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Pourquoi l'accessibilité ne concerne pas que les personnes en situation de handicap
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Voir plus loin que le bout de son nez

L'association des paralysés de France organise ce mardi 13 mai des rassemblement dans plusieurs villes de France afin de sensibiliser l'opinion au sujet de l'accessibilité des lieux publics aux personnes en fauteuil roulant.

Alain Rochon

Alain Rochon

Alain Rochon est président de l'Association des paralysés de France.

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Atlantico : L’Association des paralysés de France (APF) organise un rassemblement pour l’accessibilité mardi 13 mai dans plusieurs villes de France. Quelle est aujourd'hui la situation de la France en matière d'accessibilité ? Quels sont les principaux lieux qui demeurent inaccessibles aux personnes en situations de handicap ?

Alain Rochon : Chaque année, à l'occasion du 11 février, qui est la date anniversaire de la loi de 2005. L'APF publie un baromètre de l'accessibilité, enquête réalisée par notre réseau local auprès des villes chef-lieu de département. On s'aperçoit que près de 10 ans après le vote de la loi 2005 et 4 ans après l'adoption de la loi de 1975, il y a encore des écoles primaires, transports en commun, cabinets médicaux et paramédicaux, ou encore des commerces qui demeurent inaccessibles. Dans tous ces domaines, nous avons encore la moitié du chemin à parcourir.  Pratiquement 50% d'entre eux ne sont pas accessibles. C'est ce qui fait la difficulté de la vie quotidienne pour les personnes qui se déplacent en fauteuil.

Derrière chaque projet, on trouve une collectivité dont vous connaissez les difficultés budgétaires actuelles. Mais si le nécessaire avait été fait en temps voulu, à savoir il y a quarante ans, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Et nous ne cessons d'interroger le gouvernement à ce sujet qui refait les mêmes erreurs. Car pour mettre en œuvre l'accessibilité de la France, il n'y a pas d'incitation, pas de contrainte, car nous manquons d'argent. Et le dispositif de 1975, repose sur un appel au volontariat plutôt que sur un système contraignant. Nous sommes en train de reproduire les erreurs commises par le passé. Dire simplement à un médecin ou à commerçant qu'il va augmenter sa clientèle, ne suffit pas à les inciter à faire les travaux nécessaires pour rendre leurs locaux accessibles.  

Il faudrait pouvoir leur proposer des dégrèvements fiscaux ou alors les contraindre. C'était d'ailleurs l'esprit de la loi de 2005 qui prévoyait des sanctions pénales dans le cas où les lieux accueillant du public n'auraient pas été rendus accessibles d'ici 2015. Et nous sommes en train d'adopter un nouveau système qui consistera à différer la sanction pénale. Le nouveau système consistera à dire que si vous n'êtes pas dans les clous au 1er janvier 2015, pour ne pas être sanctionné pénalement, vous aurez la possibilité de déposer ce que l'on appelle des agendas d'aménagement programmées. En clair, un calendrier de travaux sur un délai de trois ans, moyennant quoi, vous n'êtes plus soumis à une sanction pénale. Mais aucune sanction administrative ou financière n'est prévue.

Pourquoi ce sujet est-il délaissé par les pouvoirs publics et l'opinion ?

On a le sentiment qu'actuellement le gouvernement cherche plutôt à sortir de la crise économique et de la crise de l'emploi, ce que l'on comprend. Néanmoins, le gouvernement continue, comme ses prédécesseurs, à considérer que ce n'est pas un investissement d'avenir, mais une charge. Certes à l'instant T les travaux pèsent sur les comptes, mais il s'agit de préparer l'environnement à une société qui vieillit. Car les personnes en fauteuil roulant ne seront pas les seules à bénéficier des aménagements, les personnes âgées en bénéficieront également.

J'ai été déçu par le calendrier, et j'attendais une réelle mobilisation afin de changer le regard de la société sur le handicap. Les pays anglo-saxons et scandinaves considèrent qu'il s'agit de développement durable. Nous considérons d'ailleurs que le dossier d'accessibilité ne devrait pas être porté par le ministère des affaires sociales car il ne s'agit pas d'un sujet social mais sociétal. Le dossier devrait être géré par le ministère de Ségolène Royal, voire Matignon.

Malheureusement, tant que l'on n'est pas directement concerné par une jambe cassée, un parent qui a du mal à se déplacer, ou pire un fauteuil roulant, on ne se rend pas compte à quel point nos villes sont inaccessibles. Il suffit de faire le test avec une grosse valise à roulettes, vous verrez comme Stockholm ou Londres sont agréables et confortables. Il y a des choses qui ne trompent pas.

Les gens n'ont pas pris conscience de cela parce qu'on ne les mobile pas. Non seulement, les communes et les départements ne sont pas mobilisées mais on ne cherche pas non plus à changer le regard de la société sur le handicap. On est toujours dans une forme de compassion mais il n'y a pas de pression du corps social.

Quelle est la situation dans d'autres pays ? La France fait-elle figure de mauvaise élève ?

Ce n'est ni bon, ni mauvais. La France est bonne élève en matière de distribution d'aides, contrairement aux Etats-Unis et l'Angleterre. En revanche, à Londres, New York ou Copenhague, dès qu'une voirie, un bâtiment est rénové, les travaux sont pensés en termes d'accessibilité et de confort. Dans le domaine stricto sensu de l'accessibilité, nous sommes plutôt dans la deuxième moitié du classement mondial.

Ce n'est pas encore dans notre conception. Dans les pays le Canada ou encore l'Allemagne, on parle d'inclusion. Philosophiquement, nous ne sommes pas ouverts.

Comment changer notre vision sur le sujet de l'accessibilité des personnes en fauteuil roulant ?

Il faut se mobiliser, par des campagnes médiatiques notamment. Et il faut également des incitations et des contraintes comme je l'indiquais plus haut.

Par ailleurs, les pouvoirs publics considèrent qu'il s'agit d'une charge qu'ils ne peuvent pas imposer à des acteurs en difficulté. Au lieu de dire que cet investissement va profiter à tout le monde. Donnons-nous les moyens de faire ces travaux.  

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