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Laïcité : tout ça pour ça ?
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République à brac

Deux mois après la très controversée convention UMP sur la laïcité, le parti dirigé par Jean-François Copé présente ce mardi sa résolution parlementaire devant l'Assemblée nationale. Au final, beaucoup de déjà-vu...

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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La Majorité parlementaire soumet au vote du Parlement ce mardi une proposition de résolution « sur l’attachement au respect des principes de laïcité, fondement du pacte républicain, et de la liberté religieuse ». Sa lecture est rassurante et, dans le même temps, assez inquiétante.

Pourquoi le texte parlementaire est rassurant...

Ce qui frappe tout d'abord, c'est la relative vacuité du texte parlementaire : rien n’est innovant. Le code la laïcité ? Une proposition du HCI de 2010, ou de Dialogue & Initiatives en 2004. La neutralité des collaborateurs du service public ? Une proposition du HCI de 2007, 2010 et 2011, ou du Rapport Rossinot de 2006. Toutes les propositions qui sont formulées sont en réalité dans le débat public depuis plusieurs années, amenées par la Gauche comme par la Droite et surtout par une série de rapports d’experts commandés par les pouvoirs publics. Après des mois de débats houleux, l’UMP accouche ainsi d’une série de propositions très très consensuelles.

Rassurante, la proposition de résolution l’est aussi car le parti majoritaire a abandonné certaines de ses mesures les plus périlleuses : c’est avec soulagement que les Catholiques verront ainsi disparaitre la proposition mise en avant lors de la Convention d’avril : « engager une réflexion sur les moyens d’éviter que des ministres du culte aient un lien de subordination avec un État étranger ». En outre, fort heureusement, toute allusion à une religion en particulier (l’islam) est absente du texte.

... mais aussi inquiétant !

Si le texte est inquiétant c'est d’abord par le débat qu’elle a provoqué. La Gauche a crié au fascisme rampant, la droite a dénoncé un laxisme coupable… et pourtant ! A la lecture du texte déposé par l’UMP il est frappant de constater sa proximité avec une proposition de loi déposée le 7 février 2008 … par le Groupe PS à l’Assemblée ! L’UMP propose un code de la laïcité ? Le PS souhaitait créer une Charte à laquelle tous les Français devraient prêter serment. Réglementer les tenues dans l’entreprise ? Permettre le respect des croyances dans les cimetières ? Former les enseignants à la laïcité ? Interdire de récuser un agent public pour des raisons religieuses ? Sur tous ces points, les deux partis proposent la même chose[1]

Au fond, la lecture des deux textes fait ressortir le sentiment d’avoir traversé une période de débats relativement stériles, instrumentalisés des deux parts de l’échiquier politique. Alors qu’ils semblent d’accord sur les propositions, ces partis ont participé à un jeu malheureux avec la laïcité.

Le texte est aussi inquiétant car il reflète une tendance à interpréter la laïcité de manière toujours plus rigide. L’UMP avance ainsi une proposition qui se distingue des autres[2] : elle souhaite que « dans les entreprises puisse être imposée une certaine neutralité en matière religieuse ». Quant à la proposition de loi PS, elle envisageait l’« abrogation pure et simple » du statut particulier d’Alsace-Moselle, jugée « souhaitable ». La laïcité vise donc désormais à exclure toujours plus la religion de l’espace public, à imposer toujours plus un régime juridique uniforme à tous les citoyens Français. A son origine, elle était pourtant un régime de neutralité de l’Etat et surtout, surtout, de liberté pour les individus. 

Quel projet collectif pour demain ?

Le dernier paragraphe de la proposition de résolution de l’UMP ne manque pas de lyrisme, quand il « forme le vœu que la France fasse valoir dans le monde (…) sa conception d’une laïcité équilibrée et de la défense de la liberté religieuse, afin que les peuples qui cherchent la liberté puissent s’en inspirer ». Modèle d’intelligence guidant l’Humanité, la France doit ainsi mettre en avant le principe de laïcité « parce qu’il est un projet d’avenir pour consolider la communauté nationale ».

Pour autant, il n’est pas certain que la laïcité suffise à fonder un programme de cohésion nationale pour demain. En s’arc-boutant sur ce principe fondateur de notre République, mais pour en faire un instrument de combat, les partis politiques Français défendent une valeur toujours plus rigide, sans pour autant définir de projet collectif.

[1] Quelques différences sont cependant à noter : alors que l’UMP veut étendre le principe de neutralité aux collaborateurs du service public, le PS proposait seulement de le retranscrire dans les statuts généraux des trois fonctions publiques… En termes de symboles, le PS proposait aussi d’inscrire la devise républicaine au fronton de tous les établissements scolaires, de créer un observatoire de la laïcité, d’instaurer un service civique obligatoire, etc.

[2] Celle-ci, au moins, est d’ailleurs plus ou moins novatrice.

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