ou à l’intérieur.

Là où on peut dire que l’euro a favorisé la bulle à l’intérieur de l’Europe, c’est que l’Allemagne a été favorisée par l’euro pour ses exportations – beaucoup moins chères que si elle était restée avec le Deutsche Mark – pendant que des pays comme l’Irlande, l’Espagne ou le Portugal ont emprunté plus qu’ils n’auraient pu le faire sans l’euro.

Le drame de ces pays, qui n’avaient pas de crédibilité financière avant de rentrer dans l’euro, c’est qu’ils se sont retrouvés avec la crédibilité de l’Allemagne. Et comme ils n’avaient encore jamais été capables d’emprunter beaucoup et à taux réduit sur les marchés internationaux, ils ont rejoué la cigale et la fourmi… en reprenant le rôle de la cigale.

Tous les économistes américains s’en étaient alarmés, mais il est très compliqué de dire à un pays de mettre des noisettes de côté quand tout va bien. Ils ont emprunté pour faire une bulle immobilière, ce qui ne sert à rien. Je me rappelle être allé en Espagne en 2005, au lendemain du référendum sur la constitution européenne. On avait dit aux autorités espagnoles : « Mais vous êtes fous à lier avec votre bulle immobilière ! » Ils étaient dans le déni absolu. Et regardez aujourd’hui, toutes ces maisons construites dont ils n’avaient pas besoin.

Normalement, ils auraient dû se servir de ces taux d’intérêt bas pour réduire leur dette et/ou investir dans des dépenses d’avenir, et ils ont préféré créer de la dette publique. C’est une erreur politique considérable. De leur part à eux, mais aussi des banquiers, et de ceux qui surveillaient la politique monétaire depuis Bruxelles et Francfort.

Et une fois que la crise de la dette a éclaté, l’appartenance à la zone euro s’est-elle avérée protectrice ?

Il y a des désavantages à être dans l’euro. On ne peut pas dévaluer et reporter sur les autres. Mais le gros avantage, c’est que ça force à la solidarité. C’est-à-dire que si on refinance aujourd’hui la Grèce, ce n’est pas tant pour faire plaisir à BNP-Paribas ou aux autres banques françaises et allemandes. Elles pourraient très bien vivre avec un défaut grec et je vois mal Sarkozy et Merkel mettre leur popularité en jeu pour les beaux yeux des actionnaires. La vraie raison, c’est que si les Grecs font défaut, ils sont dans la pratique forcés de quitter la zone euro. Si ça arrive à la Grèce, les gens vont retirer tout leur argent des banques du Portugal et vont le mettre à Francfort ; personne ne va vouloir refinancer la dette portugaise, et tout va s’effondrer. Idem à Madrid. Ensuite, il y a une bonne chance que ça arrive aussi en Italie et en Belgique. Le vrai sujet, c’est que si la Grèce tombe, c’est toute l’Europe qui tombe.

En un sens, c’est ça qui va protéger la Grèce. Mais ça va être du « Réforme toi, et nous t’aiderons à te réformer ». Ils ne peuvent pas rester dans la zone euro avec l’état de leur économie, de leur compétitivité et du paiement des impôts. Ils ont voulu se payer un Etat-providence à la danoise avec des impôts américains. Il faut qu’ils choisissent. Le contrat est extrêmement clair : « Si vous voulez continuer comme avant, ciao » Et c’est pareil pour l’Irlande, l’Espagne et le Portugal.

L’appartenance à la zone euro va forcer tous les pays de la périphérie européenne à se réformer massivement dans les dix prochaines années. Même si personne n’en a envie.

Parallèlement, la très bonne santé de la Suède ou du Danemark pourrait laisser penser que les pays européens hors zone euro s’en sortent mieux…

La Finlande va aussi très bien, et elle est dans l’euro ! La question, c’est que le modèle des pays scandinaves est le seul qui marche bien dans le monde. Ils sont très libéraux et efficaces dans leur production de richesses – quand Saab va mal, ils ne lui donnent pas un centime – et d’un autre côté ils ont un Etat-providence qui marche très bien. C’est aussi valable au Danemark, qui n’est pas dans la zone euro, mais qui y est dans la pratique car son taux de change est complètement scotché à celui de l’euro. 

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