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Un Ferry ça va, c’est quand il y en a 97 000 que ça pose problème…
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Zone franche

Plusieurs dizaines de milliers de Luc Ferry, rémunérés par l’Éducation nationale pour enseigner, ne mettent jamais les pieds dans une salle de classe. Peut-on changer ça ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Luc Ferry, que l’on imagine passablement sous pression ces jours-ci, est tout à fait réglo sur cette histoire de versement d’un traitement de prof sans contrepartie ! « OK, je ne donne pas cours, mais c’est parce que je suis détaché ailleurs, voilà tout », explique-t-il placidement en rappelant sa présidence d’un comité Théodule flambant neuf dont le site Web révèle toute l’importance pour l’avenir de la France.

Le Conseil d’Analyse de la Société est en effet un groupe de sages nommés par le Premier ministre et dont le rôle est « d’éclairer le gouvernement dans ses choix » ― ce qui en jette un max, avouons-le.

Bien sûr, le gouvernement en a déjà d’autres, des machins du même genre, puisque le CAS est juste un « relais complémentaire »… Mais entre ça et donner quelques malheureux TD de philo à de futurs équipiers MacDo dans une fac apparaissant à peine sur le radar du classement de Shanghai, on voit où le gars se sent le plus utile.

Là où il commet une petite erreur, pour autant, c’est lorsque qu’il enfonce le clou en se prévalant des « 71 000 enseignants » qui, comme lui, sont occupés à d’autres tâches que celles pour lesquelles l’Éducation nationale les rémunère. Il est vrai que parler à tort et à travers et mettre les copains dans l’embarras, Ferry sait faire et il n’en est plus à une gaffe près. On imagine néanmoins qu’il n’était pas censé déclencher une polémique sur le nombre d’enseignants glandeurs juste après avoir ouvert un débat sur les effectifs de ministres pédophiles…

Enseignants détachés : des chiffres introuvables

Trop tard. D’abord, les enseignants en question, ils ne sont pas 71 000 mais 97 000 (sur 800 000[1]). Enfin, disons qu’ils étaient 97 000 en 2005, mais qu’il est impossible de dénicher des chiffres plus récents, y compris dans le rapport de la Cour des Comptes 2010 sur les questions de scolarité.

Oui, 97 000 instits et profs détachés ou « mis à disposition » dans tout un tas de fonctions certainement passionnantes (et l’on a vu à quel point le travail de Ferry dans son comité est crucial pour l’avenir du pays), mais n’ayant parfois qu’un rapport lointain avec l’éducation proprement-dite.

Voyons voir, il y a des syndicalistes, des chargés de fonctions administratives, des détachés auprès de collectivités locales, d’associations culturelles, d’ambassades, d’ONG, de structures sportives, etc.. Bref, plusieurs dizaines de milliers de personnes figurant bien dans les stats, mais pas dans les établissements. De quoi compenser largement la baisse des effectifs (16 000 postes en moins cette année), même si les enseignants ne sont pas interchangeables et qu’un prof de math, ce n’est pas un prof d’anglais.

Évoquer ces questions est toujours un peu délicat parce que les profs passent pour le sel de la terre et que rien n’est plus politique que l’éducation. Parler de profs glandeurs, c’est tout de suite louche voire un poil de mauvaise foi puisque bien des missions accomplies à l’extérieur de l’EN semblent,  à tout prendre, plus légitimes que le fromage primo-ministériel de Luc Ferry.  Omerta brisée pour omerta brisée, on se dit tout de même que la question des ministres pédophiles est infiniment moins fondamentale pour la France que celle des profs détachés.

Ah ben tiens, le Conseil d’Analyse de la Société, il ne pourrait pas nous pondre un rapport sur le sujet ?
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[1] Un chiffre auquel il convient de soustraire quelque 20 000 enseignants « en disponibilité », ce qui signifie qu’ils ne sont plus payés par l’EN.

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