Eric Besson, entrepreneur : ces questions gênantes sur la reconversion des ministres auxquelles la loi ne prévoit aucune réponse<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
L'ancien ministre de l'Immigration Eric Besson.
L'ancien ministre de l'Immigration Eric Besson.
©Reuters

Editorial

L'ancien ministre de l'Immigration Eric Besson entre au comité de surveillance de la start-up Paytop, destinée à "révolutionner le marché des moyens de paiement vers l'international".

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

Voir la bio »

C’est l’histoire d’un chef d’entreprise qui devient ministre puis, lorsqu’il quitte le gouvernement, redevient entrepreneur. A première vue, ce parcours n’a rien de choquant. Les esprits sensibles à l’argument noteront même qu’il est rare et intéressant qu’un responsable politique bénéficie d’une expérience de dirigeant de sociétés. Aussi  qu’il est rassurant qu’un passage aux responsabilités politiques n’annihile pas toute envie d’inventer et de se relancer dans l’aventure de la création d’entreprise.

Sauf que le héros de cette histoire semble traîner sempiternellement derrière lui un parfum de polémique. Eric Besson, surnommé le "traître" par François Hollande pour avoir quitté son poste de secrétaire national du Parti socialiste et rejoint Nicolas Sarkozy dans la toute dernière ligne droite de la campagne présidentielle de 2007, est en effet un habitué des controverses. Bien sûr en raison de cette désertion de l’équipe de Ségolène Royal au moment où le navire socialiste commence à sombrer dans les sondages, mais aussi en raison de sa nomination en 2009 à la tête du polémique ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale.

Aujourd’hui, c’est la nature même de l’activité de la société dans laquelle il devient actionnaire par le biais de son cabinet de conseil EBC qui est à l’origine des critiques. Eric Besson entre en effet au comité de surveillance de la start-up Paytop, destinée à "révolutionner le marché des moyens de paiement vers l'international". En clair, Paytop souhaite concurrencer les géants américains Western Union et MoneyGram sur le marché plus que juteux (estimé en France à 15 milliards d’euros annuels) des services de transfert d’argent qu’utilisent chaque jour des milliers d’immigrés pour envoyer une partie de leurs revenus à la famille restée au pays. Les consommateurs n’ont pas vraiment le choix : les pays destinataires ne disposent le plus souvent pas des infrastructures bancaires nécessaires pour recevoir des virements de "compte à compte".

Eric Besson connaît bien le sujet. Lorsqu’il était ministre, il a commandité une enquête sur le transfert d’argent des migrants. Il a soutenu la création du site internet envoidargent.fr qui compare en ligne les tarifs des différents prestataires de transfert de cash. Mais il a aussi organisé des réunions sur ce thème avec des ministres africains, notamment lors du sommet France-Afrique de 2010. Il a rencontré et discuté avec les dirigeants des entreprises du secteur, y compris certaines dont Paytop est devenu aujourd’hui partenaire, comme c’est le cas de l’entreprise sénégalaise Money-Express. C’est ce mélange des genres qui met mal à l’aise. La situation pose question : A quel moment l’idée de la création d’un concurrent aux acteurs déjà existants a-t-elle germée dans l’esprit de M. Besson ? A quel moment et dans quelle mesure le carnet d’adresses et l’influence du ministre ont-ils aidé le chef d’entreprise ?

Au contraire de ses détracteurs, Eric Besson évoque la cohérence de son parcours. Et de fait, il n’y a dans tout cela rien d’illégal. Mais cette polémique sur une situation particulière met le doigt sur un problème plus général. Aucune modalité n’encadre en effet les activités professionnelles d’un ministre lorsque ce dernier quitte le gouvernement. Il semble logique qu’un ancien ministre puisse retrouver, aussitôt après avoir abandonné son maroquin, son métier de médecin, d’avocat, d’enseignant ou son poste de fonctionnaire dans tel ou tel corps d’Etat. Mais qu’adviendra-t-il si, dès leur sortie du gouvernement, un ancien ministre de la Défense est embauché par un fabricant d’armes ou si un ancien ministre de la Santé est recruté par un laboratoire pharmaceutique ? Il a fallu l’affaire Cahuzac pour que soit adoptée la loi sur la transparence de la vie publique pour prévenir les conflits d’intérêts et les risques d’enrichissement personnel. Est-il nécessaire d’attendre un nouveau scandale pour commencer à réfléchir à la pertinence d’étendre les restrictions à la période qui suit des fonctions ministérielles ou parlementaires, de renforcer les contrôles et d’éventuellement légiférer ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !