Philippe Alexandre : "La dame des 35 heures n'a pas changé"<!-- --> | Atlantico.fr
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Philippe Alexandre : "Ce qui est inquiétant pour le pays c’est que Martine Aubry n’a pas vraiment le sens de la négociation"
Philippe Alexandre : "Ce qui est inquiétant pour le pays c’est que Martine Aubry n’a pas vraiment le sens de la négociation"
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Primaires socialistes

Martine Aubry était jeudi soir l'invitée de la nouvelle émission politique de TF1. Elle rattrape peu à peu François Hollande dans les sondages et pourrait être la candidate socialiste pour 2012. Mais pour le journaliste Philippe Alexandre qui lui avait consacré un livre très critique "La Dame des 35 heures", la Première secrétaire du PS a toujours "un problème de relation avec les gens".

Philippe Alexandre

Philippe Alexandre

Philippe Alexandre est journaliste et écrivain.

Il a travaillé notamment pour le journal Combat, RTL, ou TF1.

Son ouvrage polémique La Dame des 35 heures (écrit en collaboration avec Béatrix de l'Aulnoit) consacré à Martine Aubry connut un immense succès lors de sa sortie en 2002, il y a bientôt dix ans.

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Atlantico : Vous souvenez-vous de la réception dont fit l’objet en 2002 « La Dame des 35 heures », l'ouvrage polémique que vous aviez co-écrit avec Béatrix de L'Aulnoit sur Martine Aubry ?

Philippe Alexandre : Juste après la publication du livre, Martine Aubry était furieuse. Elle ne cessait de faire des commentaires dans la presse pour dire qu’elle allait nous faire un procès. Après, elle a dit que c’était un livre qui s’attaquait à sa vie privée, ce qui est une analyse complètement fausse : ce n’est que du personnage public dont nous avons traité. Plus récemment, dans Martine, le destin ou la vie, le dernier livre que lui a consacré Isabelle Giordano, elle dit qu’il s’agissait d’un pamphlet et que c’était écrit en tout petit sur la couverture. C’était peut-être un pamphlet, mais il s'agissait d'une « enquête ». C'était écrit en gros sur la couverture.

Le livre a eu beaucoup de succès, il a été très bien accueilli. Je ne me suis fâché avec personne sauf avec elle. Ce n’est pas grave : on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs…

Le titre de l’ouvrage a fait beaucoup parler…

Je ne regrette pas du tout ce titre ! Je vais vous raconter une anecdote amusante à ce sujet : le Directeur commercial des éditions Robert Laffont m’invite un jour à déjeuner et me dit qu’il trouve le titre ridicule et que nous n’arriverons pas à vendre l’ouvrage en conservant un titre pareil ! Je tiens bon. Sans doute avec raison : désormais, chaque fois que paraît un article sur Martine Aubry, vous pouvez être sûr que la formule revient. J’aurais dû demander des droits d’auteur…

Dix ans plus tard, la première Secrétaire du Parti socialiste colle toujours à cette image. Si vous interrogez l’homme de la rue, Martine Aubry c’est les 35 heures ; qui illustrent assez bien sa méthode et sa conception du pouvoir. C’est là-dessus qu’elle est critiquable.

Le titre de notre livre reste donc tout à fait d’actualité et je pense que si elle était candidate – comme cela semble être probable – les 35 heures lui colleront aux basques pendant toute la campagne.

N’est-ce pas injuste ? Après tout c’est à Dominique Strauss-Kahn qu’on doit l’idée des 35 heures…

C’est exact. Il faut savoir qu’à l’origine notre livre devait être consacré uniquement aux 35 heures. Nous avions donc rencontré Dominique Strauss-Kahn. Nous savions que c’était lui qui avait lancé l’idée et qui l’avait défendue devant les instances du Parti socialiste.

Il nous avait répondu à l’époque que, d’une part, il ne pensait pas que les 35 heures seraient menées en même temps que les emplois jeunes, et, d’autre part, qu’il n’imaginait pas que les 35 heures seraient menées de cette façon.

Selon vous, quelle serait la pratique du pouvoir de « la dame des 35 heures » à la tête de la France ?

Je pense qu’au-delà de 50 ans, on ne change pas. Je considère donc qu’elle n’a pas changé, qu’elle a les mêmes travers que ceux que nous décrivions dans notre ouvrage : un caractère autoritaire, entier, péremptoire. Nous l’appelions d’ailleurs la « mèremptoire ».

Ce qui est inquiétant pour le pays c’est qu’elle n’a pas vraiment le sens de la négociation. Les 35 heures l’ont montré : elle n’a pas négocié avec les syndicats, ni avec le patronat. Même Nicole Notat, l'ancienne Secrétaire générale de la CFDT qui était favorable à une réduction du temps de travail, a été horrifiée par la façon dont les choses se sont passées.

Donc, je pense que Martine Aubry n’a pas changé et ce que je sais, pour rencontrer beaucoup de socialistes, c’est qu’elle reste égale à elle-même avec tout d’un coup des éclats de voix, tout d’un coup des absences. Bien-sûr, elle a aussi des qualités ! Elle possède beaucoup d’énergie, elle travaille ses dossiers. Mais elle a un problème de relation avec les gens. Pour un chef d’État, je pense que c’est important d’être en contact direct avec les gens, de les sentir, de les comprendre. Ca ne signifie pas les voir tout le temps : Mitterrand ne voyait personne, mais il avait l’intuition de ce que représentait le peuple français. Martine Aubry ne l'a pas complètement.

Comment analysez-vous le duel qui se profile à l’occasion des primaires socialistes entre Martine Aubry fille de Jacques Delors et François Hollande Président d’honneur du « club témoin » de Jacques Delors ?

Je pense que politiquement, Martine Aubry n’est pas l’héritière de son père. Et je pense même que son père a été choqué par la façon dont elle a mené cette réduction de la durée hebdomadaire de travail. Son père est un négociateur qui a passé sa vie entière à discuter avec les organisations salariales.

François Hollande est surement l’héritier de Jacques Delors pour sa vision européenne. Mais lui non plus, je ne pense pas que l’on puisse dire qu’il est l’héritier de Jacques Delors en ce qui concerne les méthodes et le comportement. Je ne vois pas très bien d’ailleurs de qui Hollande est l’héritier… En politique, quand on arrive à un certain niveau, on est l’héritier de soi-même.

Finalement, près de 10 ans après la publication de « La Dame des 35 heures » qu’est ce qui vous surprend le plus dans l’évolution de Martine Aubry ?

Depuis qu’elle a accédé au poste de Premier secrétaire du Parti socialiste, elle est parvenue à réunir autour d’elle beaucoup de monde. Mais elle n’a pas tenu compte de toutes les critiques qui ont pu lui être adressées. Cette rigidité m’a étonné.

Je pensais lorsqu’elle a été élue Premier secrétaire – même si son élection s’est déroulée dans des conditions difficiles, voire même contestables - qu’elle changerait un peu son style de gouvernance. Or, apparemment, elle n’a pas tellement changé.

Et puis, elle a ce défaut que beaucoup d’hommes politiques ont : elle est fâchée avec la vérité. Elle raconte des contre-vérités avec un aplomb formidable. Mais, vous savez, les hommes politiques qui racontent la vérité ne sont en général pas élus !

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