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La Grèce ne fera pas l'économie
d'une cessation de paiements
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Cercle vicieux

Malgré un plan d'aide de 110 milliards d'euro consenti l'année dernière par ses partenaires européens et une cure d'austérité sans précédent, la Grèce s'avère incapable d'honorer ses créanciers. Le scénario du défaut de paiement, autrefois tabou, n'est aujourd'hui plus écarté.

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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Tout démarra aux Etats-Unis en 1977, à l’époque de Jimmy Carter, avec une loi, la Community Reinvestment Act, qui, par un ensemble d’incitations et de contraintes, poussait les banques à accorder des crédits à des groupes socialement défavorisés, et ce afin de faciliter l’accès du plus grand nombre à la propriété.

L’application de la loi atteignit son apogée dans les années 90, lors de l’administration Clinton, celle-ci exigeant aux banques de s’y conformer rigoureusement.

Accompagnant le mouvement, Alan Greenspan, président de la Banque centrale américaine nommé par Clinton, pratiqua une politique de taux d’intérêt bas.

Emballement du crédit

Tout le monde se mit à emprunter afin d’acheter un bien immobilier. Le prix de la pierre ne cessait de grimper, ce qui permettait à chacun de s’endetter davantage, donnant en gage ses actifs surévalués. Arriva cependant le jour où les emprunteurs les moins solvables commencèrent à ne plus pouvoir payer leurs traites. Les banques saisirent alors leurs biens hypothéqués et décidèrent de restreindre le flux des crédits de peur de ne pas être remboursées. L’activité économique s’effrita, déclenchant en 2008 la récession au niveau mondial que l’on sait.

Aux Etats-Unis, la solution choisie pour combattre la crise comporta deux volets principaux. D’une part, un plan de relance comportant des dépenses publiques chiffrées en plusieurs centaines de milliards de dollars. D’autre part, le sauvetage des banques en détresse.

Quant à l’efficacité des plans de relance, il n’y a pas de consensus parmi les économistes. Mais en marge des disputes théoriques, un argument concret, mettant en doute la pertinence de ces plans, vient d’être avancé par l’historien de l’économie Niall Ferguson; il donne la Suisse comme exemple d’un pays qui s’est sorti de la récession par une politique de prudence fiscale[1]. Entre-temps, malgré les sommes faramineuses dépensées par le gouvernement américain, l’économie des Etats-Unis continue à afficher des résultats décevants, notamment en matière de création d’emplois.

Pour ce qui est du sauvetage des banques, rien ne dit qu’il ait été nécessaire ou d’une grande utilité. Pour preuve : le cas de la CIT. Une injection de 2,3 milliards de dollars de l’Etat américain ne put empêcher cette banque de se déclarer en faillite en novembre 2009. Cela ne fut cependant pas la fin du monde, puisque la CIT a pu se redresser depuis, et ce sans nouvelle aide de l’Etat[2].

Perte de compétitivité

En Europe, la Grèce fut le premier pays à se trouver sur la sellette des marchés financiers suite à la récession. Et pour cause. Un Etat providence prodiguant des avantages sociaux incompatibles avec la faiblesse économique du pays, une mauvaise gestion gouvernementale, une évasion fiscale généralisée, ainsi que des rigidités dues à des corporatismes de toutes sortes, avaient produit deux effets désastreux : une économie en perte de compétitivité internationale et un Etat atteignant un niveau d’endettement exorbitant.

En échange de nouveaux prêts, les marchés financiers exigeaient de la Grèce des taux d’intérêt, de plus en plus élevés, que le gouvernement n’était pas en mesure de payer.

Entra alors en scène l’Union européenne, demandant aux Etats membres, l’Allemagne en tête, de venir en aide à la Grèce en lui prêtant à de meilleures conditions que le marché. En contrepartie, l’Europe réclama à la Grèce des mesures draconiennes d’austérité

Économiquement inacceptable, politiquement intenable

La Grèce se trouve dans une impasse. A moins d’assainir ses finances publiques, elle n’obtiendra pas de nouveaux crédits. Mais en même temps, la cure d’austérité, réclamée par l’Union européenne pour lui consentir de nouveaux prêts, porterait un coup trop dur au niveau de vie de la population. Autrement dit : les conditions posées par les partenaires de la Grèce, bien que légitimes, s’avèrent politiquement intenables.

Qu’on le veuille ou non, la Grèce ne pourra pas faire l’économie d’une cessation de paiements en vue de renégocier sa dette, quitte pour cela à sortir de la zone euro et ainsi reprendre en main sa politique monétaire. Par ailleurs, l’Argentine agit de la sorte voici une dizaine d’années, et la cessation de paiements porta ses fruits assez rapidement.

Les banques créancières de la Grèce en pâtiront à coup sûr. Mais pour elles, pas plus que pour la CIT aux Etats-Unis, ce ne sera pas la fin du monde ; les plus touchées feront l’objet de fusions ou d’acquisitions qui les rendront plus performantes. Faut-il répéter que la « destruction créatrice » d’entreprises, y compris dans le secteur bancaire, fait partie de la respiration de toute économie dynamique ?

De ce récit se dégage une troublante constatation : l'interventionnisme d’Etat et ses mauvais choix – plutôt que les marchés financiers -- sont à l'origine de chaque étape de la tourmente qui a secoué l’économie mondiale ces dernières années.


[1] « Austerity works », Newsweek, 29 mai 2011.

[2] « Life after bankruptcy », Wall Street Journal, 30 avril 2010.

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