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Grèce : comment alléger
le poids de la dette ?
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Avenir

Mercredi soir le Premier ministre grec, George Papandreou, s'est dit prêt à démissionner pour qu'un gouvernement d'union nationale se mette en place, afin de sauver le plan d'austérité. Horizon sombre pour la Grèce ? Pas si sûr, car un scénario de renégociation de la dette existe, et ce, sans léser les investisseurs...

Phillip Hall

Phillip Hall

Philip Hall est le Président d'Axiom Alternative investments.

Il est diplômé de l'Ecole centrale de Paris et de l'Imperial College London.

 

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Quel avenir pour la Grèce, qui a du demander une nouvelle aide de 60 milliards d'euros la semaine dernière ?

Sur le plan macro-économique, la situation ne s’est pas aggravée, il n’y a pas eu d’évolutions majeures. Les flux d’informations macro-économiques ne sont pas assez rapides pour dire si les choses vont mieux ou pas. Ce qui est vrai, c’est que dans les discours politiques des dirigeants européens, mais également de la BCE, il existe peut-être une plus grande liberté de ton à évoquer des restructurations volontaires et « amicales » qui n’ont pas pour objectif de faire peur au marché. Avant, ils hésitaient beaucoup plus à évoquer ces sujets. Les scénarios de restructuration « soft » ont une probabilité qui a un peu augmenté. Mais ce ne sont que des discours politiques.

Quel avenir pour la Grèce à un horizon de cinq ans ?

Deux scénarios assez simples sont possibles. Le premier, c’est celui que les anglo-saxons appellent « Extend and Pretend ». Il explique que les Grecs vont prendre la posture de pouvoir résoudre tous les problèmes par des ajustements macro-économiques et par des privatisations. Ils continueront donc à étendre les dettes pour continuer à refinancer, essentiellement avec les deniers publics puisque la Grèce n’ pas accès au marché privé. C’est un scénario tout à fait envisageable et dont la probabilité est la plus forte. Cela verrait la part publique, au sens acteur public, de financement grec augmenter petit à petit, pour dépasser la moyenne des 50 % dès 2012. In fine, au bout de quelques années l’économie grecque sera dans une situation de financement exclusivement public, ce qui nécessitera une vigilance et un contrôle accrue de la Commission européenne et des ministres de l’eurozone sur la politique micro-économique du pays et sur sa fiscalité par la suite.

Le deuxième scénario est celui de la restructuration volontaire, à l’amiable. D’une manière ou d’une autre, la Grèce profiterait des prix très bas des obligations actuelles pour trouver une opération financière avec ses partenaires européens. Ce qui lui permettrait d’effacer une partie de la dette et d’en allonger une autre.Cela nécessitera toutefois pas mal de travail, parce qu’il existe un grand nombre de porteurs de la dette grecque. Les 280 milliards d’obligations de l’Etat grec sont aujourd’hui détenus par différents acteurs qui ont différentes contraintes. Donc, s’il faut monter des opérations volontaires qui seront gagnantes-gagnantes, il faut réfléchir aux contraintes des uns et des autres. Il s'agit de banques, d'assureurs, de gérants de portefeuille et de quelques hedge fund qui détiennent les obligations de la dette grecque. Ces gens-là ont des contraintes qui leurs sont propres, ce qui signifie que certaines personnes vont être prêtes à vendre à des prix qui ne sont pas loin des prix marché, soit parce qu’ils ont acheté très bas, soit parce qu’ils enregistrent toujours leurs positions à la valeur de marché. Dès qu’on offre une petite prime au cours ou au dernier cours, à ces gens qui sont à la valeur du marché, ils sont contents. Avec l’aide de la zone euro, la Grèce pourra racheter ainsi 60 à 65 % de ses obligations. Elle pourra donc faire faire une plus-value aux investisseurs et, en même temps, effacer une partie du stock, qui est racheté à 35 %, des valeurs nominales des dettes puisque ces obligations n'iront pas au bout de leur durée de vie. Ce n’est pas négligeable ! Pour cela, la Grèce emprunterait auprès du FMI par exemple, à un taux bien plus faible, autour de 5 % ,ce qui n’a rien à voir avec le taux du marché pour la Grèce actuellement. De plus, cela se fera de manière amiable puisque les gens ne sont pas obligés de vendre à ces prix-là, mais  ceux qui le feront y auront  un intérêt. *

Quelle peut-être la meilleure solution pour la Grèce ?

