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Médecin, 
le métier qui ne fait plus rêver
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déserts médicaux

Des médecins de plus en plus âgés, une répartition géographique de la profession toujours autant inégale... Tel est le constat que dresse l’Ordre des médecins dans son Atlas de la démographie médicale de 2011, publié le 14 juin. Roger Rua, secrétaire général du syndicat des médecins libéraux (SML), explique pourquoi cette profession de proximité n’attire plus…

Roger  Rua

Roger Rua

Roger Rua est secrétaire général du syndicat des médecins libéraux et médecin généraliste en région parisienne.

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Atlantico : Comment comprendre le problème des déserts médicaux ?

Roger Rua : Il y a deux choses différentes. D’abord, le problème de la démographie médicale, des médecins, principalement. Et puis, il y a la répartition géographique, c’est-à-dire l’offre de soin. Les deux sont liés.

La démographie, on ne la maîtrise pas en raison de deux variables : le numerus clausus, le nombre d’étudiants par année, fixé par le ministère, et la moyenne d’études, soit dix ans. Quand on prend 8500 étudiants en 2011, on espère avoir, dans 10 ans, autant de médecins. Et, dans 10 ans, on ne sait pas quels seront les véritables besoins.

Par ailleurs, quand un médecin sort diplômé, on ne sait pas où il va s’installer, en tout cas, pour les libéraux. Forcément, vu la liberté d’installation.

Il y a un élan de la population vers le sud-est, le sud-ouest. Et certains élus locaux se rendent compte que leur commune perd des services publics : la Poste, la gendarmerie, le bar-tabac, le boulanger… Et ils se rendent compte qu’ils n’auront plus de médecins non plus. Ces derniers en veulent un non loin de chez eux. Normal, c’est électoraliste…

Autre chose : comment voulez-vous qu’un médecin s’installe dans une commune où il n’y a pas d’école pour ses enfants, pas de commerce ? C’est difficile…

Comment inciter un médecin à s’installer dans un désert médical ?

Soit, on les oblige. C’est une proposition que j’ai lu dans le programme du PS : il faut que des diplômés s’installent dans des zones désertes. Je ne sais pas si cette mesure passerait bien…

Outre la contrainte, il reste l’incitation. D’abord, d’ordre organisationnel. La plupart des médecins, qui sortent des universités, sont des femmes – on remarque une féminisation de la profession – et elles ne sont pas forcément mariées à des médecins. Ces dernières, vont-elles vouloir s’installer à 50 kilomètres du lieu de travail de leur mari ? C’est difficile… Ou alors, et c’est possible, on peut dissocier lieu de travail et de domicile. Certains salariés font de nombreux kilomètres pour aller au boulot, une heure de train, etc… On peut envisager la même chose pour un médecin mais c’est une question de confort de vie.

Il y a, donc, aussi un problème de transport... On roule beaucoup, il y a de plus en plus de déplacements en voiture. Les médecins n’ont pas des facilités de stationnement, contrairement à ce que les gens pensent : on ne peut pas se garer n’importe où… J’ai des contraventions comme tout le monde. On n’est pas comme les cow-boys du Samu qui, eux, stationnent n’importe où et grillent les feux rouges.

Ensuite, Il y a les incitations financières et elles sont faibles. Comme, par exemple, cette mesure dans les zones sous-médicalisées : des médecins qui bénéficient d’un bonus de 20 % pour leurs honoraires… Mais à condition d’être dans un cabinet de groupe…

Le syndicat des médecins libéraux (SML) avait réfléchi à une diminution de charges, comme une baisse des impôts locaux, voire à la création d’une zone franche médicale, pour un médecin qui veut s’installer dans un désert… Ce sont des propositions qu’on a transmises au ministère… Après, ils font ce qu’ils veulent…

On propose, par exemple, que les murs du cabinet soient investis par la collectivité locale. Soit le médecin rembourse ou rachète ces murs s’il décide de rester là, soit, s’il souhaite partir, laisse les locaux à son éventuel successeur.

Les jeunes ont du mal à s’installer et à visser une plaque quelque part : si on leur fournit un lieu, ils resteront si le lieu leur convient.

Quel est la moyenne d’âge des médecins libéraux ? Quel est la proportion d’étrangers parmi ces médecins ?

C’est 55 ans. Certaines villes gardent les médecins plus âgés, d’autres attirent des plus jeunes… Par exemple, Bordeaux attire plus les jeunes que Lyon, Marseille. On ne sait pas vraiment pourquoi.

Quant aux étrangers, il faut distinguer ceux de l’Union européenne, ceux qui proviennent d’ailleurs et les étrangers formés en France. Pour les premiers, il y a des équivalences de diplôme. Les seconds ont des diplômes qui peuvent être validés.

On en remarque de plus en plus, surtout des médecins plus jeunes. La proportion augmente. On est à presque 10-12 % d’étrangers selon l’Atlas 2011 qui vient de paraître. Et il y a 10 ans, il n’y avait quasiment pas d’étrangers… C’est un phénomène transitoire et de « mode ».

Pourquoi le métier de médecin libéral n’est-il pas sexy ?

En raison du numerus clausus, dans les cinq ans à venir, on aura assez de médecins… Si on forme autant de médecins, il faut qu’ils aillent travailler quelque part, et il faut les inciter à faire de la médecine libérale de proximité. Car c’est ce qu’on a le plus besoin. Or, aujourd’hui, il y a, en effet, une désaffection pour ce type de médecine.

L’un des facteurs explicatifs : la féminisation. Vous pouvez être salarié dans un CHU ou dans une industrie pharmaceutique, par exemple… Et ces médecins peuvent travailler à mi-temps, à temps plein. Les femmes préfèrent gérer leur temps professionnel en fonction de leur vie de famille. Et elles n’ont pas forcément envie de travailler à temps plein…

Et même les jeunes hommes n’ont pas tous envie de bosser 60 heures par semaine et prônent les 35 heures.

Par ailleurs, cette profession de proximité n’est pas bien enseignée. J’ai assisté, un jour, à une de présentation de la médecine libérale à la faculté et, en sortant, je me suis dit : « Si j’étais médecin, jamais je n’aurais envie d’exercer cette profession libérale. » On nous présente ça comme un épouvantail, un métier impossible avec des horaires impossibles, des charges administratives, un travail de comptabilité à faire.

C’est plutôt un aboutissement de carrière au contraire d’un travail à l’hôpital. Devenir chef de service, c’est formidable. Or, aujourd’hui, il y en a très peu puisqu’il n’y a pas beaucoup de services. Maintenant, les jeunes, qui se destinent à une carrière à l’hôpital, deviennent plutôt praticien hospitalier, soit, en gros, l’ouvrier spécialisé de l’hôpital.

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