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Air France : bonnes intentions,
mais contresens économique
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Le contre

Une centaine de parlementaires a demandé à Air France de privilégier Airbus à Boeing dans le renouvellement de sa flotte de longs-courriers. Une erreur, selon Didier Salavert, Vice-président d’Alternative Libérale.

Didier Salavert

Didier Salavert

Didier Salavert est co-fondateur du think-tank la Fondation Concorde qu'il a aujourd'hui quitté.

Vice-président et porte parole d’Alternative Libérale, il a participé à plusieurs campagnes électorales de Jacques Chirac, sans toutefois jamais adhérer au RPR.

 

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Près d’un quart des députés français aurait signé la pétition lancée par l’un d’entre eux, Bernard Carayon, afin d’inciter Air France à privilégier Airbus dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler une méga-commands à venir d’avions long-courrier. Le Secrétaire d’Etat au Commerce Extérieur, Pierre Lellouche, sensible à cette démarche, aurait quant à lui convoqué le président d’Air France pour lui demander des explications. Bernard Carayon et Pierre Lellouche sont des hommes estimables et leur amour de la France ne saurait être mis en doute. Dans cette affaire, ils n’ont donc d’autre but que de défendre les intérêts de notre pays. Toutefois, l’enfer comme la mauvaise économie sont pavés de bonnes intentions. Et en l’occurrence, ces dernières vont à l’encontre de nos intérêts économiques et politiques.

Il est inutile de s’étendre sur le fait que 25 % des salariés français travaillent pour l’export et que 25 % des salariés français dans l’industrie aussi travaillent dans des filiales françaises de groupes étrangers. Ces chiffres sont simplement pour rappeler qu’une France refermée sur elle-même connaîtrait un effondrement de son emploi et de son industrie. On voit mal en effet des pays étrangers continuer à acheter des produits et des services d’un pays qui fermerait lui-même ses frontières aux produits et services étrangers. De même, il deviendrait difficile pour un groupe étranger de maintenir des implantations industrielles dans une France repliée sur elle-même. Concrètement parlant en matière aéronautique, il deviendrait difficile à Airbus de vendre des avions aux Etats-Unis – aujourd’hui son premier marché – s’il était interdit d’acheter des avions américains en France. On oublie également que la France est le lieu d’implantation européen de plusieurs grands équipementiers aéronautiques américains.

Il est aussi une raison moins comprise mais pourtant plus importante encore pour ne pas suivre les « bonnes intentions » de nos élus dans l’affaire Airbus : favoriser un agent économique sur le seul fondement de sa nationalité rend peut-être service – à court terme – au dit agent mais coûte très cher à l’ensemble des autres agents économiques nationaux. Dit de manière plus directe et simplifiée : favoriser Airbus parce que l’entreprise est française (quoique pour Airbus ce soit un raccourci) va à l’encontre des intérêts de l’immense majorité des Français et donc de la France.

Vive la concurrence internationale !

En effet, la cause première de la prospérité d’un pays dépourvu de ressources naturelles significatives est la capacité de ses agents économiques, privés et publics, à créer de la valeur. Créer de la valeur signifie vendre un produit plus cher que son coût de production. Le prix de vente d’un produit est d’autant plus élevé qu’il est désirable pour ses acheteurs potentiels. Le coût d’un produit est d’autant plus bas que la productivité de son producteur est importante. Tout l’effort d’un agent économique soucieux de créer de la valeur est donc de rendre sa production le plus désirable possible et d’augmenter sa productivité pour diminuer son coût de production.

L’énergie nécessaire pour un tel effort est donnée par la concurrence. Le patriotisme en matière économique comme militaire peut galvaniser les individus et les entreprises. Mais force est de constater que l’énergie produite par un tel sentiment s’érode assez vite. Par contre, un concurrent qui vous rappelle tous les matins qu’il vous faut être plus concurrentiel que la veille sous peine de disparaître, est une source d’énergie inépuisable. Quel que soit le jugement de valeur porté sur ce fait, il est bien réel. Toutes les études démontrent que le taux de croissance des pays est directement lié à son ouverture au commerce extérieur. Les démonstrations de patriotisme des Gardes Rouges devant Mao Zedong ont peu contribué à la prospérité de la Chine au regard de la liberté du commerce – et donc l’ouverture à la concurrence des agents économiques - initiée par Deng Xiaoping. De même, l’Allemagne de l’Est, championne du patriotisme économique, ne produisait plus en 1989 que des Trabant quand la RFA, ouverte à la concurrence, construisait des Mercedes et autres BMW ou Audi. 

Par conséquent, Airbus favorisée de par sa nationalité ne tardera pas à créer des avions moins désirables et à relâcher sa productivité. Pourquoi faire des efforts lorsque la « naissance » vous garantit une vie confortable ? Airbus créant moins de valeur car protégée par les bonnes intentions de nos députés, créera moins de prospérité pour ses sous-traitants d’abord, pour ses salariés ensuite et pour tous les citoyens français enfin.

Non au protectionnisme

Le seul souci de nos élus et de notre Secrétaire d’Etat devrait être de s’assurer que la décision d’Air France pour l’achat de tout avion est fondée sur les deux seuls critères suivant : le rapport qualité/prix des avions et le maintien d’une vraie concurrence entre constructeurs aéronautiques. Tout autre critère sera préjudiciable aux intérêts de la France.

Avec la même énergie, nos gouvernants devraient s’élever contre toute forme de protectionnisme ou de patriotisme économique entravant l’exportation de nos produits ou l’implantation à l’étranger de nos entreprises. Répondre à du protectionnisme par du protectionnisme est totalement contreproductif. Evidemment, se battre pour plus de concurrence est plus difficile au plan politique que de convoquer à Bercy un chef d’entreprise français, convocation d’un autre âge par ailleurs. Ne doutons toutefois pas des bonnes intentions des signataires de la pétition et du Secrétaire d’Etat, même si elles sont un contresens économique allant à l’encontre des intérêts de la France à tous points de vue.

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