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André Glucksmann : 
« Vive l’athéisme politique ! »
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Zone franche

Les nouveaux maîtres-penseurs ? Ils vous suggèrent d'oublier les dogmes et de penser par vous-même.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Je repose le dernier opus d’André Glucksmann sur la table du salon après l’avoir dévoré et j’en suis tout retourné : ce type est entré dans ma tête, y a piqué quelques-unes de mes meilleures idées, en a fait un bouquin (en réalité, une longue intro suivie d’articles publiés un peu partout ces dernières années) et voici qu’il s’apprête à récolter les lauriers qui me sont dus…

Mais j’ai décidé de ne pas faire la gueule trop longtemps parce que mes idées, qui sont donc aussi les siennes, plus il y a de monde à les partager, mieux c’est. De fait, j’aurais écrit le livre moi-même, il aurait manqué d’anecdotes piquantes sur Poutine et Medvedev ou de background sur la Tchétchénie et personne n'en aurait voulu.

Non, vraiment, il valait mieux que ce soit lui qui fasse le boulot.

Et que raconte-t-il exactement, cet ancien « mao » passé de la promotion du Grand Bond en avant au vote Sarkozy en 2007 ? En gros, qu’au soir d’une vie presque entière passée à philosopher (il commence à prendre de la bouteille), il lui paraît temps d’envoyer les dogmes au pilon. De se débarrasser des mécanismes proprement religieux dont découlent, en France, les appartenances politiques.

Être  «de gauche », être  « de droite », au-delà de la dimension bêtement topologique de ces concepts (si les opposants au veto royal de la constituante de 1789 s’étaient installés de l’autre côté de la pièce, Mélenchon revendiquerait fièrement son appartenance à l’extrême droite), ce n’est plus avoir des « valeurs » mais plutôt adopter une sorte de corpus idéologique livré en kit prêt-à-monter façon étagères Ikea ― avec ses grandes dates, ses grands hommes, ses grandes citations...

Le « discours fondateur » de Bures-sur-Yvette

Ce paquetage de base sur le dos, vous voici d'ailleurs en mesure d’entamer à peu près n’importe quel disputatio avec un type du camp d’en face, de l’évolution des effectifs d’enseignants du primaire à la stratégie énergétique de la France dans le contexte de l’après-Fukushima, Jaurès ou de Gaulle (qui sont un peu les Saint Augustin du domaine) ayant forcément dit un truc confortant votre argument dans leur « fameux discours fondateur » de Pézenas ou de Bures-sur-Yvette.

Glucksmann s'amuse ainsi du débat qui agite la population de Clochemerle dans le roman éponyme de Gabriel Chevallier, l’installation d’une pissotière dans un patelin de province étant, à tout prendre, un sujet tout aussi valable d'en appeler aux mânes des anciens que la décision de faire la guerre à Ben Laden ou de réformer l’université...

Bon, vous pouvez toujours essayer de sortir du jeu en décidant que vous ne serez désormais « ni de gauche ni de droite » ― en termes de kit Ikea s'entend. Mais cette échappatoire n'en est pas une, puisqu'elle signifie que vous êtes en réalité « de droite » (c’est comme ça, on n’y peut rien, c’est une loi naturelle).

Glucksmann le sait bien, qui s’est retrouvé excommunié pour avoir estimé qu’on pouvait à la fois approuver Sarkozy lorsqu’il défend Géorgiens ou Libyens et lui dire son fait lorsqu’il transforme 15 000 Roms en autant de boucs émissaires. C’est juste un exemple : il en a d'autres sur lesquels il s'étend davantage, mais nous sommes tombés d’accord sur l’idée qu’il ait écrit le livre plutôt que moi et je ne vais pas paraphraser 200 pages pour vous faire économiser quelques euros...

Ultime preuve de son souhait de se placer hors-usinage, l’auteur de « La cuisinière et le mangeur d’hommes » (j’ai une affection particulière pour ce bouquin que j’avais prétendu avoir lu à 15 ans pour épater une nana qui ne savait même pas qui était Glucksmann. Je ne l’ai toujours pas lu depuis) publie son manifeste d’athéisme politique chez un éditeur spécialisé dans les ouvrages cathos. Hé hé, c'est bien un coup à être excommunié une seconde fois, ça...

« La République, la pantoufle et les petits lapins »,  André Glucksmann, Desclée de Brouwer, 210 pages, 17,90€

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