Les yeux de la planète entière sont focalisés sur les bilans des banques et leur solidité financière. Pour tous les gens qui ont des problématiques comptables liées à la vente, ce qui faut faire, ce sont des offres d’échanges où l’on allonge la dette. Par exemple, vous avez une dette qui arrive à échéance trois ans avec 5 % de rendement, on vous l’échange contre une dette qui arrive à échéance dans dix ans avec 4 % de rendement. Evidemment, il semblerait logique que personne n’accepte, mais il s’avère que beaucoup de gens accepteront en fait pour deux raisons. D’abord parce que les gens comprennent que c’est une façon d’abaisser leur risque. Puis, parce qu’on peut imaginer d’améliorer la donne pour eux et donc leur offrir des garanties. La dette grecque aujourd’hui n’a absolument plus de garantie. On peut imaginer de faire ce qu’avait fait, sous l’égide du gouvernement américain, le Secrétaire au Trésor, Nicholas Brady, qui avait inventé le concept d’obligations Brady. Pour faire passer la pilule, on mettra des actifs en garantie à côté de ces nouvelles obligations. La Grèce aujourd’hui à une énorme quantité d’actifs estimés à plusieurs centaines de milliards par le FMI. C’est certes un pays très endetté mais qui a beaucoup d’actifs. Cela peut être des actifs immobiliers, des sociétés à privatiser. Ces garanties seraient des sortes d’hypothèques. Tout le monde demande que la Grèce commence à privatiser pour rembourser la dette.  Mais le problème, quand on vend dans cette situation-là, c’est que le vendeur n’est jamais dans la meilleure des situations possibles. Il est le vendeur forcé, et le prix n’est jamais très bon. En donnant des actifs en garantie en revanche, cela lui laisse le temps de trouver des clients au bon prix.

La Grèce gagera ses dettes futures sur ses actifs, donc sur les privatisations. Mettre les privatisations dans la balance plaît à tous les acteurs européens. Mais on ne force pas la Grèce à vendre tout de suite. Il faut lui donner le temps de vendre dans cinq, dix ans. Si elle ne rembourse pas, ce sont les créanciers qui vendront au prix le plus bas pour simplement être remboursés. La Grèce aura donc intérêt à vendre à un moment, mais pas de manière précipitée. La Grèce et les différents leaders européens doivent tirer profit d’une manière ou d’une autre de la peur qui a pris les marchés et qui a précipité les cours à la baisse. C’est vraiment cela qui peut éventuellement sauver la Grèce.

Les gens ont découvert quelque chose encore impensable cinq ans auparavant, qu’un état souverain de la communauté européenne qui est la zone économique la plus moderne, la plus solide qui soit, avec les Etats-Unis, pouvait faire défaut. Les prix sont aujourd’hui à un niveau très bas. Il existe une opportunité exceptionnelle pour les dirigeants grecs et européens dans son ensemble de diminuer le fardeau de la dette et je suis plutôt optimiste sur l’issue. 90 % des spécialistes financiers pensent que la dette sera restructurée ou alors la Grèce fera défaut.

A noter que toutes les mauvaises nouvelles sont déjà dans les cours. Le risque est donc à la hausse. Il n’y a pas de crainte irrationnelle que tout cela s’étende demain à tous les autres marchés. 

Tous les porteurs d’obligations n’enregistrent pas ces titres à la valeur du marché, c’est une des problématiques importantes de cette situation. Les assureurs, les banques et les banques grecques enregistrent, de deux manières possibles, ce qu’on appelle la technique comptable et réglementaire du HTM, held to maturity. Ce sont des titres qu’on enregistre à leur valeur d’acquisition et qui ne bougent jamais. On enregistre les intérêts lorsqu’ils sont perçus et c’est tout. Il existe un autre traitement comptable qui est autorisé par les normes internationales. C’est l’AFS, Available for sell, où les titres sont enregistrés à leur valeur d’acquisition. Toutes les plus-values potentielles qui résultent des mouvements des cours passent par les capitaux propres et non par le compte de résultats. Donc, une banque qui aurait une obligation d’Etat grecque enregistrée en AFS, en vendant à un prix décoté, perdrait de l’argent sur le compte de résultat, mais pas sur ses fonds propres puisque les titres auront déjà été enregistrés.


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