Ce qu'il faudrait changer à l'Europe pour qu'elle devienne (enfin) l'alliée des entrepreneurs français<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour les entrepreneurs, l’Europe est une opportunité et en même temps la cause de bien de leurs malheurs.
Pour les entrepreneurs, l’Europe est une opportunité et en même temps la cause de bien de leurs malheurs.
©Reuters

Les entrepreneurs parlent aux Français

Les entrepreneurs français sont pour l’Europe, mais pas pour celle qui existe aujourd'hui. Ils voudraient une Europe où l’harmonisation fiscale et sociale soit effective afin que la concurrence cesse et que l'équipe soit enfin composée de joueurs soumis aux mêmes règles.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Les sujets se succèdent à un rythme calculé. En mai, il faut être européen. En mars il fallait être local, en mai il faut être global. Entre les 2, un avion opportunément tombé à un endroit aussi inconnu que notre soldat du même nom a fourni à l’actualité un sujet d’occupation quotidienne.

On sent d’ailleurs sur l’Europe le même type d’intérêt : mais où est donc passé le vol européen ? Abîmé en mer par des pilotes insuffisamment fiables ou victime d’un détournement abusif ? Peut-on retrouver sa boîte noire d’origine et vérifier si le vol a bien suivi son plan de route ? Est-ce que les décombres pourraient être repêchés, ramenés à la surface et servir de leçon pour l’avenir ? Doit-on faire le deuil de ses passagers ?

Pour les entrepreneurs, l’Europe est une opportunité et en même temps la cause de bien de leurs malheurs. Transformer le malheur en opportunité est souvent le fait des technocrates.Trop puissants, ils nous construisent un monde convenant à leurs intérêts et représentations, celui d’une jungle complexe dont ils ont seuls les codes pour les avoir inventés. Une machine opaque qui impose au citoyen de leur déléguer le pouvoir pour les y guider car ils se sont dotés des seules lampes torches pour s’y promener. Le goût de la complexité érigé en dogme, le technocrate tisse un mur de Berlin virtuel face au citoyen, qui ne peut s’en échapper ni le détruire. En tous cas, c’est le pari du technocrate. Se construire un monde dont la complexité est une fin en soi car elle impose et garantit son propre maintien.

De l’autre côté, l’élu européen. Souvent persuadé de la cause, il a besoin de la technocratie pour l’application de ses décisions et il n’en mesure pas toujours les répercussions. A vouloir uniformiser, souvent pour la bonne cause, il tue les spécificités, en oubliant que l’humain aime la différenciation et que si il porte le même vêtement de la Croatie à la France, cédant à la pression d’un marketing globalisé, il aime pouvoir avoir la sensation de le choisir.

Enfin, l’élu jusqu’alors a été un assez mauvais communiquant pour le citoyen. Les partis ne savent pas nous vendre les bénéfices de l’Europe. Il y aurait pourtant une myriade d’exemples frappant directement notre portefeuille, qui pourraient être mis en avant et redonner à l’Europe une couleur aguichante et porteuse. Ses détracteurs ont du faire de meilleures écoles de commerce ou de publicité. Ils vendent à merveille ses défauts et jouent bien des particularismes, des populismes et d’une multitude de nos petits défauts égoïstes, pour détruire l’image de ce "machin" qui semble échapper à chacun.

En fait, le politique a une lourde responsabilité. Il doit savoir reprendre le pouvoir sur ce sujet. Siéger pour mériter son salaire en large partie défiscalisé. Etre exemplaire et pas uniquement pour aller le toucher en fin de mois. Ne pas porter le flan à la critique. Un député tombant sous le radar d’une fréquentation minimum devrait être interdit de réélection. Remettre la vertu au cœur du système.

Ensuite, les technocrates devraient être payés avec une légère supprime par rapport à leur administration d’origine. Et non pas avec des primes et salaires qui ne font qu’attiser la jalousie, bien compréhensible, d’une population qui découvre que ceux qui leur donnent des leçons de rigueur ne se l’appliquent surtout pas à eux-mêmes.

Le politique doit reprendre le pouvoir sur la technocratie. Même sujet qu’en France, où des ministres à durée de vie limitée (18 mois en moyenne ces 10 dernières années ) ont laissé le pouvoir aux commis de l’Etat, qui de commis sont devenus patrons, dans l’ombre, certes, mais sans aucun doute ! Ils doivent redevenir les patrons,et pour cela être présents, voire même délocalisés. 2 jours par semaine pour la plupart d’entre eux ne permettent pas de tenir les rênes bien serrées.

Les Etats doivent accepter de déléguer plus de pouvoir à l’Europe pour gagner en pouvoir mondial. Sans Europe politique, sans souveraineté déléguée, il n’y aura pas d’Europe. Si nous voulons peser sur les évènements mondiaux, il faut une voix unique sur les sujets clés. Une tête vers qui se tournent les regards quand il s’agit de prendre position. Qui peut prétendre qu’il existe une Europe aujourd’hui capable d’imposer ses conditions à la Chine ou de peser sur les conflits majeurs en l’Ukraine ou en Palestine ? Nous ne pouvons nous plaindre d’une Europe impuissante, si nous donnons de superpouvoirs aux fonctionnaires, par facilité et un sous pouvoir à l’Europe, par égoïsme.

Pour l’entrepreneur, l’Europe reste lente et ineffective. Nous aurons attendu 2016, 20 ans après les premiers téléphones portables, pour supprimer le "roaming". Il n’y a pas de fiscalité européenne unifiée, pas les mêmes règles du jeu pour tout le monde. Des écarts salariaux indécents au sein d’un même espace et une frénésie d’absorption de pays supplémentaires, 28 désormais, qui fait penser à l’obèse cherchant son 6ème repas de la journée. Il faut rendre tout cela uniforme mais pas en prenant le problème par le mauvais bout le la lorgnette comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui aboutit au final pour le Français de base à comprendre qu’on veut lui enlever son camembert soudain devenu dangereux pour la santé selon nos technocrates. L’Europe coupable de tous les maux, coupable de pousser la Grèce au suicide selon les populistes anti-Europe qui oublient ainsi que seuls les Etats impécunieux sont responsables de leur propre détresse.

Les entrepreneurs sont pour l’Europe. Mais pas celle-ci. Une Europe où l’harmonisation irait à pas forcé. Fiscale. Sociale. Afin que l’équipe soit composée de joueurs soumis aux mêmes règles, poussant dans le même sens et qui cesseraient de se concurrencer entre eux. Une Europe moins naïve, qui pourrait se protéger en exigeant la réciprocité avant d’ouvrir ses marchés au nom de la vertu et de l’exemple. Une Europe plus politique, dotée de véritables pouvoir et d’un organe de décision unique et collégial, comme tous les grands organismes mondiaux. Sans quoi elle n’existera pas. Une Europe qui cesse son expansion pour souder l’existant au lieu de se disperser.

Il faut pour cela du courage. Partager le pouvoir pour en gagner plus est un exercice difficile dans une France en repli, où la crise alimente le réflexe national, la politique du bouc émissaire, que "les anti" vendent malheureusement si bien. Il faut pour cela tracer un projet, en vanter les mérites, vendre le bilan et les réalisations. Bref, en parler autrement qu’une fois tous les 5 ans. L’entreprise européenne à l’heure du numérique est bien loin d’avoir la bande passante qu’elle mérite.

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